Afravih : MSF alerte sur le "prix de l’oubli"

Publié par jfl-seronet le 12.05.2016
6 664 lectures
Notez l'article : 
0
 
ConférencesAfravih 2016

La conférence Afravih 2016 qui s’est tenue à Bruxelles en avril dernier a connu deux gros temps forts : le lancement de la campagne "PrEParons un monde sans sida" de Coalition PLUS et la publication, par Médecins sans frontières (MSF), de son rapport "Le prix de l’oubli : des millions de personnes en Afrique occidentale et australe restent en marge de la lutte mondiale contre le VIH". C’est le docteur Eric Goemaere, référent VIH à MSF, qui en a assuré le lancement et la présentation. Que dit ce rapport ?

Une chose assez simple à comprendre et dramatique quand on en mesure les conséquences : en matière de lutte contre le VIH/sida, le "combat est voué à l’échec sans une action d’envergure en Afrique occidentale et centrale". Autrement dit, il est illusoire d’espérer maîtriser l’épidémie de VIH/sida d’ici 2020 (il reste quatre ans !) si "la priorité n’est pas accordée à la lutte contre la maladie en Afrique occidentale et centrale (AOC), où la population vivant avec le VIH continue de souffrir inutilement et de mourir en silence". A l’appui de cette mise en garde, le rapport de MSF qui se penche sur la situation qui prévaut dans la région et qui décrit en détail les causes du manque de traitements dans trois études de cas : la République centrafricaine, la République démocratique du Congo (RDC) et la Guinée. "Ce que nous voyons aujourd’hui dans nos projets d’Afrique occidentale et centrale me rappelle parfois l’Afrique du Sud en 1999, quand les antirétroviraux n’étaient pas encore largement disponibles et que les patients que nous voyions étaient au seuil de la mort. Une décennie et demie plus tard, un trop grand nombre de patients en République démocratique du Congo, en Guinée ou en République centrafricaine nous arrivent en stade avancé de sida, ce qui est devenu relativement rare en Afrique du Sud depuis le milieu des années 2000. En Afrique occidentale et centrale, le sida est loin d’avoir disparu. Il ne disparaîtra pas tant que des mesures radicales ne seront pas prises pour accroître l’accès au traitement antirétroviral, et ceci avant que les individus ne tombent très malades", explique le docteur Eric Goemaere, qui vit en Afrique du sud.

Quelle est la situation ?

La région considérée dans le rapport de MSF englobe 20 pays, dont la plupart compte une population relativement faible. Le taux de prévalence du VIH dans la région d’Afrique occidentale et centrale est relativement faible, avec 2,3 % de la population atteinte du VIH. Cependant, ce taux reste trois fois supérieur au taux mondial (0,8 %), et les moyennes nationales cachent des taux dépassant les 5 % dans certaines zones, soit une prévalence du VIH généralement définie comme "haute". La plupart de ces pays peinent à offrir un traitement antirétroviral à ceux qui en ont besoin, note le rapport. Un échec qui se traduit par un taux excessif de mortalité et de morbidité. Un échec qui limite la capacité de ces pays à freiner la propagation de la maladie. Dans la région d’Afrique occidentale et centrale, 76 % des personnes qui ont besoin d’une thérapie antirétrovirale — cinq millions de personnes au total — sont encore en attente de traitement. Dans cette région, les taux de couverture en traitements antirétroviraux sont inférieurs à ceux de l’Afrique australe. Beaucoup de ces pays doivent composer avec des systèmes de santé faibles et de multiples priorités sanitaires. De nombreux pays de l’AOC n’ont pas réussi à mettre en place certaines des méthodes novatrices utilisées ailleurs pour le déploiement du traitement antirétroviral. Les 6,6 millions de personnes vivant avec le VIH dans la région représentent 17,9 % de toutes les personnes vivant avec le VIH du monde entier, 21 % des nouvelles infections globales et 45 % des nouvelles infections chez les enfants. Plus d’un décès sur quatre dans le monde lié au sida survient en Afrique occidentale et centrale ; quatre enfants sur dix qui succombent à la maladie meurent dans cette région.

Quels sont les risques ?

Qu’on ne puisse pas mettre un terme à la fin de l’épidémie dans cette région en 2020, qu’on échoue donc à atteindre l’objectif global d’arrêt de l’épidémie, que la stratégie 90-90-90 de l’Onusida ne soit donc pas réalisable dans cette zone. "En se concentrant sur les pays où la prévalence du VIH est la plus élevée et sur les foyers de haute transmission en Afrique subsaharienne, la communauté internationale risque de ne pas accorder l’attention nécessaire aux régions où un grand nombre de patients n’a toujours pas accès aux traitements. Or les besoins restent énormes en Afrique occidentale et centrale où trois personnes sur quatre n’ont toujours pas accès aux traitements contre le VIH, soit cinq millions de personnes. L’objectif mondial est de fournir un traitement à quinze millions de personnes vivant avec le VIH supplémentaires d’ici à 2020. Or, un tiers d’entre elles se trouvent dans cette région", explique Eric Goemaere, cité dans le dossier de presse accompagnant la sortie du rapport. "Laisser la maladie continuer sa propagation meurtrière en Afrique occidentale et centrale serait une grave faute stratégique, qui risquerait de compromettre l’objectif de contrôle du VIH/sida à l’échelle mondiale", avance-t-il.

Quelles sont les causes ?

Selon le rapport de MSF, les besoins dans cette région sont largement sous-estimés, et les efforts restent insuffisants pour répondre à la crise de santé que représente le VIH dans la région. L’accès aux antirétroviraux y est particulièrement difficile et cela pour plusieurs raisons. L’une est la stigmatisation. "En raison de l’indisponibilité du traitement en Afrique occidentale et centrale, le VIH, pourtant une maladie chronique qui permet une longue vie sous ARV, se transforme en condamnation à mort pour la majorité des personnes vivant avec le virus. Le maintien de cette perception dans la société engendre un haut niveau de peur et de stigmatisation. La stigmatisation entrave le développement d’un activisme plus dynamique au sein de la société civile, un facteur essentiel pour accroître la demande des patients pour accéder aux soins. Les établissements médicaux ne sont pas exempts de problèmes de stigmatisation et de discrimination. Comme la confidentialité dans les établissements de santé n’est pas fiable, les patients sont souvent réticents à demander un traitement pour le VIH près de chez eux. A Conakry, en Guinée, 20 % des patients recevant un traitement antirétroviral (TAR) à la clinique Matam, soutenue par MSF, viennent de zones rurales en dehors de la capitale ; ils disent ne pas avoir accès à des services dignes de confiance plus près de chez eux", détaille le rapport.

Autres raisons ? Les ruptures de stock de médicaments et de tests, les coûts élevés et des services lents, difficiles d’accès et de mauvaise qualité qui sont autant d’obstacles que les personnes vivant avec le VIH doivent franchir. "De plus, les crises récurrentes, comme les conflits ou les épidémies, réduisent encore davantage l’accès aux traitements contre le VIH", note MSF dont le rapport recommande des "changements majeurs de stratégies et de modèles de soins", en se fondant à la fois sur les programmes ayant fait leurs preuves ailleurs dans le monde et sur de nouvelles approches, adaptées aux contextes où la couverture antirétrovirale est faible.

Quelles recommandations de MSF pour accroître la couverture en ARV ?

Créer une pression politique pour une mobilisation autour des cibles 90-90-90 ; financer des stratégies qui sont efficaces au niveau des patients et qui donnent de meilleurs
résultats ; lutter contre la stigmatisation et la discrimination, éduquer les patients et promouvoir les droits humains ; supprimer les obstacles posés par les payements et les frais imputés aux patients pour les services ; mettre en œuvre la délégation de tâches, y compris la formation clinique et le soutien, pour les infirmières, les sages-femmes et les conseillers non professionnels (lay counsellors) ; simplifier et améliorer les analyses de laboratoire ; mettre en place une gestion adéquate de la chaîne d’approvisionnement et assurer que les produits essentiels atteignent efficacement les patients ; accélérer la mise en place de services de dépistage du VIH au niveau de la communauté et pour des patients spécifiques dans les services de santé ; accroître l’accès aux mises sous TAR en appliquant le principe de traitement pour tous ; veiller à ce que les populations clés ne soient pas oubliées ; améliorer les services de prévention de la transmission mère-enfant (PTME) grâce à l’approche "dépistage et traitement" ; augmenter considérablement l’accès au diagnostic et aux formulations ARV pédiatriques.

Un appel à faire plus, mieux et vite !

"Aujourd’hui, nous avons une opportunité unique de combler le manque de traitements en Afrique occidentale et centrale, et nous ne devons pas la laisser passer. Les pays où la couverture antirétrovirale est faible doivent tirer profit des ambitions renouvelées à l’échelle mondiale pour accélérer la mise en place d’une stratégie efficace de lutte contre le VIH", explique ainsi le Dr. Mit Philips, conseillère en politiques de santé à MSF. "Mais il serait insensé de croire que les pays peuvent, à eux seuls, rompre avec ce statu quo meurtrier" prévient l’ONG. "Si la communauté internationale tient vraiment à vaincre le sida, elle doit élargir la portée du programme "fast track" (programme accéléré) et d’urgence approvisionner en antirétroviraux les victimes du VIH/sida les plus négligée".

Sur quels pays porte le rapport de MSF ?
L’Afrique occidentale et centrale comprend, selon MSF, 25 pays : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Cap-Vert, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, le Libéria, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, le Tchad et le Togo.

Commentaires

Portrait de IMIM

quand on sait que le pdg d'un des + gros labo s'est augmenté de 102%. Que ces mêmes labos allouent à nos chers médecins des "avantages" non négligeables pour une somme avoisinant les 250 mille euros en 2014( = environ 250mille ttts génériques hiv),  pour entrenir leur "bonne collaboration"....!!!???

Le bizzness de la santé ferait bien d'être régulé, lui aussi

Et pendant que les uns brassent des millions et que les autres font des séminaires ds des grands hotels, et alors qu'il existe des traitements, des gens meurent encore du sida, de l'hépatite c, du paludisme, ds un complet désoueuvrement!?!

On c qu'on est trop nombreux sur terre !! C pas une raison pour laisser crever l'Humanité  !