Disulfirame et VIH : attention aux effets d’annonce

Publié par jfl-seronet le 26.11.2015
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ThérapeutiqueEspéraldisulfirame

La récente publication des résultats d’une étude australienne sur le rôle d’un médicament contre la dépendance alcoolique dans le traitement du VIH a pu semer le trouble : certains médias évoquant, par raccourcis, la guérison. Ce n’est pas le cas. Explications.

Comme souvent la prudence s’impose lorsque au détour de nouveaux résultats d’une clinique, on annonce l’élimination du VIH. C’est le cas avec la récente publication de résultats concernant un essai clinique associant une trithérapie et le disulfirame, un médicament habituellement prescrit dans le traitement de l’alcoolisme. Le disulfirame est connu en France sous le nom d’Espéral. Il a pour particularité de "réveiller" les virus VIH dormants dans l’organisme. Des chercheurs australiens, dont le professeur Sharon Lewin, ont mené une étude auprès de trente personnes prenant des antirétroviraux qui ont reçu des doses croissantes de disulfirame sur une période de trois jours. Les résultats ont été publiés dans la revue médicale en ligne "The Lancet HIV". A la dose la plus élevée de disulfirame, une stimulation des VIH dormants a été obtenue et sans effets indésirables, indiquent les auteurs de l’étude.

"Cet essai démontre clairement que le disulfirame n’est pas toxique et sans danger à utiliser et qu’il pourrait très probablement être celui qui change la donne", a expliqué Sharon Lewis, citée par l’AFP. Il n’en a pas fallu plus pour que les médias parlent du traitement miracle. Evidemment, les choses sont plus compliquées. Comme l’expliquait un autre chercheur de l’équipe australienne : "Réveiller le virus dormant est une stratégie prometteuse pour débarrasser les patients du VIH (…) mais réveiller le virus est seulement la première étape pour l’éliminer". Les résultats de l’étude australienne montrent qu’un moyen a été trouvé pour "réveiller" les virus dormants, pas plus. Les scientifiques doivent désormais travailler à la suite : trouver un moyen de se débarrasser des cellules infectées ainsi réactivées. Cela pourrait passer par l’association de disulfirame à d’autres traitements ciblant les cellules infectées. Depuis 2010, plusieurs études ont été conduites avec différentes molécules capables de "réveiller les virus dormants (vorinostat, romidepsine, disulfirame) avec des résultats variés, mais peu probants quant à leur capacité à diminuer les réservoirs du VIH.

Interrogée par l’AFP, le professeur Brigitte Autran, immunologiste, spécialiste du VIH, a jugé que le "résultat obtenu reste insuffisant". On est encore très loin d’avoir trouvé la solution pour obtenir une vraie guérison des patients séropositifs et même une rémission qui leur permettrait de se passer de traitement", explique-t-elle.