Grèce : le "chantage capitaliste" des laboratoires

Publié par Emy-seronet le 16.07.2010
3 111 lectures
Notez l'article : 
0
 
compagnies pharmaceutiques
Le gouvernement du premier ministre grec Papandreou voulait réduire la dette du service de santé publique ; les laboratoires s'y sont opposés... en privant les personnes malades. En mai et en juin derniers, suite à l'annonce de la régulation du prix des médicaments, plusieurs compagnies pharmaceutiques ont boycotté les hôpitaux publics du pays en cessant la livraison de médicaments et de matériel médical. Un embargo qui a menacé la santé et la vie de milliers de personnes et qui a faillit entraîner une crise sanitaire, mais une pression qui a permis aux laboratoires d'imposer leurs exigences.
parlement_athenes.jpg

Refuser d'approvisionner les hôpitaux pour forcer le gouvernement à changer sa politique ; un "chantage capitaliste brutal" qui serait de plus en plus employé par les compagnies pharmaceutiques. Depuis trois mois, en Grèce, c'est un véritable bras de fer qui se joue entre le gouvernement – qui souhaite abaisser les prix pratiqués par les laboratoires pour réduire la dette du service de santé publique – et les laboratoires – qui n'ont pas l'intention de revoir leurs tarifs. Réduire de 25% le prix de tous les médicaments ou mettre en place un programme de coupons à zéro (procédure de vente sans intérêts qui aurait fait perdre aux laboratoires un cinquième de leurs revenus) : telle était l'intention du gouvernement grec pour réduire la dette de santé publique. Le prix des médicaments et du matériel médical étant souvent trois fois plus élevé en Grèce que dans les autres pays européens, la décision du gouvernement semblait justifiée. Et quand on sait que ces prix excessifs sont très probablement à l'origine de cette dette, l'embargo qui a suivi ne peut qu'être qualifié de "course au profit" par les défenseurs des droits des malades.

Arrêt des livraisons, menaces d'arrêts des livraisons, recours en justice... Dès l'annonce de la réduction du prix des médicaments par le gouvernement grec, le 3 mai 2010, les grandes compagnies pharmaceutiques qui approvisionnent le pays ont fait entendre leur désaccord. Le laboratoire danois Novo Nordisk (qui contrôle 50% du marché grec en ce qui concerne les traitements contre le diabète), Leo Pharma (Danemark), Merck (Allemagne) : les trois géants ont été les premiers à se mobiliser contre la réduction de leurs tarifs et, pour la seconde fois, les personnes malades du pays se sont vues privées de l'essentiel. Pendant que les laboratoires négociaient avec le comité de vigilance des prix, les hôpitaux négociaient avec les laboratoires pour obtenir du matériel de première urgence. Parce qu'il manquait des pacemakers, des films radiologiques, des filtres pour dialyse, du matériel opératoire ou post-opératoire, il a fallu reporter des interventions médicales, et diriger des patients vers les cliniques privées du pays. Selon un article de Ethnos (19 juin), "dans les trois derniers jours de l'embargo, les administrateurs des hôpitaux de l'ESY (le service public de santé grec) ont même envoyé un SOS faisant part de 580 personnes dans un état critique, et ont lancé un appel aux compagnies qui fournissent les hôpitaux" car "des vies étaient menacées." Après que le gouvernement PASOK ait cédé à la pression en rehaussant le prix des médicaments (14 juin), un accord avec les compagnies pharmaceutiques concernées aurait été trouvé (début juillet).

Il est fréquent que des pays soient privés de certains médicaments et/ou de matériel médical à cause d'un conflit financier ; une situation intolérable qui pose un problème de santé publique et interpelle sur le pouvoir des Etats à intervenir dans la fabrication, la vente et la distribution de produits de santé. Le 3 juillet 2010, le World Socialist Web Site soulevait de nouveau la question. Condamnant une "course au profit" qui viole le droit à la santé, le site appelait à la mobilisation socialiste pour que les grandes entreprises qui dominent la santé soient "converties en des services publics gérés démocratiquement".

Source : John Vassilopoulos, World Socialist Web Site, le 3 juillet 2010.

Crédit photo : Therysma (http://www.sxc.hu/photo/883777)

Commentaires

Portrait de lyonsept

de faire passer les brevets de ses même compagnie dans le domaine public afin que des génériques moins couteux puissent sortir
Portrait de nathan

Si les pays membres de l'Europe avaient une politique commune en matière de santé et d'achat de médicaments, le problème serait réglé. Un pays-continent comme le Brésil a montré que c'était possible.
Portrait de maya

Je cite "dans les trois derniers jours de l'embargo, les administrateurs des hôpitaux de l'ESY (le service public de santé grec) ont même envoyé un SOS faisant part de 580 personnes dans un état critique,

 ------------------------------------------

mais c'est totalement révoltant ! je suis sans doute naive mais est-ce qu'il ne peut pas y avoir des lois qui obligent les industries à fournir leur matos ?C'est pas de la non assistance à personnes en danger à ce stade.?? Ce monde là je croyais pas le voir un jour dans tous les sens du termeMécontent

Portrait de romainparis

font voir leurs vrais visages, cupides et méprisants. Prêts à sacrifier des milliers de vies pour ne pas réduire leurs marges. Quand on sait que la recherche pharmaceutique est financée en majorité par des fonds publics.... D'un autre côté, je ne comprends toujours pas pourquoi la Grèce n'a pas renoncer à son armée en sachant qu'elle sera protégée par les armées des autres pays européens. Ah oui, j'oubliais, ironise-je. On leur vend des armes....
Portrait de jean-rene

Moi, en tous cas, je ne comprends toujours pas pourquoi la nationalisation de l'industrie pharmaceutique n'est dans le programme d'aucun parti socialiste alors que cette industrie vit entièrement sur le dos de la Sécurité Sociale que nous finançons. Je crois même me souvenir d'un ministre du gouvernement Jospin fraichement débarqué dans son Ministère, qui avait expliqué (probablement après le passage d'un lobbyiste des labos) qu'il ne fallait surtout pas toucher aux marges des labos "parce que c'était mauvais pour l'emploi". Autrement dit, il relayait le discours de chantage des labos, qui était (et est toujours) :"Si vous touchez à nos marges, on licencie". Pouah ...