Afravih : "Changement et adaptation", pour parler d’une épidémie pas comme les autres

Publié par Nico-Seronet le 22.04.2016
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ConférencesAfravih 2016

Décidément, la lutte contre le VIH est un mouvement d’un incroyable dynamisme, pas question de ronronner, un seul mot d’ordre : il faut s’adapter.

Ce deuxième jour de conférence a permis de se faire une idée de ce dynamisme. Commençons dans le champ thérapeutique, la docteresse Alexandra Calmy des hôpitaux universitaires de Genève a proposé une revue des traitements du VIH qui montre leur évolution au fur et à mesure de leur développement et de l’évolution des recommandations de traitement. En ce sens, une combinaison incluant une anti-intégrase tend à devenir la thérapie de choix et, demain, le développement de nouveaux types de molécules ou la manière de prendre son traitement (injection, implant, etc.) montre que les recommandations ne sont pas figées dans le marbre. La qualité de la prise en charge rime alors avec changement et adaptation.

L’épidémiologie n’est pas épargnée par ce duo "adaptation/changement". Virginie Supervie de l’Inserm a décrit les caractéristiques des épidémies de VIH dans les pays de la francophonie. Et là encore, quelques que soient les ressemblances ou différences de ces épidémies, les changements sont repérables comme par exemple l’émergence d’épidémies concentrées dans des populations clés au Sud comme au Nord (par exemple chez des usagers de drogues en Grèce ou chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes en Bulgarie). Ou encore, selon l’étude ANRS-Parcours, nous apprenons que 30 % des femmes et 44 % des hommes nés en Afriques Subsaharienne et suivis pour un le VIH auraient été infectés après leur arrivé en France. Ces éléments nécessitent que les différents acteurs s’adaptent à ces contextes en évolution.

La lutte contre le VIH change aussi selon Jean Paul Moatti, Président directeur général de l’IRD. Ce dernier a confié son sentiment que l’exceptionnalisme du sida est terminé. Les objectifs du développement durable des Nations Unis montrent que les investissements passés dans la lutte contre le VIH ne pourront se maintenir. Selon lui, la lutte contre le VIH a néanmoins des atouts forts, elle a montré sa capacité à réagir rapidement et efficacement à une problématique nouvelle de santé. Son influence est considérable comme dans la structuration des politiques et services de santé, alors il suggère que la lutte contre le VIH entre dans une phase "d’exemplarité", où lutte contre le VIH et autres grands enjeux convergeront. Il soulève, comme dans les présentations du mercredi, la nécessité d’accompagner cette exemplarité par des recherches tout autant exemplaires et notamment dans les partenariats qu’elles pourront mobiliser à l’instar de la recherche communautaire.

Finissons ce petit tour du jeudi en évoquant le sujet de la PrEP en prévention. Quel changement que cette nouvelle stratégie. Selon Gabriel Girard, sociologue, la sexualité a été médicalisée depuis le début de l’épidémie, à la différence qu’avec la PrEP on observe un changement de la place du "traitement". Il évoque, dans ce contexte une évolution des communautés, qu’il nomme "biologiques", qui émergeraient et s’organiseraient dans ce changement des possibilités de prendre soin de soi et de sa santé. Il relève alors un changement pour les acteurs de la prévention dans l’accompagnement qu’ils proposent et une nécessaire adaptation. Changement dans la prévention, même si Daniela Rojas Castro de AIDES nous a montré au travers de l’étude ANRS-PrEPage, que des utilisateurs de la PrEP l’utilisent en marge des essais comme Ipergay, voir depuis plus longtemps que ces études. Et là, donnée intéressante, certains utilisateurs, malgré la possibilité d’avoir sa PrEP officiellement en France, n’envisagent pas de consulter et d’intégrer un suivi maintenant officiel. Autre nécessaire adaptation des acteurs de la prévention, qui pose la question de comment prendre en compte et accompagner celles et ceux qui s’automédiquent et continueront à le faire ? Il ressort enfin des interventions du Pr Jean Michel Molina (ANRS-Ipergay) et du Dr Réjean Thomas (Clinique l’Actuel), que face à ce changement dans l’offre de santé sexuelle, les centres prescripteurs doivent s’adapter à de nouvelles missions et de nouveaux patients. L’essai Ipergay, dans sa phase ouverte (après la fin du bras placebo) a confirmé ses résultats en terme d’efficacité de la PrEP et ce malgré l’augmentation de la non utilisation du préservatif et l’augmentation des IST. Jean Michel Molina suggère même que le développement de la PrEP et le suivi proposé devrait permettre la réduction des IST car c’est une manière d’appréhender les IST notamment asymptomatiques dans une offre de santé sexuelle. Réjean Thomas a quant à lui témoigné de l’expérience de la clinique l’Actuel de Montréal dans la prescription de la PrEP. La clinique suit depuis 2012 plus de 700 patients, aucune infection chez ces derniers. Précisons que la Clinique est ouverte 7 jours sur 7, n’est-ce pas une incroyable manière de s’adapter aux besoins des utilisateurs de la clinique, qui n’est pas sans rappeler la "consultation du soir" du début de l’épidémie.