Enterrement de première classe !

Publié par jfl-seronet le 03.05.2011
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manifdroit au séjour pour soins
La commission mixte paritaire se réunit le 4 mai. Selon AIDES et Act Up-Paris, c’est la dernière chance pour revenir sur un article de loi qui, s’il était définitivement adopté, condamnerait à mort 28 000 personnes étrangères malades vivant en France. Le 3 mai au matin, les 2 associations ont organisé une manifestation de désobéissance civile devant le Sénat. Un événement inédit pour frapper les esprits avant une décision politique cruciale. Seronet y était.
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Face au Sénat, devant le porche principal, un camion blanc de livraison stationne. L’imposant rectangle blanc disparaît et cède aussitôt la place à une camionnette noire aux allures de corbillard. Cette "livraison"-là, au Palais du Luxembourg, ne concerne pas des boissons fraîches. C’est une livraison de colère, de profonde révolte contre les récentes décisions politiques prises par le gouvernement et sa majorité pour remettre en cause le droit au séjour des étrangers malades. La présence du corbillard affrété par AIDES et Act-Up-Paris face au Sénat n’est pas le fruit du hasard. C’est un message adressé aux sénateurs de la majorité qui, dans cette même enceinte, ont adopté, il y a quelques semaines, une nouvelle rédaction de l’article 17ter du projet de loi "Immigration Intégration Nationalité" concernant le sort des étrangers malades. Dans la majorité, on prétend qu’il s’agit désormais d’un article "équilibré" censé clore la controverse entre députés et sénateurs à ce sujet. Dans les faits, la nouvelle rédaction permettra d’expulsés des étrangers malades même les plus atteints sans aucune garantie qu’ils puissent bénéficier d’un traitement ou des soins dans leur pays qui leurs sont pourtant indispensables. Sur une grande banderole, les associations rappellent d’ailleurs d’une phrase : "Malades expulsés, malades assassinés", le résultat de ce fameux "équilibre" parlementaire.


Près de 80 militants de AIDES et d'Act Up Paris sont venus, habillés de noir, certains avec une voilette de deuil, pour dénoncer cette politique, rendre publique cette colère, tenter une nouvelle fois de convaincre. Leur objectif est simple : rappeler, la veille de la tenue de la commission mixte paritaire, qu’il est encore temps, qu’il est indispensable de modifier la rédaction de cet article et d’en revenir aux dispositions actuellement en vigueur. L’échéance est primordiale, c’est, en effet, cette commission composée pour moitié de sénateurs et pour moitié de députés qui fera un sort définitif à l’article 17ter. Selon la rédaction de l’article de loi retenue : la très mauvaise des députés, la criminelle des sénateurs, une nouvelle mouture dictée par le gouvernement… On saura comment la France entend prendre en compte les quelque 28 000 personnes étrangères gravement malades qui y vivent. On devrait être fixé le 4 mai. Les pronostics ne sont, hélas, pas bons. Dans ce contexte, la tenue de deuil des militants n’est pas une coquetterie vestimentaire, c’est un message adressé à l’opinion. Cette politique-là est une politique qui tue ! Et le message s’adresse d’abord à ceux qui la font.


"La loi actuelle est suffisamment efficace, rappelle Bruno Spire, le président de AIDES. Tous les rapports officiels montrent qu’il n’y a pas d’appel d’air d’étrangers qui viendraient exprès se faire soigner ici. Il n’y a pas d’immigration thérapeutique". "Les gens sont venus en France pour y trouver du travail et ils découvrent, parfois au bout de plusieurs années, qu’ils sont malades. La loi qui est aujourd’hui proposée n’a aucun intérêt sur le plan de la santé publique, aucun intérêt économique… elle ne va faire qu’aggraver la situation", dénonce Pierre Chapard, président d’Act Up-Paris. Si les deux associations ont choisi une action surprise, réalisée sans autorisation, inspirée de la désobéissance civile, c’est parce qu’il n’est plus possible de faire autrement. En effet, les mises en garde des sociétés savantes contre les effets néfastes de cet article de loi qui n’ont jamais été aussi nombreuses, aussi variées (même l’Ordre national des médecins s’y est mis) n’ont pas été entendues. Les amendements de l’opposition sont restés lettre morte. Et certains leaders politiques ne se prononcent pas. "C’est incompréhensible qu’aucun porte-parole du PS ne dénonce ce qui est en train de ses passer", note Pierre Chapard d’Act Up. C’est la seule chose à faire.


"Je suis là aujourd’hui pour exprimer ma solidarité parce que je considère que AIDES et Act Up-Paris font un geste de solidarité active intéressant. Cela montre bien l’importance de cette loi et les conséquences très graves que cette dernière peut engendrer", avance la sénatrice (Europe Ecologie Les Verts) Alima Boumédiene-Thiery qui a rejoint le rassemblement. Très engagée lors des débats au Sénat contre toute remise en cause du droit au séjour pour soins, la sénatrice de Paris juge "complètement incroyable" qu’on aille "jusqu’à ne plus porter secours aux étrangers malades". "On considère qu’ils sont une charge pour l’Etat et on va jusqu’à prétendre qu’il existerait un tourisme médical. Tout cela est complètement mensonger. Des rapports de l’Inspection générale des affaires sociales  le disent (…) Tout de même, ce n’est pas parce qu’on est étranger qu’on doit être renvoyé à la mort !" La commission mixte paritaire est-elle l’unique chance de sauver les étrangers malades ? "C’est une des dernières possibilités", admet Alima Boumédiene-Thiery. "La commission mixte paritaire va nous permettre de tenter de revenir sur cet article et de faire prendre conscience des conséquences graves qui l’accompagnent. Si la loi est adoptée telle quelle, nous espérons pouvoir saisir le conseil constitutionnel afin de la faire déclarer anticonstitutionnelle. Des tas de motifs nous font considérer que cette loi est contraire aux droits de l’Homme, notamment vis-à-vis des personnes étrangères malades (…) Le Conseil constitutionnel  peut déclarer anticonstitutionnel tel ou tel article. Le droit à la santé et le droit d’accéder aux soins est tout de même un droit qui est reconnu au niveau international. C’est un droit qui ne peut pas être nié, a fortiori en France, pays qui se prétend être celui des droits de l’Homme. Notre pays ne peut pas se permettre de dire à quelqu’un au motif qu’il est étranger qu’on ne peut pas le soigner ici. C’est, à mon sens, de la non assistance à personne en danger".


Arrivés en milieu de matinée devant le Palais du Luxembourg, les manifestants endeuillés bloquent depuis déjà deux heures la circulation devant le Sénat. Les gendarmes de faction sont rejoints par des fonctionnaires de police, puis des CRS équipés comme pour les émeutes. Les camionnettes des forces de l’ordre envahissent les rues alentours. L’ambiance reste courtoise. Les portables chauffent… Du côté des organisateurs, on attend une réaction de Matignon. Du côté de la police, on attend les ordres. Les slogans fusent. Les manifestants s’allongent devant le Sénat… ce sont comme autant de corps… morts. L’avenir que trace pour 28 000 personnes l’article voulu par le gouvernement. Les sifflets résonnent. L’ordre arrive enfin et les consignes moins courtoises. "On nous a prévenus qu’il y avait des malades du sida parmi les manifestants… on ne les connaît pas ! Faites passer !", lâche un officier des CRS. Un peu plus tard, un autre gradé avance d’une voix sourde à ses hommes : "Il y a des séropos dans le lot… Mettez-vos gants".


L’ordre d’évacuer la rue suit de peu l’arrivée d’un énorme car de police. Quelques manifestants sont pris à bras le corps par les CRS et cantonnés près du bus. Les identités des militants sont relevées, vérifiées au commissariat. Les manifestants sont alors relâchés.
Ce 3 mai, AIDES et Act Up-Paris portent l’avis de décès annoncé de 28 000 personnes. Le 4 mai, le gouvernement et la majorité en décideront. Enterrement de première classe ?

Commentaires

Portrait de sonia

Très classe en effet ! Enfin ! II était temps ! Aides et Act up ensemble et constatant sur le terrain la haine envers les seropositifs et ceux qui les "aident" et quant à Sophie-seronet, dont je remercie l'engagement dans cette manif, qu'elle comprenne maintenant qu'elle est fichée par la police et les RG et que des fois on aura des faux pseudos de flics pour infiltrer notre monde secret avec le sida..et les hépatites !

J'ai fait un rêve....Une feuille de bristol qui roule sous la roche du cap nègre, et Carla qui dit: si je suis enceinte d'un garçon, j' hésite entre Gil et Ad ...

Oui je sais, ça suffit ! sanofi ! l'heure est grave, mais qu'y puis je moi, pauvre française d'origine maghrébine, toujours traitée comme une étrangère, immigrée qui porte les stigmates de son origine..et alors? je suis au chaud devant l'ordi et je prèfère me cacher ! bises ou salam ou chalom Mort de rire

Portrait de Meliah

C'est une honte inouïe ! Que 28000 malades soient condamnés à plus ou moins long terme à cesser d'être soignés (Hippocrate ,regarde ce qu'ils font à nos frères ! ) n'est que la énième loi contraire aux droits humains les plus fondamentaux ! J'ai déjà fui ce pays, j'attends un nouveau président dans un an . Je fuirai de nouveau si je ne peux plus vivre dans mon pays que je ne reconnais plus . Bravo à tous les militants de ce jour ! J'ai été étrangère sans papiers ailleurs et on ne m'a jamais battue ou traînée à terre . Il faut que cette loi soit déclarée anticonstitutionnelle par le Conseil d'Etat . Est-il lui aussi aux ordres ? beurk ,beurk ,beurk , Le bruit des bottes se rapproche ....
Portrait de louve85

la honte ...je me sens de plus en plus "étrangère" en france. J'ouvrirais volontier mon foyer à des personnes fuyant leur pays et demandant l'asile et des soins. Qu'ont fait les "justes" pendant la seconde guerre mondiale ? Et eux, c'est leurs vies qu'ils risquaient...Et ils n'étaient pas forcément riches...Et on est peut-être nombreux à avoir ce genre d'idée, non ? arrêtez-moi si j'dis des conneries...
Portrait de eris

Au secours, la France de Vichy revient en 2011.

Mais comment est il possible que des élus ( a priori instruits!?...) puissent en arriver là, juste à des fins électoralistes.

Ont ils perdu tout idéal , sont ils autant désespérés de ne pas être ré(élus) s'ils ne se montrent pas diaboliques?

Les extrémistes de droite font si peur qu'on se sent obligé de leur donner de la brioche au lieu de les les mettre au pain noir avec très peu d'eau !

Quelle honte pour nous, notre pays, et plus largement "notre" Union Européenne dont certains pays ( à travers leurs partis extrémistes) , partagent leurs avis.

Le mot Résistance est en train de redevenir à la mode, et ce n'est franchement pas glorieux dans ces cas là.

Comme quoi, je le dis toujours, jamais rien n'est acquis pour toujours.

Qu'on se le dise ! La lutte n'est pas terminée...

« Le but est le chemin lui-même » Soyons nous-mêmes, en toute circonstance.