Contaminations au VIH malgré la prise de ténofovir : peut-on parler d’échec de la PrEP ?

Publié par Mathieu Brancourt le 25.01.2016
13 471 lectures
Notez l'article : 
4
 
0
ThérapeutiquePrEPténofovir

Des chercheurs ont rapporté l’infection au VIH de deux gays, malgré la présence dans leur organisme d’une molécule efficace en PrEP et en quantité suffisante, pour empêcher la contamination. Même si les questions que certains se posent sont à prendre en compte, ces deux "échecs" restent des cas bien particuliers. Explications.

Dans une étude présentée lors de la conférence de l’Association britannique contre le sida (BHIVA) 2015, deux cas ont montré une contamination au VIH, alors que les personnes avaient une concentration significative du ténofovir seul (Viread), molécule dont l’effet protecteur en prophylaxie pré-exposition (PrEP) a été démontré, mais toujours associée à l’emtricitabine, sous forme du médicament Truvada, durant les essais cliniques validant la PrEP. Ces deux hommes prenaient quotidiennement et depuis plusieurs années ce médicament pour traiter une hépatite B, pour laquelle certains médicaments VIH sont efficaces pour contrôler la charge virale d’un ou des deux virus. Ces deux hommes, gays, ont été dépistés séropositifs au VIH à la suite de symptômes de primo-infection. Ils ont expliqué avoir eu récemment un rapport anal réceptif sans préservatif, pratique à haut risque d’infection. Pour l’un des deux, le ténofovir n’a pas pu empêcher le virus d’atteindre les cellules donc la contamination mais avec une charge virale très basse. Pour l’autre en revanche, le taux de virus était très élevé. La première personne montre des signes de résistance au ténofovir, tandis que la seconde aucun. Mais les deux ont dû changer de traitement pour passer à une trithérapie classique, afin de contrecarrer au long cours le VIH.

Ces cas sont rapportés aujourd’hui sur le site anglophone d’information sur le VIH aidsmap, parlant "d’échec de PrEP". Selon l’auteur de l’article, ces deux cas posent des questions importantes quant aux connaissances et à l’utilisation de la PrEP : faut-il que la concentration du médicament utilisé en préventif soit plus élevée que dans le traitement des personnes déjà séropositives ? La présence d’une hépatite B rend-elle l’infection par le VIH plus probable malgré un traitement fonctionnant contre les deux virus ? Et sachant que le Truvada, qui a démontré son efficacité en PrEP contient une autre molécule en plus du ténofovir, l’emtricitabine, faut-il distinguer les effets propres aux deux composants du médicament ? Car ces cas sont peut-être les premiers montrant que la prise quotidienne de ténofovir seul n’a pas réussi à empêcher la contamination. Durant les recherches sur l’efficacité virologique de la PrEP, il y a eu quelques cas rapportés de contamination chez des hommes gays déclarant en prendre. Mais les résultats définitifs avaient confirmé que les rares cas d’infection, comme dans l’étude Partner PrEP, relevaient justement d’une mauvaise observance des participants et donc d’un niveau insuffisant de médicament dans le sang. Ce n’est pas le cas ici, sachant que les deux hommes avaient une bonne observance à leur traitement.

Pourquoi alors ces deux cas ? Le ténofovir, dont le taux aurait dû être suffisant, a-t-il été "pompé" par l’hépatite B ? Le traitement ayant pleinement joué son rôle contre le VHB, mais pas le VIH ? Peu probable, sachant que compte surtout la concentration en médicament qui, avec un ou deux virus dans le corps, ne baisse pas plus vite. Statistiquement, la PrEP ne peut garantir une protection à 100 %, tout comme le préservatif d’ailleurs. Mais en traitement continu de ténofovir, bien pris au demeurant, on aurait pu s’attendre à une protection satisfaisante par le ténofovir seul. C’est certainement ce qui se passe chez d’autres personnes sous traitement anti-VHB. D’autres variables, comme un surpoids ou une grande taille, qui peuvent jouer sur la concentration dans l’organisme, ont pu avoir une incidence. Mais cela peut-il faire voler en éclats les certitudes acquises ces dernières années quant à l’intérêt du traitement préventif pour empêcher les contaminations ? Pas vraiment. Ici, on ne peut pas à proprement parler de PrEP. D'une part parce que les deux hommes ne prenaient pas le médicament Viread dans cette intention, mais en traitement de leur VHB. D'autre part, le ténofovir seul est moins efficace que sa combinaison avec l’emtricitabine, utilisée et prescrite aujourd’hui (Truvada). Ce dernier reste donc, à ce jour, le seul médicament reconnu et validé dans cette stratégie de prévention.

Cette étude de cas n’est pas dénuée d’intérêt. Elle indique que des personnes vivant avec une hépatite B traitée ne peuvent pas conclure que prendre une des molécules reconnues efficaces en PrEP suffit à se prémunir du VIH si elles y sont très exposées par leurs pratiques sexuelles. Ainsi, c’est un appel à la vigilance et au respect d’un cadre de suivi médical avec un médicament bien précis, qui permet d’atteindre la plus haute efficacité possible à la PrEP, une indication et un traitement qui est possible pour les personnes infectées par le VHB, avec des conditions particulières. Un rappel également que cette stratégie de prévention ne s’adresse pas à n’importe qui et doit être prescrite seulement à ceux qui en ont besoin. Ce que nous savions déjà, mais dont il faudra néanmoins s’assurer durant les prochaines années.

Commentaires

Portrait de frabro

Le risque zero n'existe pas plus que la protection à 100 %

Reste à être prudent et attentif aux autres cas qui pourraient se présenter à l'avenir.

A contre courant du discours "tout PReP diffusé par certains !