"20 ans après le premier Sidaction, les besoins de santé des LGBT sont immenses"

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Droit et socialLGBT

Le 4 avril dernier, à l’occasion du démarrage du Sidaction, Jean-René Dedieu, Stéphane Calmon et Théau Brigand, porte-paroles de la délégation santé de l'Inter-LGBT, publiaient une tribune sur la lutte contre le VIH/sida en France, rappelant la part que les gays et trans y avaient pris, des résultats obtenus par l’exemplarité de ce combat, de l’héritage dont les militants d’aujourd’hui disposent. Ce texte n’est pas un texte de nostalgie, mais bien un appel à une mobilisation autour des enjeux de la santé LGBT. Voici le texte de cette tribune précédemment publiée sur le site du Huffington Post.

"Vingt années se sont écoulées depuis que, sur le plateau du premier Sidaction télévisé, Cleews Vellay, alors Président d'Act Up-Paris, sonna l'alerte sur la situation dramatique des malades du sida, et en particulier celle des hommes homo et bisexuels, surreprésentés dans cette épidémie depuis son apparition. Il mourut six mois après, comme tant d'autres de nos compagnons, amants et amis. Avec les hémophiles, les usagers de drogues et les personnes prostituées, les communautés homosexuelles et des personnes trans ont payé un tribut disproportionné au sida, autant qu'elles ont contribué à la mobilisation collective et aux avancées de cette lutte face à l'attentisme des responsables politiques et institutionnels.

Faut-il rappeler que les premières organisations de lutte contre le sida issues de la société civile furent créées, en France et dans de nombreux pays, par des homosexuel-le-s et des trans ? Les victoires obtenues tout au long des trente dernières années par ces mouvements sociaux ont bénéficié à l'ensemble des personnes touchées par le VIH, et pour tout dire, à la société toute entière.

S'il est de bon ton de dire que la mobilisation des malades du sida a révolutionné la médecine et, au-delà, toute la santé, c'est donc en bonne partie à des militant-e-s homosexuel-e-s et trans qu'on le doit : relation médecin-malade, droits des malades, participation des malades et usagers aux politiques de santé, reconnaissance des besoins de groupes minoritaires. Ces évolutions ont essaimé dans toutes les pathologies et sont devenues un modèle qu'il faut toujours promouvoir tant elles sont, dans les faits, fragiles.

En tant que militantes et militants lesbiennes, gays, bisexuels et trans, nous sommes légataires de cet héritage. Nous devons aujourd'hui poursuivre le travail et renouer avec cet engagement, pour que ces transformations bénéficient à toutes les personnes LGBT.  La situation du sida a considérablement changé depuis 1994, et c'est désormais de l'infection à VIH comme une maladie chronique que l'on parle volontiers. Si les personnes séropositives accèdent précocement au dépistage, aux soins et aux traitements, elles peuvent espérer vivre en bonne santé avec le VIH pendant plusieurs décennies. Une fois dépistées, si elles prennent un traitement efficace, leur risque de transmettre le virus est proche de zéro. Pourtant, la situation des hommes homo- et bisexuels et des personnes trans reste inquiétante, tant le VIH continue de peser sur la vie d'un grand nombre d'entre elles. Les hommes gays et bisexuels représentent chaque année presque la moitié des nouvelles contaminations par le VIH, soit 2 500 ou 3 000 personnes, et ce nombre ne diminue pas. Chaque année, sur 100 gays séronégatifs, 1 deviendra séropositif, soit un risque de contamination 50 fois plus élevé qu'en population dite générale... sans parler des autres IST !

Cette situation est au moins autant due aux pratiques individuelles qu'aux inégalités sociales de santé auxquelles les homosexuels, les lesbiennes, les bisexuels et les personnes trans sont confrontées tout au long de leur vie, notamment dans l'accès aux services de santé, dont nos modes de vie peuvent nous éloigner. La société a la responsabilité d'offrir à toutes et tous les moyens de rester en bonne santé, et en particulier aux groupes de population les plus exposés aux risques. Et il y a donc beaucoup à faire ! Après ces 20 années, et malgré les succès, de nombreuses associations de lutte contre le VIH/sida sont aujourd'hui empêchées de mener à bien leurs missions, faute de financements suffisants. Les réponses aux besoins des personnes LGBT sont pourtant connues : le développement d'une offre de services de santé, notamment sexuelle et mentale, en matière de prévention et d'accès aux soins, qui soit facilement accessibles aux personnes concernées tout au long de leur vie. Lutte contre les discriminations, le mal-être et le suicide des jeunes, santé des lesbiennes, cette terre inconnue des institutions, parcours de transition des personnes trans, auxquelles on ne s'intéresse guère, formation des professionnels, prise en compte du vieillissement. De premiers jalons ont été posés dans le Plan national de lutte contre le VIH et les IST pour 2010-2014, dont la mise en œuvre est très insatisfaisante. Qu'attendent les pouvoirs publics pour agir ? Il ne manque que la volonté politique et les moyens financiers pour infléchir la courbe de l'épidémie. Séropositifs, nous voulons accéder à des soins de qualité et vivre en bonne santé. Séronégatifs, nous ne voulons plus vivre sous l'épée de Damoclès du VIH. Le gouvernement doit nous y aider, c'est urgent."