François Morvan : "La possession de drogues doit continuer à relever d’un délit"

Publié par jfl-seronet le 19.04.2012
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présidentielles 2012Nicolas Dupont-AignanDebout la République
Vice-président de Debout la République, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, François Morvan en est également le délégué national Santé. Ce cancérologue conseille le candidat à la présidentielle sur les questions de santé. A ce titre, il présente les propositions sur des sujets comme la réduction des risques, la sérophobie, l’usage de drogues, le travail du sexe et les enjeux de la lutte contre le VIH/sida, les hépatites. Interview exclusive sur Seronet.
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En 2011, différentes mesures législatives ont été prises concernant la situation des personnes étrangères et tout spécialement celles qui sont malades, qu’elles soient ou non en situation irrégulière. L’Aide Médicale d’État (AME) a été ainsi largement réformée et le droit au séjour pour soins sévèrement attaqué. Que pensez-vous de ces décisions et quelle lecture politique en faites-vous ?
Prenons la question dans sa globalité. Une personne étrangère atteinte d’une maladie grave, il est normal de la prendre en charge. Le problème, vous le savez bien, c’est la dérive progressive de ce système. Et en tant que médecin hospitalier, je peux en parler très librement. Compte tenu de ces dispositions, il y a des personnes étrangères qui viennent se faire soigner en France alors qu’elles se découvrent malades dans leur pays. Bien entendu, il convient de prendre en compte toutes les situations particulières, par exemple lorsque la famille est présente en France, etc. Il y a toutes sortes de critères à mettre en œuvre. Mais d’une manière générale, il y a des dérives. Il y a également une dérive du montant puisque l’on atteint, concernant l’AME, le montant de 800 millions d’euros. Il faut, d’une part limiter les demandes lorsqu’elles sont faites depuis l’étranger en fonction de critères bien précis et puis limiter en volume. Il faut fixer une enveloppe globale et dire qu’on ne la dépassera pas. Autrement dit, tous les soins de personnes étrangères en France, sauf cas d’urgences vitales immédiates évidemment, notamment ceux concernant des maladies importantes ne pouvant pas être soignées dans les pays d’origine, doivent faire l’objet d’un examen sérieux. Je ne suis pas pour une réduction, mais pour une limitation. Nous vivons dans une société mondialisée qui connaît d’importants flux de populations qui vivent pour certaines dans des pays qui connaissent une misère terrible et il est parfaitement compréhensible et normal que des patients et patientes atteints d’une pathologie grave essaient de se faire soigner là où c’est possible… tout simplement. Mais malheureusement, nous ne pouvons pas faire face à tout ce flux. Il faut se donner des limites.

Dans votre programme, vous évoquez des accords de réciprocité entre la France et les pays du Sud. Ainsi vous préconisez que l’aide au développement accordée à un pays soit liée aux engagements du dit pays de reprendre leurs citoyens qui sont en situation irrégulière en France, de prendre à leur charge les frais de santé occasionnés par leurs ressortissants. Concrètement comme cela se passerait-il ?
C’est pays par pays. Il est évident que tout le problème de l’accès aux soins des étrangers et d’une manière plus générale de l’immigration en France doit nous inciter à négocier pays par pays. Nous avons aujourd’hui un système de frontières ouvertes avec une immigration clandestine qui entre avec facilité parce que les accords de Schengen ont mis en place des frontières totalement perméables. Et d’autre part, nous avons souvent une coopération qui se perd dans les limbes. Malheureusement dans les pays, cela signifie corruption, népotisme et les aides n’atteignent jamais les populations pour lesquelles elles sont destinées. Il faut une renégociation Etat par Etat pour l’ensemble des projets bilatéraux : immigration, aide au développement, etc.

Ces dernières années, les choix du gouvernement en matière de comptes sociaux ont eu des conséquences importantes sur la vie des personnes malades et tout spécialement celles qui sont atteintes d’affections de longue durée comme les personnes atteintes d’une hépatite ou du VIH ?  La mise en place des franchises médicales, la multiplication des déremboursements de médicaments, la hausse du prix des consultations, des forfaits hospitaliers… ont eu pour conséquence d’augmenter le reste à charge pour les personnes malades et surtout de renforcer une logique individuelle contre la solidarité collective. Que pensez-vous de ces décisions ? Quelles sont les conséquences de cette politique ?
Je n’en pense que du mal. Nous avions un système d’assurance maladie tout à fait original comparé à d’autres pays y compris des pays développés, où chaque citoyen n’est pas soigné en fonction de ses revenus, mais en fonction d’une contribution qu’il a versée à un système de solidarité, qui lui est proportionnel à ses revenus. Et donc il est soigné avec sa carte vitale et pas avec sa carte de crédit. Comme l’assurance maladie et la protection sociale d’une manière générale ne sont plus capables de faire face, elles ont trouvé deux recettes. D’une part, par des biais divers, elles font en sorte que chacun prenne en charge une part croissante de ses dépenses de santé… Et j’ai d’ailleurs vu qu’on se félicitait, ça et là, que les objectifs de dépense d’assurance maladie de 2011 aient été tenus… Oui, ils sont tenus parce que la charge sur les patients et les familles va croissant… C’est ainsi que les  objectifs sont tenus. L’autre astuce, comme nous ne sommes plus capables de payer les professionnels de santé au niveau de leurs qualifications et de leurs responsabilités… On leur a dit : "Allez-y ! Faites des dépassements d’honoraires !" Tout cela aboutit à ce que l’on connaît actuellement : des déserts médicaux. Là où les gens sont pauvres ils ne soignent pas, donc les médecins n’y vont pas et ils y vont d’autant moins que ces populations ne sont pas solvables et pas capables de faire face aux dépassements d’honoraires. Nous sommes dans une spirale d’échec total qui conduit à une médecine à l’américaine. C’est-à-dire qu’un tiers de la population sera hyper soigné, un tiers s’en sortira plutôt mal que bien et un tiers ne sera plus soigné du tout. Nous sommes dans cette logique et c’est cette logique qu’il faut interrompre. Il faut lutter pour que le système issu du conseil national de la résistance soit restauré et maintenu. Car ceci est un des ciments de la République. A partir du moment où cela s’effondre, c’est un des aspects essentiels de notre système républicain qui disparaît. La position de Nicolas Dupont-Aignan est claire, il faut revenir sur cette dérive.

En matière de dépenses de santé, de tarification, d’équilibre des comptes sociaux… que faut-il éviter et quelles propositions faites-vous ?
Il faut redonner à l’assurance maladie les moyens de financer ce qu’elle doit financer, c’est-à-dire les honoraires des professionnels et les dépenses de santé de ses cotisants. Il y a deux mesures phares pour cela dans le programme de Nicolas Dupont-Aignan. Premièrement, retrouver un million d’emplois industriels par la politique du protectionnisme intelligent… Ce que l’on a perdu, il n’y a aucune raison qu’on ne le retrouve pas. Tout cela peut générer dix milliards de recettes supplémentaires pour l’assurance maladie. Et d’autre part, il faut relever les honoraires des professionnels à un niveau décent et la proposition qui est faite est de l’augmenter de 25% sur 5 ans. Et cela coûte 10 milliards. Ces 10 milliards sont économisés sur la rationalisation du système du médicament. Comme vous le savez le système d’autorisation de mise sur le marché des médicaments en France est totalement anarchique. On a pour une population comparable deux fois plus de dépenses de médicaments que l’Italie et encore plus de dépenses que la Grande-Bretagne… Nous avons 34 milliards de dépenses de médicaments en France ; il y en a 17 en Italie. Si on trouve un moyen terme qui permet de faire des économies de l’ordre de 30%, vous voyez que l’on fait une économie de l’ordre de 10 milliards. Et on finance ainsi le relèvement des honoraires qui permettra de justifier la compression beaucoup plus drastique des dépassements d’honoraires. Voilà les deux piliers de nos propositions, ce qui n’empêche pas d’autres économies… comme à l’hôpital public qui a beaucoup fait et qui peut encore faire beaucoup pour générer des économies sans nuire à la qualité. Ce sont des objectifs essentiels. Si on ne fait pas ça,  il est très clair qu’on va aboutir très vite à l’éclatement de l’assurance maladie. C’est d’ailleurs ce que les candidats UMP et PS préparent, sans le dire. On risque d’avoir une assurance maladie qui sera l’assurance-plancher minimale, les assurances privées qui vont prendre le relais et puis la part grandissante des mutuelles et ainsi on aura complètement fait éclater notre système.

Quelles sont vos solutions concernant les déserts médicaux ?
Dans la société dans laquelle nous sommes il faut beaucoup d’incitatif et un peu de coercitif. L’incitatif, c’est de dire que nous aiderons à la création d’une maison médicale par canton, car une des raisons des déserts médicaux, c’est la difficulté d’exercice tout simplement. L’incitatif, c’est aussi de relever les honoraires conventionnés, ce qui permet aux médecins de ne pas choisir en priorité les endroits les plus riches pour s’y installer. Les mesures coercitives, c’est d’une part l’obligation pour tout étudiant en médecine qui finit ses études d’exercer deux ans dans ces zones de désert médical et d’autre part, au cas par cas et pour certaines disciplines, d’établir des systèmes de licence d’installation comme il en existe déjà pour les pharmaciens. Au-delà de tant de gynécos, d’ophtalmos, de médecins ORL dans telle zone, il ne serait plus possible pour un médecin ayant l’une de ces spécialités de s’y installer. Il faut une politique continue sur cette question et sûrement plus que sur un mandat. Le problème, c’est la continuité de l’effort.

Que faites-vous sur le plan de la démocratie sanitaire... Est-ce d’ailleurs un concept qui vous intéresse ?
Oui. Dans les lois successives et en particulier dans la dernière, la loi HPTS, une meilleure place est faite aux associations d’usagers… même si les associations d’usagers ne sont pas toujours bien représentatives des usagers. Il y a des biais de représentation. Il me semble que dès lors qu’un plan de santé sera fait par territoire avec le travail des Agences régionales de santé coordonnant les établissements publics et privés… il serait bien qu’il soit soumis à discussion publique. Après tout, dans les mairies, on organise bien de telles discussions à propos du plan d’occupation des sols. On pourrait très bien faire de même avec les plans de santé des territoires. Cela permettrait d’avoir des discussions publiques en complément de la représentation des usagers dans les instances. On entendrait ainsi beaucoup plus les préoccupations quotidiennes des usagers. Un des grands problèmes est celui des temps de transport. C’est le problème que l’on peut avoir dans l’accouchement, par exemple… La question posée par les usagers est : "A combien de minutes suis-je d’un centre d’accouchement compétent ?" Autre exemple, si je suis atteint d’une pathologie grave qui nécessite un suivi régulier… il ne faut pas que je sois à plus de trente minutes de chez moi. Voilà des notions que donnent les usagers au quotidien dont des responsables n’ont pas forcément conscience lorsqu’ils font la carte de leur territoire, la répartition des moyens. Là, c’est très important qu’il y ait un échange public avec les citoyens.

Nicolas Sarkozy s’est engagé lors de sa première campagne présidentielle à augmenter de 25% sur la législature le montant de l’allocation aux adultes handicapés. Il a récemment indiqué que la promesse serait tenue en 2012. Il y a eu plusieurs augmentations, malgré tout, les personnes qui en sont bénéficiaires vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Du coup, de nombreuses associations et structures syndicales ou politiques, réunies au sein de Ni pauvre, Ni soumis, demandent à ce que cette allocation soit remplacée par un revenu d’existence aligné sur le SMIC. Etes-vous favorable à cette mesure ? Cela est-il, selon vous, finançable et si oui dans quel système ?
Personne dans ce pays ne peut vivre décemment en dessous de 1 000 euros par mois. Il est évident que pour une personne handicapée pour laquelle l’allocation de revenus est l’unique ressource, il ne faudrait pas que cela se situe en dessous de ce montant. Vous évoquez dans votre question la possibilité d’un revenu minimum… Je pense qu’il ne faut pas faire cela. Il faut différencier selon la situation des personnes. Par exemple, quelqu’un qui est modérément handicapé et qui peut travailler, il faut l’aider à trouver un emploi. Il peut également toucher le RSA. Quelqu’un qui est lourdement handicapé et qui ne peut pas travailler, il est évident que l’aide à son handicap doit couvrir la totalité de ses revenus. Il faut différencier les situations et ne pas les mettre dans un gros paquet… qui serait un revenu unique pour tout le monde. Dans le programme Santé de Nicolas Dupont-Aignan, l’objectif de croissance est de 5% lorsqu’on prend en compte les pathologies graves, chroniques et les questions de dépendance lourde… Nous sommes donc sur une augmentation de 25% sur cinq ans. On en revient au problème précédent… si on veut continuer les efforts dans ce domaine qui, à l’évidence, en nécessitent… si on ne retrouve pas une politique économique différente, il est clair que nous n’y arriverons pas.

A la suite de l'affaire du Mediator, le gouvernement a fait adopter un projet de loi sur le médicament. Que pensez-vous de ce texte ? Quelles en sont les faiblesses ? Quelles mesures préconisez-vous dans ce domaine ?
Le point clef de tout cela, c’est qu’il y ait des experts qui soient vraiment sans conflits d’intérêt. Dès lors que c’est le cas, on ne voit pas pourquoi ces agences où il y a des personnes de très haute qualité ne feraient pas leur travail d’évaluation correctement. Mais il est évident, en voyant l’affaire du Mediator, qui est complètement emblématique d’un système perverti, c’est qu’à partir du moment où il y des experts qui sont juges et parties toutes les dérives sont possibles. Il faut se donner les moyens d’avoir des experts réellement indépendants. L’effort qui doit être fait est d’extraire des professionnels reconnus dans leur discipline pour qu’ils viennent effectuer leurs missions d’expertise pour une durée limitée de trois à cinq… La loi permet des progrès dans ce sens. Il faudra évaluer rapidement les résultats obtenus.

En matière de lutte contre les hépatites et le VIH/sida, des organisations non gouvernementales réclament la mise en place de mesures qui ont fait leur preuve à l’étranger dont les programmes d’échange de seringues en prison, les créations de salles de consommation supervisée, l’accompagnement à l’injection, l’auto-prélèvement chez les personnes usagères de drogues (ce qui favorise l’accès aux services de santé). Etes-vous favorable à leur mise en place ?
Les seringues sont en vente libre dans les pharmacies… Je ne vois pas pourquoi les personnes emprisonnées ne disposeraient pas des mêmes dispositions… Je ne sais pas si on parle d’échanges payants ou pas, mais c’est une mesure simple qui me paraît de bon sens. Néanmoins, le problème des drogues illicites puisque c’est de cela qu’il s’agit… est un problème complexe. La philosophie de la France sur ces questions est celle de la loi de 1970 qui comporte deux clefs. D’une part, un accès aux soins le plus facile possible pour les personnes dépendantes et d’autre part la répression du trafic et de la consommation. Si on regarde la situation en France, cette politique a tout de même des succès. Par exemple, le nombre d’overdoses a beaucoup chuté. Il est moindre que dans de nombreux pays européens. Il y a un effet de cette politique. Là encore, on parle de politique sur la durée. Il n’est pas question d’arrêter la répression sur les trafics. Je pense que la répression sur les consommateurs doit être maintenue. Les juges font très attention à ce qu’ils font et dès lors qu’ils voient que la personne est dans une vraie dépendance… et qu’elle ne participe pas au trafic... ils en tiennent compte. Il ne faut pas considérer les gens en dépendance de drogues comme des sous-citoyens, des gens qui ne seraient pas responsables de ce qu’ils font. Ils sont aussi responsables. Il y a évidemment une gradation dans les choses : il y a des gens faiblement intoxiqués,  des personnes qui sont totalement dépendantes. D’une manière générale, il faut inciter les gens à une certaine responsabilité individuelle. La possession de drogues doit continuer à relever d’un délit. La troisième chose, c’est que la politique française ne s’appuie pas sur une organisation de la consommation. Et en particulier sur l’existence de centres d’injection supervisée. Tout cela est un problème de flux comme toujours…  A partir du moment où vous ouvrez le robinet d’un côté, vous l’ouvrez globalement. Il ne faut pas favoriser la consommation sous quelque forme que ce soit. En revanche, le raisonnement que je tiens à ses limites puisqu’on pourrait se dire que l’échange de seringues gratuites, c’est aussi une incitation à la consommation. Mais il faut être raisonnable et pragmatique. Je pense qu’organiser l’injection va favoriser l’afflux.

Ces dernières années, les avancées scientifiques en matière de VIH/sida ont été majeures. Paradoxalement, les avancées sociales (meilleure acceptation sociale du VIH, lutte contre les discriminations liées à l’état de santé…) ont été quasi inexistantes. Une récente affaire (celle de Dax, il y a quelques mois) a montré les limites de la loi pénale actuelle en matière de sanction des agressions sérophobes. Etes-vous favorable à ce que la sérophobie soit, comme c’est par exemple le cas pour l’homophobie, sanctionnée par la loi et reconnue comme une circonstance aggravante ?
Je ne pense pas utile d’avoir une loi supplémentaire alors qu’il existe déjà beaucoup d’armes contre les discriminations. Je pense surtout, fort heureusement, que dans une très grande majorité des cas pour les personnes séropositives cela ne se voit pas sur leurs visages… On risquerait de faire une loi alors qu’il existe déjà des outils et que dans la grande majorité des cas ni l’employeur, ni le service auquel la personne fait appel n’ont connaissance de la séropositivité… S’embarrasser d’un dispositif légal supplémentaire pour finalement, sans doute, peu de cas avérés n’est pas utile. Il vaut mieux consacrer notre énergie sur le changement culturel concernant la séropositivité que d’empiler des lois.

Le débat sur la prostitution est animé entre les partisans de l’abolition et ceux qui y sont opposés. Des associations de personnes travailleuses du sexe, de lutte contre le sida et un organisme officiel tel que le Conseil national du sida mettent en avant qu’une abolition de la prostitution voire une pénalisation des clients auraient un impact négatif sur l’accès aux droits et aux soins des personnes qui exercent cette activité et des conséquences en matière de santé publique : obstacles supplémentaires dans l’accès aux structures de soins, de prévention du VIH et des IST, de dépistage. Etes-vous favorable à cette abolition ? Si oui, pour quelles raisons et si non, comment comptez-vous renforcer les droits des personnes concernées, notamment sur les enjeux de santé les concernant ?
On est toujours balancés entre deux risques, soit laisser faire en partie, ce qui a été la position de la France durant des décennies, soit réprimer. Je ne sais pas ce que Nicolas Dupont-Aignan a voté dans ce débat [il y a eu le vote d’une résolution à l’Assemblée Nationale, ndlr]. Je ne suis pas sûr que l’accroissement de la répression soit une solution. Il existe déjà un dispositif législatif important concernant le proxénétisme. Est-ce que la prostitution en France est un problème de santé publique ? Cela reste franchement à démontrer. Est-ce que dans la contamination par les maladies sexuellement transmissibles, c’est la prostitution qui est un vecteur important ? Ce n’est pas démontré. Il faut, selon moi, sortir des considérations moralisantes… et voir si l’impact sur la santé publique est tel que l’abolition de la prostitution et donc la répression des travailleuses et travailleurs du sexe en valent la chandelle. Voilà la question.


Des organisations non gouvernementales réclament la création d’une taxe sur les transactions financières dites aussi "taxe Robin des Bois" dont le produit permettrait de financer la santé et le développement, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique à l’échelle mondiale. Cette taxe pourrait rapporter, chaque année, des milliards d’euros. Etes-vous favorable à cette taxe et si oui comment comptez-vous la mettre en œuvre ?
Pour qu’elle puisse être plus facilement acceptée, il faut que cette taxe aille à des objectifs de développement, en France, comme ailleurs, identifiés. Les taxes sur les transactions financières sont nécessaires mais difficiles à mettre en œuvre… Par ailleurs on ne peut pas éternellement résoudre le problème de fonds d’un pays dont l’économie se meurt par une transfusion d’un poste à un autre. Il y a eu depuis le lancement de cette campagne toutes sortes de manipulations d’impôts qui viennent là, puis reviennent ici. C’est un peu la logique du malade anémique qu’on transfuserait du bras gauche au bras droit. Il y a de la richesse qui est produite, et au combien, sur des capitaux… mais on ne peut taxer que la richesse qui a déjà été produite. Le problème de la France, c’est de reproduire une richesse suffisante pour pouvoir alimenter son moteur. Toutes les mesures fiscales qu’on prendra ne serviront à rien si on continue à remplir un tonneau des Danaïdes…

Cette année, l’épidémie de sida a 30 ans. Concernant cette maladie, qu’est ce qui vous frappe aujourd’hui ?

C’est d’être passé d’une maladie terrorisante à une maladie chronique. C’est assez emblématique des succès de la médecine contemporaine. C’est aussi vrai dans le domaine du cancer que je connais bien… du moins pour beaucoup de patients. La deuxième chose que cela a changé, c’est l’implication des associations de malades dans le mouvement de lutte contre la maladie. Cela change considérablement le point de vue des médecins. C’est un retour à l’humanisme. Il ne faut pas qu’un malade rentre dans une case… c’est à vous d’adapter le traitement à ce patient-là… dans toutes ses dimensions d’existence, sociale, individuelle, particulière… Et ça, c’est un enrichissement important.

AIDES parle souvent à propos de ses militants et de ceux qui luttent contre le VIH/sida de personnes séro-concernées, qui se sentent concernées à des titres divers, de façon plus ou moins directe par le sida. Comme homme, citoyen, militant, candidat à l’élection présidentielle, vous sentez-vous séro-concerné ?

Séro-concerné oui… parce que tout peut toujours arriver à tout le monde. Dans le domaine des relations sexuelles, utiliser des préservatifs lors d’une première rencontre et quelque chose à laquelle il faut savoir penser… c’est un geste pour soi-même, un geste pour les autres. Et d’une manière générale, c’est participer à ce mouvement de la société qui fait qu’être séropositif, ce n’est plus une exclusion et finalement, c’est presque, si je puis dire, banal. C’est penser que celui ou celle qui est séropositif ou séropositive… cela pourrait être moi !

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie.