CROI 2015, Seattle : Day 4

Publié par Bruno Spire et Emmanuel Trénado le 28.02.2015
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ConférencesCROI 2015

La conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) à Seattle s’est achevée jeudi 26 février. Bruno Spire et Emmanuel Trenado étaient présents. Chaque jour, ils ont proposé un compte-rendu des infos clés. Day 4… beaucoup d’infos sur le risque cardiovasculaire des personnes vivant avec le VIH, l’impact de la prévention sur les populations  et le traitement post exposition.

Séance plénière : Le risque cardiovasculaire des personnes vivant avec le VIH

Les maladies cardiovasculaires sont une des causes majeures de décès chez les personnes vivant avec le VIH sous traitement. Les mécanismes sont mal connus. Les études suggèrent que l’infection par le VIH augmente par elle-même le risque indépendamment des facteurs de risque classiques comme le tabagisme, l’hypertension et l’hypercholestérolémie (taux de cholestérol élevé) ou la sédentarité. Les antirétroviraux peuvent jouer un rôle négatif en augmentant le LDL cholestérol pour certains, mais aussi un rôle positif en réduisant l’inflammation créée par la prolifération virale. Certaines protéines virales comme Nef, pourraient être athérogènes (qui favorisent le dépôt de plaques d’athérome dans les artères…). La durée d’immunosuppression et un nadir (le plus bas taux de CD4 qu’une personne ait connu) bas de CD4 sont également associés à un risque d’infarctus plus élevé. L’inflammation chronique due à l’activation immunitaire pourrait être une des raisons. Les plaques d’athérome des personnes vivant avec le VIH subissent une inflammation ; plus grosses, plus segmentées et non calcifiées, avec un risque plus important de se décrocher et plus de risque d’événements cliniques graves (obstruction des vaisseaux et artères). Il faut diagnostiquer ces plaques à haut risque de façon plus adaptée. La prévention n’est pas adaptée car les scores qui permettent de décider de prescrire des statines ne seraient pas adaptés aux personnes vivant avec le VIH. Il faut agir sur les facteurs de risque classiques et jouer aussi sur l’immuno-modulation. Chez les séronégatifs, les médicaments de la famille des statines réduisent le risque cardiaque en faisant diminuer le cholestérol  LDL. Chez les personnes vivant avec le VIH, cela joue de la même façon et aussi en diminuant l’inflammation. Les nouvelles générations de statines n’augmenteraient pas la glycémie (taux de sucre dans le sang) et seraient sans interaction avec les anti-protéases. Des données observationnelles montrent une baisse de la morbidité chez les personnes vivant avec le VIH sous statine. On a pu observer une diminution des plaques d’athérome à haut risque. Cependant un grand essai randomisé sera nécessaire pour tester l’intérêt de ces statines chez les personnes séropositives asymptomatiques.

VIH chez les travailleuses du sexe (FSW : female sex workers) en Afrique

En Afrique, les FSW représentent entre 0,7 à 4,3 % des femmes, la prévalence du VIH parmi les FSW est élevée : 12 % en Afrique du Sud, 26 % en Asie soit 13,5 fois plus que la population générale. Les études sous-estiment la part des FSW dans la dynamique de l’épidémie. L’utilisation systématique du préservatif adoptée en Asie fonctionne aussi en Afrique notamment parmi les FSW les plus actives sexuellement : on a observé une baisse de l’incidence au fur et à mesure de l’adoption de cette stratégie. Quelles sont les interventions qui fonctionnent ? L’élimination de la violence sexuelle impacte de 17 à 20 % en moins l’incidence, la décriminalisation du travail sexuel diminue de 33 % à 46 % l’incidence en facilitant l’adoption du préservatif. La prévention combinée est également une intervention possible. La cascade de l’accès aux soins pour les travailleuses du sexe reste mal documentée ; ces femmes auraient certainement plus de difficultés à accéder aux traitements antirétroviraux.

Session : avoir un impact en atteignant les populations

Cascade en Afrique du Sud : 51 % des personnes infectées dépistées sont orientées vers le soin, 34 % sont sous traitement et 25 % ont une charge virale indétectables. C’est pire pour les hommes avec 19 % contre 28 % de charge virale indétectable pour les femmes, et pour les personnes les plus jeunes.

Offre décentralisée d’accès aux soins au Swaziland

Pays le plus touché au monde avec 31 % de prévalence et 2,4 % d’incidence. Il existe une décentralisation partielle des soins (des capitales ou centres urbains vers les campagnes) jusqu’à présent réservée aux personnes qui vont bien. L’objectif était de comparer dans une cohorte rétrospective les indicateurs de succès d’une décentralisation totale dès le diagnostic. Il y a un même taux de décès et de personnes perdues de vue quelle que soit l’offre, décentralisée totale, partielle ou pas, mais les offres décentralisées apparaissent meilleures une fois ajustées sur les caractéristiques sociodémographiques et médicales de la file active.

Les survivants du sida à 10 ans en Haïti

Haïti est concerné par une vieille épidémie qui régresse. Les antirétroviraux sont disponibles depuis 2003 pour certains patients. Une étude de cohorte rétrospective a identifié les caractéristiques associées à la survie après 10 ans de traitement antirétroviral. Le taux de survie est de 53 % à 10 ans. La mortalité est forte dans les 6 premiers mois et liée à un poids bas, des CD4 bas et un âge élevé. Ensuite, ce sont les facteurs comportementaux comme le maintien dans le soin et l’observance qui jouent. Après 10 ans, 38 % des personnes ont des comorbidités non liées au VIH.

Le Rwanda vers l’arrêt de l’épidémie

L’étude a voulu estimer l’incidence du VIH et son lien avec la couverture en antirétroviraux dans les différents districts du Rwanda. Au total, l’incidence décroit au cours des années en même temps que la couverture en antirétroviraux augmente. Cette couverture est de 81 % aujourd’hui. Quand on a atteint 50 % de couverture, l‘incidence a baissé de 26 %, et de 36 % quand la couverture a atteint 70 %.

Impact du passage à l'échelle de la circoncision sur l’incidence en Ouganda

La circoncision réduit le risque de transmission de 50 à 60 %, ce taux a été observé dans les essais. Qu’en est-il à l’échelle d’une vaste population quand les programmes de circoncision montent en puissance ? Trois périodes ont été étudiées : avant les essais de 1999 à 2004, puis pendant les essais de 2004 à 2007 puis après où l’incidence a été mesurée chez les hommes non musulmans. Dans la période 1, on ne trouvait que 4 % d’hommes circoncis, et cela est passé à 49 % dans la période 3. Pour chaque 10 % de couverture en circoncision gagnée, le risque diminue de 14 % après ajustement sur l’âge, la couverture en antirétroviraux des femmes, le multi-partenariat et la période de temps. Chez les femmes non musulmanes, on ne voit pas d’influence de la circoncision des hommes sur l’incidence à ce jour. Les modèles mathématiques estiment qu’il faut attendre une dizaine d’années pour que cela ait un impact chez les femmes.

Effet des programmes d’antirétroviraux sur l’utilisation des services de santé en Afrique du Sud rurale

Il existe un programme vertical d’antirétroviraux et un programme horizontal de soins courants dans les zones rurales du Kwazulu-Natal. Le taux d’hospitalisation a décliné chez les patients sous antirétroviraux. Il existe une augmentation de l’utilisation des services de santé (programmes horizontaux) depuis l’apparition des programmes d’antirétroviraux ; cette tendance existe aussi chez les personnes non infectées par le VIH. Le financement des programmes VIH a eu ainsi des effets positifs sur l’ensemble des autres secteurs du système de soin.

Absence d’impact des programmes d’abstinence et fidélité de PEPFAR sur les comportements à risque en Afrique

Il existe des controverses sur l’efficacité des programmes de promotion de l’abstinence et de la fidélité (incluant le retard du début de la sexualité et la réduction du nombre de partenaires). 1,3 milliard de dollars ont été dépensés pour cela depuis le début de PEPFAR (plan d’urgence présidentiel des Etats-Unis de lutte contre le VIH à l’international). Quelle relation entre ces financements et les comportements à risque ? Pour cela, on a comparé les tendances au cours du temps en termes de comportement à risque des 14 pays ayant des programmes financés par PEPFAR et 8 autres non financés comme pays contrôle. Ont été regardés le nombre de partenaires, l’âge au 1er rapport sexuel et les grossesses chez les jeunes filles. Il n’y a eu aucun impact du financement PEPFAR sur le nombre de partenaires ou l’âge au 1er rapport ou pour les grossesses chez les jeunes filles. PEPFAR devrait plutôt investir sur des interventions validées scientifiquement.

Impact des antirétroviraux sur l’espérance de vie en Afrique

Une estimation a recherché la perte d’espérance de vie en absence et en présence d’antirétroviraux en Afrique. Les auteurs concluent qu’il existe toujours un petit déficit d’espérance de vie de moins de 5 ans (parfois 10 sur certains sites) et on n'a donc pas récupéré l’espérance de vie avant l’arrivée du sida. Ce déficit d’espérance de vie est plus grand pour les femmes que pour les hommes.

Session sur le Traitement Post Exposition (TPE ou traitement d’urgence)

Cette session cherche essentiellement à déterminer des TPE (traitements post exposition) mieux tolérés que les combinaisons classiques comme Truvada + une anti-protéase boostée.

  • A Barcelone, les personnes se présentant pour un TPE ont été réparties en deux groupes. Un premier prenant un TPE comportant Truvada + Isentress, un second prenant un TPE comportant Truvada + Kaletra. Le taux d’arrêt avant la fin du traitement pour le groupe avec Truvada + Isentress est plus faible que pour le groupe prenant Truvada + Kaletra. Le traitement à base d’Isentress est bien mieux toléré.
  • Une étude non randomisée a testé l’association Rilpivirine + Truvada  (Complera). Elle est bien tolérée en TPE et permet à 92 % des personnes de finir leur mois de traitement.
  • En revanche, l’utilisation du Sustiva dans un TPE est mal tolérée. Une étude rétrospective à Bangkok a analysé les raisons d’arrêt prématuré du TPE et le fait d’avoir du Sustiva dans la combinaison est associé à moins de TPE terminés.
  • Comment diagnostiquer une primo-infection sous TPE ? Il peut s’agir d’un échec ou d’une infection qui commençait lorsque la personne se présente. Dans une étude anglaise, sur 19 infections diagnostiquées sous TPE, 18 étaient, en fait, déjà infectées et le diagnostic de primo-infection avait été manqué.

La circoncision masculine

La circoncision masculine montre 50 à 60 % de réduction de risque d’acquisition par voie hétérosexuelle. Depuis 2007, l’Organisation mondiale de la santé (OMS)a recommandé le passage à l’échelle dans les pays les plus touchés, en Afrique du Sud et de l’Est. L’objectif est d’atteindre 80 % de circoncision masculine dans 14 pays en 5 ans sur les hommes âgés de 15-49 ans. Les modélisations ont montré que c’est coût-efficace. Des débats sont en cours pour savoir s’il faut faire d’abord du TasP et la circoncision masculine ou l’inverse. Le Kenya a rapidement mis en œuvre la circoncision masculine. On est aujourd’hui à près de 9 millions de circoncisions masculines effectuées. L’intérêt des programmes de circoncision est de proposer aussi du dépistage et d’orienter les personnes séropositives vers la prise en charge. L’impact de la circoncision sur l’épidémie est plus important si les programmes s’adressent prioritairement aux jeunes hommes. Les innovations technologiques de circoncision masculine non chirurgicales facilitent la mise en place, elle sont moins chères et mieux acceptées. Il y aura cependant des baisses de financement des programmes de circoncision masculine en 2015 comme l’a annoncé l’ambassadrice sida du gouvernement américain.

Interventions auprès des personnes consommatrices de drogues

12,7 millions de personnes injectent des drogues dans monde. La prévalence de l’usage est 4 fois plus forte en Asie centrale, mais l’usage de drogue est répandu en Amérique latine, et arrive dans certains pays d’Afrique et de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. C’est 13 %  des personnes consommatrices de drogues qui sont infectées par le VIH. Les services pour réduire les risques doivent comporter au minimum les programmes d’échanges de seringues (PES) et l’accès aux traitements de substitution. Beaucoup de données montrent que l’utilisation des programmes d’échange de seringues par des personnes consommatrices de drogues est associée à moins d’incidence. 76 pays n’ont toujours pas de programmes d’échange de seringues, ce sont ceux qui atteignent moins facilement les personnes injectrices. Seuls 60 % des pays qui ont des programmes d’échanges de seringues atteignent bien les personnes injectrices.

Un autre élément des interventions est l’accès à la substitution. La substitution est associée à moins d’injections et à une réduction de l’incidence du VIH. Seuls 8 % des personnes consommatrices de drogues dans le monde ont accès à des programmes de substitution (0 % en Russie). Leur qualité est aussi un problème, les personnes consommatrices de drogues sont souvent sous-dosées en méthadone. En Chine, 75 % des usagers sont sous-dosés (<60 mg/j), 22 % aux Etats-Unis. Le traitement anti-VIH est aussi un moyen d’intervention pour réduire l’incidence (TasP). Le traitement anti-VIH fonctionne aussi bien chez les personnes consommatrices que chez les autres. La mortalité des personnes consommatrices vivant avec le VIH est beaucoup plus forte que celle observée chez des personnes consommatrices séronégatives pour le VIH. La mise à disposition des traitements de substitution diminue la mortalité. La hausse de la couverture en antirétroviraux des personnes consommatrices est aussi associée à la baisse de l’incidence. La mise sous antirétroviraux est associée à moins de risques sexuels et moins de risques liés à l’injection. La couverture en antirétroviraux des personnes consommatrices de drogues est cependant faible dans de très nombreux pays, voire nulle et les cascades de soin sont catastrophiques. Pourtant, la substitution améliore l’observance et le maintien dans le soin. Pour avoir un bon accès aux soins, il faut surmonter les barrières d’accès et prévoir des programmes dits "à bas seuil", avoir des programmes d’échanges de seringues et des programmes de substitution de qualité et intégrés avec l’accès aux antirétroviraux et aux soins en général, ainsi qu’augmenter fortement la couverture en antirétroviraux et en produits de substitution.

Dépistage et counseling : nouvelles directions

Le dépistage est essentiel pour la cascade de soins. Un peu plus de la moitié des personnes vivant avec le VIH dans le monde ignore leur statut. Les tests deviennent de plus en plus simples, avec les TROD, les autotests et la possibilité de se tester sur les smartphones (dongles). Malgré tout cela, les hommes représentent toujours un problème car ils sont moins testés que les femmes (37 % seulement des hommes séropositifs connaissent leur statut). C’est la grossesse qui conduit souvent les femmes au dépistage. Le dépistage des couples n’est pas encore fait en routine. Il est important de sortir des murs et d’aller vers les personnes pour augmenter l’accès au dépistage.

Le dépistage à domicile a été montré comme étant très bien accepté. Mais les hommes restent toujours plus difficilement atteignables. L’orientation vers le soin n’est pas non plus garantie. Au Lesotho, les programmes à domicile ont moins trouvé de positifs que prévu et l’orientation vers le soin était moyenne. Les autotests sont une nouvelle approche, développés d’abord aux Etats-Unis. Ils sont très bien acceptés par les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et les travailleuses du sexe. Il existe parfois des problèmes de qualité des tests rapides. Les stratégies de dépistage doivent être mieux ciblées et priorisées. A San Francisco, 98 % des HSH se sont fait dépistés ! Il faut pouvoir mieux cibler les populations les plus susceptibles d’être infectées. L’OMS prévoit qu’au rythme actuel il faudra 25 ans pour que 90 % des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique. L’OMS va mettre en place des recommandations pour améliorer les stratégies de dépistage. Le développement des autotests qui seront plus faciles à utiliser devrait être prometteur.

Commentaires

Portrait de Charles-Edouard

Perso, je réagit parce que je suis résolument furieux contre les effets incidieux des statines.

Si certains pensent que les statines sont ´safe ´, dans la population générale, en fait, dans la population générale, le taux d'arret est déja de 15%. A la difference que ,nous, nous prenons deja beaucoup de medocs!

Alors bonjour les interactions non identifiées

Pour ma part, on ne m'y reprendra plus, alors,ca , non... Plus jamais de chez plus jamais. Jamais plus, jamais plus...

je conseille la video du pr philippe EVEN sur youtube. Moi, tout ce qu'il y décrit, je l'ai vécu !

lire aussi le blog et les bouquins de Lorgeril.

Et de rappeler que l'utilisation massive de statines, dans la poplulation générale, n'a aucunement démontré le moindre bénéfice en matiere de réduction des accidents cardiaques ou cardiovasculaire.Pas le moindre shouya d´efficacité

ceci dit , je lis avec plaisir et interet, ce reportage CROI. c'est tres bien...

Portrait de chanel1785

charle edouard plus de precision ca serais sympa ... on me propose les statines !!!!!