AFEF 2016 : les infos clefs

Publié par Franck-seronet le 04.10.2016
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ConférencesAfef 2016hépatite CVHC

L’association française pour l’étude du foie (AFEF) est la société savante regroupant les hépatologues en France. Elle a 40 ans cette année. Elle vient d’organiser son congrès annuel à Bordeaux. Les dernières nouveautés médicales et scientifiques concernant les hépatites virales B et C ont été discutées entre chercheurs et médecins, avec la présence de quelques militants associatifs. AIDES était invitée.

Vers un traitement raccourci à deux mois

L’étude Garnet a étudié une combinaison de nouveaux antiviraux directs (AVD) dans le traitement du VHC de génotype 1b chez des personnes n’ayant jamais pris de traitement et n’ayant pas de cirrhose. Ce génotype est le plus fréquent. Si environ 100 000 personnes connaissent leur statut VHC chronique en France, la moitié d’entre-elles n’a jamais pris de traitement anti-VHC et jusqu’à 30 000 environ pourraient correspondre aux critères de l’étude. Les médicaments utilisés étaient une combinaison d’Exviera (dasabuvir) et Viekirax (ombitasvir/paritaprévir/ritonavir).

98 % de guérisons virologiques ont été obtenues avec ce traitement de huit semaines. Ce succès est valable quelle que semble être la charge virale de départ. Les effets indésirables étaient globalement légers ou modérés.

Cette réduction du temps de traitement (le plus souvent, le traitement par AVD dure douze semaines) pourra convenir à davantage de personnes. On pense notamment à celles qui pourraient initier un traitement en prison, et pour lesquelles le traitement est parfois remis à l’après sortie. Moins d'incertitudes également sur la mise en œuvre d'un traitement en prison, lorsque la date de sortie arrive avant la fin du traitement. Et rappelons que l’accès au traitement anti-VHC en prison est prioritaire.

Guère plus de récidives de cancers du foie après guérison

L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a présenté son analyse des risques de récidive de cancer du foie (pour les personnes en ayant déjà eu un avant traitement) après guérison du VHC avec les nouveaux AVD. Certaines études venant d’autres pays (Espagne notamment) avaient laissé penser qu’il pourrait y avoir un tel sur-risque. Et on savait qu’un traitement par interféron utilisé avant les AVD avait un rôle protecteur en soi contre la prolifération des cellules (donc le risque de cancer). Un rôle que n’avaient pas les nouveaux AVD. La fameuse cohorte Hepather de l’ANRS permet de démentir ce risque de récidive à court terme après la guérison. C’est une nouvelle rassurante ! Et qui est cohérente avec les analyses de deux autres cohortes coordonnées par l’ANRS : Cirvir et Culpit.

Quel suivi après guérison du VHC ?

Il est important d’assurer un suivi médical des personnes "guéries", au sens où le VHC a été éliminé du corps, même plusieurs années après cette guérison.

Ce suivi doit être continu pour les personnes au stade de fibrose F3 ou F4 avec une échographie du foie tous les six mois. Le risque de carcinome hépatocellulaire (cancer du foie) est réel et la moitié de ces cancers adviennent dans les quatre ans après "guérison". Parfois cela peut être dix ans après. Dans la réalité, le suivi a tendance à s’effilocher avec les années, notamment quand il est transféré au médecin généraliste. D’où l’importance de rappeler l’intérêt de ce suivi semestriel tant la précocité de détection est un facteur déterminant pour mieux faire reculer le cancer s’il apparaît.

Les éléments généraux de suivi post guérison pouvant avoir un impact sur l’état du foie dans le temps sont l’usage d’alcool, d’opiacés (et donc de maintien ou non d’un traitement substitutif) et le surpoids. La difficulté pour les médecins présents est que ce sont parfois certaines mesures proposées par eux-mêmes qui occasionnent le surpoids. Ainsi la prescription de méthadone et d’olanzapine peut faire prendre plusieurs kilos. Il est urgent de réfléchir à la part médicale dans les problématiques de surpoids de certaines personnes.

Le TAF dans le traitement du VHB

Nous avons déjà parlé du développement du nouveau ténofovir alafénamide (TAF) dans le traitement du VIH. Le ténofovir est actuellement largement utilisé sous sa forme de ténofovir disoproxyl (TDF), contenu dans Viread et Truvada, mais le ténofovir est une  molécule également utilisée dans le traitement du virus de l’hépatite B (VHB). Les résultats de l’utilisation du TAF contre le VHB montrent une équivalence d’efficacité avec le TDF. Le TAF apparaît plus intéressant dans la normalisation des transaminases, ces enzymes qui reflètent l’état du foie. Enfin, les paramètres déjà connus et étudiés dans le VIH, la densité minérale osseuse ainsi que la fonction rénale, montrent un intérêt potentiel là encore. Il faudra que ces bénéfices, montrés à court terme, se maintiennent dans le temps et se confirment par ce qu’on appelle des "bénéfices cliniques", c'est-à-dire moins de fractures des os et moins d’atteintes rénales. L’autorisation de mise sur le marché est prévue début 2017 et la mise à disposition, après fixation du prix, fin 2017. D’ici là, des ATU (autorisations temporaires d’utilisation) sont possibles pour certaines personnes qui en auraient besoin, sur des critères assez stricts.

A noter également les avancées notables des travaux soutenus par l’ANRS dans la recherche des cibles pour guérir un jour du VHB pour les personnes infectées de façon chronique, appelée le "HBV Cure". Il reste encore du chemin, mais les chercheurs présents, Fabien Zoulim (Lyon) et Jean-François Delfraissy (directeur de l’ANRS) ont présenté les nombreux progrès réalisés depuis seulement trois ans.

La deuxième génération d’AVD très efficaces est en préparation

Une étude de phase 2 avec deux nouvelles molécules combinées, le glécaprevir et le pibrentasvir a montré une bonne efficacité sur tous les génotypes en huit semaines (deux mois) de traitement pour les personnes jamais traitées et n’ayant pas de cirrhoses, et en douze semaines (trois mois) pour celles ayant une cirrhose. Même le génotype 3 du VHC (le plus difficile à traiter) pourrait être éliminé, sans ajout de ribavirine. Ce qui n’est pas possible jusqu’ici. Il faudra attendre la phase 3 des essais pour que ceci soit confirmé.

Ces combinaisons pourraient être intéressantes pour les personnes qui ont connu un échec de la première génération d’antiviraux, très efficaces pour la majorité. Ces personnes sont rares, mais elles ont justement besoin de molécules adaptées.

Des traitements à prendre sur une durée plus courte et efficaces pour davantage de personnes, c’est l’essai à transformer désormais !

Concernant la première génération de médicaments très efficaces (sofosbuvir, etc.), les résultats en vie réelle semblent montrer de bons résultats en qualité de vie sous traitement et après guérison virologique en général. Cependant, le recul n’est encore que de court terme. Il faudra accumuler des données sur un plus long terme.