ABDGN : la diaspora noire contre le sida

Publié par Caroline Andoum et Joseph Koffi le 01.11.2017
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Dans son édito précédent, Gingembre (n°31, été 2017) évoquait le symposium communautaire organisé en amont de la conférence IAS 2017 de Paris. A cette occasion, une rencontre du Raac-sida avec Esther Wangari, présidente de l'African Black Diaspora Global Network (ABDGN) avait été organisée. L’ABDGN est le réseau incontournable pour la diaspora noire africaine mobilisée contre le sida à travers le monde ! Qui le compose ? Que fait-il ? Quelles sont ses priorités ?

L'African Black Diaspora Global Network (ABDGN), c’est quoi ?

L’African Black Diaspora Global Network est un réseau international d’associations et de collectifs interassociatifs issus des communautés noires vivant hors du continent africain. Basé à Toronto, il regroupe – comme le Raac-sida - des associations de type communautaire investies dans la promotion de la santé, la lutte contre le VIH/sida, la prévention des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles.

Les associations membres de l’ABDGN sont établies partout dans le monde, en Amérique du Nord (Etats Unis et Canada), en Amérique du Sud, en Amérique Latine, dans les Caraïbes, en Europe et en Australie. L’ABDGN aujourd’hui, ce sont dix membres ayant chacun la taille d’un réseau national occupant une place centrale dans la riposte contre le VIH/sida et reconnu dans son pays. Il s’agit majoritairement de structures rassemblant des communautés originaires d’Afrique subsaharienne, des migrants-e-s d’Amérique du Sud et des Caraïbes, et des associations communautaires généralistes agissant en direction et avec différentes populations clés.

AIDES est membre co-fondatrice de l’ABDGN depuis sa création en 2007, création qui coïncide avec la construction du Raac-Sida en France, le réseau des associations africaines et caribéennes agissant en France dans la lutte contre le sida, né des recommandations des Etats Généraux Migrants de 2005.

Où travaille le réseau ?

Le siège du réseau est basé à Toronto, au Canada, du fait du rôle moteur joué par les associations canadiennes qui sont majoritaires dans le réseau. La WHIWH–CHC (Women’s Health In Women’s Hands – Community Health Centre) a mis à disposition plusieurs années un salarié assurant la direction exécutive du réseau. Et Esther Wangari, directrice de cette association canadienne, assure aujourd’hui la présidence du réseau.

Quelle est la spécificité de ce réseau ?

L’ABDGN est le seul réseau international de ce genre à porter cette attention spécifique à la population clef que constituent, dans la lutte contre le VIH, les communautés africaines et afro-descendantes noires, immigrantes et réfugiées. Ce réseau est déterminé depuis sa création à sortir de l’ombre les problèmes négligés, liés à la santé et au VIH, touchant les diasporas noires et africaines. Dans les conférences internationales, auprès des institutions politiques et des organisations de lutte contre le VIH, en collaborant avec d'autres réseaux, l’ABDGN souligne inlassablement depuis dix ans les principales priorités portées par la diaspora noire africaine, afin de peser sur les politiques internationales et de remettre les communautés concernées et leurs besoins au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes de lutte contre le VIH-sida. L’ABDGN a notamment mis en ligne un site qui reprend, pays par pays, les principaux chiffres de l’épidémie de sida dans les communautés migrantes noires originaires d’Afrique subsaharienne. Le site permet de visibiliser les données (ou le manque de données), les enjeux locaux et les réponses apportées ou non dans les programmes de lutte contre le sida de ces différents pays — en Europe, en Amérique, en Australie.

L’ABDGN entend s’adresser à la diaspora noire. Qui est-elle ?

Cette diaspora noire assez hétérogène. Elle peut être répartie en trois typologies. Le premier groupe est composé des Noirs de la zone caribéenne et du continent américain, arrivés à la période de la traite. Le deuxième groupe est composé des afro-descendants (deuxième et troisième générations) nés d’un ou des parents issus des immigrations des premières années des indépendances, les années 50/60. Le troisième groupe est composé des personnes issues des migrations récentes.

Quels sont les objectifs de l’ABDGN ?

Fournir aux personnes vivant avec le VIH noires africaines vivant dans les diasporas un mécanisme pour créer un réseau d’échanges et construire une réponse globale et adaptée à la spécificité de l'épidémie afro-caribéenne ; devenir un espace de mutualisation pour la collecte et la diffusion de l'information dans les régions et pays des associations membres sur les actualités,  les avancées et les thématiques émergentes en matière de VIH. Notamment en matière de  recherche sur le sida, les décisions politiques, les nouvelles stratégies de prévention, l’accès aux nouveaux traitements, les initiatives de soins et de soutien, en solidarité avec les pays du sud plus spécialement l’Afrique sub-saharienne, le continent qui héberge le plus de personnes séropositives et enregistrent le plus des cas de décès dus au sida ; permettre le dialogue et trouver des solutions efficaces contre la stigmatisation et la discrimination en lien avec  le VIH/sida, l’orientation sexuelle et le racisme. Ce travail est à mener aussi en Afrique comme au sein  des populations noires qui vivent dans les diasporas ; soutenir et renforcer des capacités d’approches communautaires pour encourager le partage des stratégies de programme et de prestation de services qui ont fait leur preuve en  réponses spécifiques au VIH/sida en direction des africains ; identifier et engager les dirigeants africains et les leaders communautaires et religieux noirs, les représentants des jeunes, les autres organisations de type  communautaires, les médias,  les opérateurs économiques, et les intervenants de la santé publique au sein des diasporas d'assurer l'action à travers des initiatives locales à tous les niveaux (régional, national et international).

Quel partenariat avec le Raac-Sida ?

La rencontre organisée à l’occasion de l’IAS 2017 à Paris a été l’occasion de rapprocher les deux réseaux que sont le Raac-sida et l’ABDGN, et de prendre du recul sur des questions qui dépassent la France ou l’Europe : quelles stratégies de mobilisation des  communautés noires, quel soutien aux associations membres de ces réseaux ? Comment partager des données d’épidémiologie mieux ciblées sur les communautés noires, afro-descendantes et immigrantes originaires d’Afrique subsaharienne, et les études menées en direction de ces populations (comme l’étude ANRS Parcours) ? Comment mieux coordonner le plaidoyer en l’inscrivant dans une dimension internationale ? Il a été aussi question lors des échanges avec la présidente de l’ABDGN Esther Wangari de la promotion des nouveaux outils de prévention, notamment la prévention diversifiée et biomédicale, et en particulier la PrEP.