Don de sang : des donneurs trouvés positifs au VIH à l'étude

Publié par jfl-seronet le 09.09.2017
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Politiquedon du sang

Chaque année, environ 1,7 million de personnes donnent leur sang en France. Vingt à trente donneurs découvrent leur séropositivité VIH à cette occasion, au cours du processus de qualification des produits sanguins, indique Santé publique France (28 juillet). "Maintenir un niveau de sécurité virale optimale exige de comprendre pourquoi l’étape de sélection des donneurs n’a pas permis de repérer ces donneurs", explique l’agence de santé qui a publié (en juillet), une étude à ce propos dans la revue "Transfusion".

De par sa mission dans la surveillance épidémiologique des donneurs de sang, Santé publique France rappelle qu’elle "concourt à l’évaluation de la sélection des donneurs de sang. Cette surveillance permet de suivre la prévalence et l’incidence des infections transmissibles par le sang dans cette population, et d’estimer le risque résiduel de transmission de ces infections par transfusion". Le 28 juillet, Santé publique France a publié sur son site une interview de Josiane Pillonel qui travaille à la direction des maladies infectieuses. Comme le rappelle la spécialiste, voilà quelles sont aujourd’hui les modalités pour assurer la sécurité transfusionnelle des dons de sang. Il y a "sélection des donneurs (auto-questionnaire et entretien pré-don) et les tests biologiques. La sélection permet d’identifier les personnes présentant des facteurs de risques (sexuels, liés au voyage, à l’usage de drogue, actes médicaux) de maladies transmissibles par le sang. Les tests biologiques effectués sur chaque don permettent de détecter les marqueurs d’infections et d’écarter les dons positifs".

"La sélection des donneurs est très importante car elle permet d’identifier des personnes infectées récemment et dont les marqueurs biologiques de l’infection ne sont pas encore détectables par les tests biologiques. On parle alors de "fenêtre silencieuse" entraînant un "risque résiduel" de transmission d’infections pas transfusion", pointe la spécialiste. "Chaque année, 20 à 30 donneurs découvrent leur séropositivité VIH à l’occasion d’un don de sang, au cours du processus de qualification des produits sanguins", explique-t-elle. "Une majorité de ces donneurs découverts séropositifs pour le VIH ne répondent pas aux critères de sélection et auraient dû être refusés lors de l’entretien médical pré-don". Avec cette étude, Santé publique France a donc cherché, via une étude qualitative auprès de donneurs de sang dont la séropositivité avait été découverte lors d’un don de sang, à "comprendre les raisons de la non-compliance [le non-respect, ndlr] aux critères d’exclusion du don de sang". Il s’agissait de voir le "niveau d’information, les perceptions, les motivations, le contexte du don et les mécanismes de la "non-compliance" chez des donneurs séropositifs pour le VIH lors de la sélection des candidats au don". "Il est important également de préciser que cette étude a été réalisée dans un contexte de révision des critères de sélection des donneurs de sang dont le point le plus controversé était l’ajournement permanent des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (1)", explique Josiane Pillonel. Un des objectifs de l’étude était aussi d’évaluer "la compréhension du critère d’ajournement permanent des HSH" : "D’après les données de la surveillance épidémiologique, malgré l’ajournement permanent des HSH du don de sang jusqu'en juin 2016 en France, près de 40 % des donneurs découvrant leur séropositivité à l’occasion du don de sang étaient des hommes ayant des rapports sexuels avec des HSH (2)".

Quelles sont les principaux résultats de cette étude ?

Dans l’interview publiée sur le site de Santé publique France, Josiane Pillonel explique que "trente-deux donneurs de sang, dont la séropositivité pour le VIH a été découverte lors d’un don de sang entre mi-2011 et 2014, ont participé à cette étude, réalisée en 2015". "Le résultat le plus marquant a été la forte proportion de participants (plus de la moitié) qui ne respectait pas les critères de sélection des donneurs de sang. Autrement dit, plus de la moitié ne divulguait pas leurs facteurs de risque dans le questionnaire ou lors de l’entretien pré-don". Pourquoi ne le faisaient-ils pas ? "Les raisons évoquées étaient multiples : la stigmatisation, la surveillance du statut VIH, ou encore l'attachement symbolique au don de sang". Plus spécifiquement, lorsque le don de sang est vécu comme un geste symbolique individuel fort, la compliance est perçue comme secondaire. Quant à l'ajournement permanent des HSH qui était alors en vigueur au moment de l’étude, elle est réprouvée par tous les participants", indique-t-elle. Par ailleurs, "l’évaluation des comportements sexuels à risque n’est pas toujours bien appréhendée par les donneurs eux-mêmes. Par ailleurs, ni la logique épidémiologique à l’origine des critères de sélection des donneurs de sang, ni la notion de "fenêtre silencieuse" ne sont bien comprises. Pour la spécialiste, il "apparaît que les critères de sélection des donneurs devraient être mieux expliqués et s’appuyer sur des arguments épidémiologiques forts, cohérents et compréhensibles pour emporter l’adhésion des donneurs".

Comment Santé publique France et les pouvoirs publics vont-ils s’approprier les résultats de cette étude ?

"La définition de nouveaux critères de sélection des donneurs de sang tel que décrits dans l’arrêté du 5 avril 2016 s’est appuyée sur une argumentation épidémiologique plus adaptée à la réalité épidémiologique du risque de transmission d’infections par le sang, avec notamment l’harmonisation des durées d’ajournement en fonction du niveau de risque", explique-t-elle. Le questionnaire pré-don a été revu afin d’être mieux compris par les candidats au don. Josiane Pillonel indique, par ailleurs, que "Santé publique France en partenariat avec l’Etablissement français du sang et le Centre de transfusion sanguine des armées, va lancer une étude nationale auprès des donneurs de sang. "Il s’agit, cette fois, d’une étude quantitative dont l’objectif principal est d’évaluer la compliance des donneurs aux nouvelles mesures de sélection (notamment celle concernant les HSH) et les facteurs associés à la non-compliance. Les résultats de cette enquête, sont attendus fin 2018".

(1) Les critères de sélection des donneurs ont été modifiés par arrêté du 5 avril 2016.
(2) Tiberghien P, Pillonel J, Toujas F, Vallet B. Changing blood donation deferral policies in France for men having sex with men.