Homosexuels en Afrique : la pénalisation s'intensifie, le sida en profite

Publié par Emy-seronet le 22.12.2011
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Près de 10 000 militants sont réunis à Addis Abeba (Ethiopie) pendant une semaine pour la 16e conférence internationale sur le VIH/sida en Afrique (Icasa 2011) et réfléchir aux questions de prévention et de soutient aux personnes séropositives en Afrique. Plusieurs militants de AIDES sont présents avec leurs partenaires associatifs africains.
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Stigmatisation, croyances, sida : ces trois sujets sont étroitement liés en Afrique. S'opposant à l'Organisation mondiale de la santé, qui recommande la protection et l'accompagnement des populations vulnérables au VIH, 39 des 53 pays qui composent le continent pénalisent encore l'homosexualité sous l'influence de puissants leaders religieux. Les témoignages de personnes arrêtées se multiplient et la répression s'intensifie… jusque dans l'enceinte de la 16e conférence internationale sur le VIH/sida en Afrique (Icasa 2011).

Des manifestations religieuses qui obligent les organisateurs à repousser une pré-conférence contre la pénalisation de l'homosexualité, un symposium interrompu par un participant africain qui assimile l'homosexualité à la pédophilie, une autre manifestation organisée par des religieux eux-mêmes pour exprimer leur opposition aux discours scientifiques… L'Ethiopie, qui accueille la l6e édition de la conférence Icasa, est bel et bien tiraillée entre deux partis.

Un intervenant spécialisé dans l'accès aux droits des homosexuels raconte qu'il a du changer le lieu de ses réunions professionnelles par mesure de sécurité, que les hôtels refusaient d'accueillir les militants anti-homophobie il y a quelques jours encore. Au programme de la semaine, il y a pourtant le symposium du réseau Africagay contre le sida du lundi 5. L'Organisation mondiale de la santé, qui vient de publier 21 directives à l'attention des pays qui pénalisent l'homosexualité, y est représentée par le docteur Ying-Ru Lo : "Les législateurs doivent établir et appliquer des lois antidiscriminatoires et protectrices afin d'éliminer la stigmatisation, la discrimination et la violence subie par les homosexuels et de réduire leur vulnérabilité à l'épidémie de sida". Richard Burzynski, de l'Onusida, confirme : "Il faut continuer de lutter pour arrêter cette criminalisation, mettre en place des programmes nationaux efficaces et forts pour répondre aux besoins des plus touchés".

Et, dans certains pays, ce besoin se fait pressant. Parfait Behen, président de l'association Alternatives Cameroun, dénonce une régression et s'inquiète la répression grandissante. "Les personnes sont condamnées simplement parce qu'elles sont ce qu'elles sont ! Récemment, le premier ministre a commandé une réunion pour renforcer l'article 347 bis, qui pénalise les actes homosexuels de 6 mois à 5 ans de prison et de 20 000 à 200 000 CFA d'amende, et pouvoir condamner à 15 ans de prison les personnes soupçonnées d'homosexualité !" Car le soupçon suffit pour faire régner l'ordre. Marc Henri et Effaba, emprisonnés onze mois parce qu'ils possédaient des préservatifs et du gel lubrifiant marqué d'un slogan à tendance gay, sont devenus des symboles. Un homme a été condamné à trois ans et demi de prison suite à l'envoi d'un texto. Deux autres à l'apparence trop féminine ont écopé de la peine maximale : cinq ans.

Militant à l'ATL MST/sida en Tunisie, où les homosexuels risquent de six mois à trois ans de prison, Hassen Hanini voit, lui, un espoir dans la révolte sociale. Il explique que depuis le début des révolutions arabes et peu avant le changement de gouvernement, en janvier 2011, plusieurs associations dédiées aux "populations clé" sont nées. "Il y a l'association Rahma qui lutte contre la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les personnes séropositives, Manara qui intervient auprès des usagers de drogues, et ces populations clés sont maintenant représentées au sein du Comité national de coordination du Fonds mondial, le principal organisme qui finance la prise en charge et les traitements anti-VIH dans les pays pauvres". C'est un progrès mais la marge de manœuvre reste limitée : "A l'ATL, on a le droit de mener des enquêtes, des projets de lutte contre le sida dans la communauté homosexuelle, mais pas d'en parler".