Homophobie : la bonne amie de l’épidémie

Publié par jfl-seronet le 27.09.2012
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La lutte contre le VIH/sida est menacée par l’homophobie. Le constat n’est pas neuf (hélas) et toujours aussi accablant. On en a une nouvelle fois la preuve avec la dernière campagne de l’ONUSIDA consacrée à l’homophobie et aux lois punitives qui visent les personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexe).
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Dans de nombreuses régions du monde, les lois et pratiques punitives à l'encontre des personnes LGBTI continuent de bloquer les ripostes efficaces au VIH, affirme l’ONUSIDA (28 août 2012). L’organisme onusien rappelle que "de nombreux cas de violations des droits de l'homme ont été recensés, allant du refus de l'accès aux services de santé à l'interdiction de la liberté d'association, en passant par le harcèlement, les violences et les meurtres". Et certains exemples sont récents.

 

Fin août, au Cameroun, une organisation de jeunes aurait mené une opération anti-LGBT : cette information fait suite à toute une série d'arrestations et de mises en détention d'hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes dans le pays ces dernières années, sur la base de leur orientation sexuelle. "Au Zimbabwe, où les rapports sexuels entre hommes sont illégaux, la police a arrêté puis relâché quarante-quatre membres de l'organisation Gays and Lesbians Zimbabwe (GALZ) le 11 août 2012, après la présentation d'un rapport du GALZ recensant les violations des droits humains des personnes LGBT", note l’ONUSIDA. Cette situation ne concerne pas que l’Afrique, loin s’en faut. Et l’ONUSIDA, rappelle qu’un récent rapport de l’ILGA-Europe a recensé de nombreux cas de violence, de haine et de discrimination à l'encontre des personnes LGBTI en Europe. D’autres pays du Nord ne sont pas mieux lotis. "Aux Etats-Unis, au Canada, en Europe et en Australie, des études ont révélé des niveaux élevés de maltraitance homophobe dans les écoles et le manque de soutien de la part des autorités scolaires. Par exemple, une étude récente menée aux Etats-Unis a montré que plus de 84 % des jeunes élèves LGBT avaient été victimes d'insultes ou de menaces, que 40 % d'entre eux avaient été bousculés ou malmenés et que 18 % avaient été physiquement agressés dans l'enceinte de leur établissement". La Russie fait encore pire puisque "plusieurs villes ont récemment adopté des règlements interdisant l'information publique sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre". Même chose en Ukraine, probablement dans quelques mois.

Haine et peur
Comme elle l’a déjà fait à plusieurs reprises, l'ONUSIDA estime que "ces lois sont discriminatoires à l'encontre des personnes LGBTI, car elles entravent leur liberté de réunion et de parole, menacent les actions de sensibilisation au VIH des organisations qui les soutiennent et peuvent être utilisées pour justifier la maltraitance et la violence homophobes". Pour l’organisme onusien, c’est évident que tout cela contribue à créer un "climat de haine et de peur". "Des données probantes et l'expérience ont montré que les lois et pratiques punitives éloignent les minorités sexuelles des services anti-VIH. Une étude menée au Sénégal (…) a montré que les poursuites et le harcèlement à l'encontre des personnes LGBT avaient conduit en 2008 à "la propagation de la peur" et à "la dissimulation" parmi les membres de ces groupes. Selon cette étude, des professionnels de santé ont interrompu leur travail de prévention du VIH auprès des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes par crainte pour leur propre sécurité ; ceux qui ont continué à fournir des services de soins ont noté une nette baisse de la participation des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes".

Minorités : une prévalence majeure
Cette politique conduite délibérément ou ce climat qu’on entretient ou qu'on laisse prospérer sont particulièrement préjudiciables à la lutte contre le VIH/sida. Ces discriminations concernent, en effet, des groupes parmi lesquels la prévalence du VIH est élevée. "Dans de nombreuses régions du monde, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes trans connaissent une forte prévalence du VIH et une faible couverture des services de prévention, de traitement, de soins et d'appui en matière de VIH, indique l’ONUSIDA. De récentes études en Afrique subsaharienne montrent que la prévalence du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes va de 6 à 31 %. En Asie, le risque d'être infecté par le VIH est près de 19 fois plus élevé pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes que pour la population en général. En Amérique latine, on estime que la moitié de l'ensemble des infections à VIH dans la région est le résultat de rapports sexuels non protégés entre hommes. Même constat pour les trans. "Des études menées auprès des personnes trans font état d'une prévalence excessivement élevée du VIH, comprise entre 8 et 68 %. Sans un accès à l'information et aux services anti-VIH sans peur, sanction pénale ni homophobie, il est impossible de lutter contre ces tendances". Bien sûr, ça et là des progrès sont faits, mais restent rares ou modestes.