INSERM : les super lymphocytes des personnes "VIH contrôleurs"

Publié par jfl-seronet le 09.09.2014
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ThérapeutiqueVIH contrôleurLymphocyte TCD8

Des personnes infectées par le VIH résistent naturellement au virus : on parle de personnes VIH contrôleurs. Dans un communiqué (25 août), l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) a présenté les résultats de recherches sur les particularités des "super lymphocytes" - lymphocytes T CD8 - que possèdent des personnes "VIH contrôleurs", des lymphocytes qui expliqueraient le "contrôle" du virus par le système immunitaire de certaines personnes. Explications.

Dans son communiqué, l’INSERM explique que les personnes "VIH contrôleurs" ont des lymphocytes T CD8 qui présentent "un profil atypique d’activation, qui semble pouvoir s’acquérir via une faible dose de virus". L’enjeu est de savoir comment tirer profit de ce phénomène chez des personnes non contrôleurs. Certaines personnes infectées par le VIH parviennent naturellement à contrôler le virus parce que leur organisme possède des lymphocytes T CD8 très performants. Les lymphocytes T CD8 sont des cellules du sang qui ont comme fonction de détruire les cellules de l’organisme qui sont infectées. Lorsque ces lymphocytes sont très performants, ils permettent aux personnes vivant avec le VIH d’avoir une charge virale qui reste très faible pendant plusieurs années. Les personnes ne développent pas de symptômes.

Super lymphocytes

Des chercheurs de l’INSERM viennent de confirmer la nature exacte de ces "super" lymphocytes. Ils indiquent surtout que leur présence dans l’organisme de personnes serait due à une faible exposition aux antigènes du virus. "Entre 0,1 et 0,5 % des patients infectés par le VIH sont appelés "contrôleurs". Leur charge virale reste inférieure à 50 copies/ml pendant des années, sans traitement. De précédents travaux ont montré que cette capacité est due à des lymphocytes T CD8 à forte fonctionnalité. Ils éliminent très efficacement les cellules infectées et limitent la prolifération des virus", explique Stéphane Hua, co-auteur des travaux, cité par l’INSERM. Restait à comprendre pourquoi c’est le cas chez certaines personnes et pas chez d’autres ? Les chercheurs ont donc décidé d’étudier ces cellules chez des personnes vivant avec le VIH suivies dans deux cohortes de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le VIH et les hépatites virales) : ANRS CO21 Codex et ANRS CO6 Primo. Ils ont ainsi comparé les lymphocytes T CD8 de personnes "VIH contrôleurs" et ceux de personnes suivant une trithérapie.

Des lymphocytes particuliers

Les chercheurs ont isolé une sous-population de lymphocytes T CD8 spécifique aux personnes "VIH contrôleurs" qui comporte un marqueur appelé HLA-DR, qui joue un rôle dans la reconnaissance des antigènes. En revanche, cette sous-population de lymphocytes T CD8 n’exprime pas un autre marqueur, CD38, habituellement retrouvé sur les lymphocytes T CD8 des personnes séropositives pour le VIH. Différentes expériences ont ensuite été conduites in vitro (dans les labos) pour en savoir plus sur cette sous-population de cellules, tout particulièrement sur son seuil d’activation — autrement dit à quel moment, ces lymphocytes jouent-ils leur rôle. "L’activation est une étape nécessaire pour qu’un lymphocyte soit en mesure d’éliminer un agent pathogène reconnu. Lors d’une infection par un virus, les lymphocytes sont activés, éliminent le virus, puis reviennent à un état quiescent [en biologie, il s’agit d’une phase de repos]. Chez les personnes infectées par le VIH cette activation est très forte, mais elle ne permet pas d’éliminer le virus et elle persiste dans le temps", décrit Stéphane Hua. Au cours de cette étude, les chercheurs ont constaté que l’activation des lymphocytes T des personnes "VIH contrôleurs" était modérée, associée uniquement à l’expression du marqueur HLA-DR. Les lymphocytes retrouvés chez les autres personnes étaient suractivés et comportaient non seulement le HLA-DR, mais aussi le marqueur CD38.

Le mécanisme d’une activation virale modérée

Les chercheurs de l’INSERM ont également noté que la sous-population de lymphocytes spécifique aux personnes "VIH contrôleurs" était plus efficace pour survivre, se multiplier, tuer les cellules infectées et secréter des cytokines (molécules qui régulent l’activité, la fonction, la communication de nos cellules). Dans un second temps, les chercheurs ont mis en évidence le mécanisme impliqué dans cette activation modérée : pour les lymphocytes qui expriment seulement le marqueur HLA-DR, le phénomène est déclenché par une faible dose d’antigènes. Une trop forte dose d’antigènes induit directement la formation de lymphocytes exprimant à la fois le CD38 et le HLA-DR, des lymphocytes qui sont rapidement dépassés par l’infection et n’assurent pas de façon optimale leur rôle. "C’est probablement ce qui se passe chez les malades du sida", explique le communiqué de l’INSERM.

Une faible dose d’antigène

Chez les personnes traitées par trithérapie et dont la charge virale est devenue très faible, les lymphocytes n’expriment plus aucun de ces marqueurs, ni le CD38, ni le HLA-DR. Les travaux de l’INSERM "suggèrent qu’une charge minimale serait nécessaire pour obtenir des lymphocytes exprimant seulement le marqueur HLA-DR et redynamiser le système immunitaire". Evidemment, affirme l’INSERM, il n’est pas "envisageable sur le plan éthique" d’imaginer "faire remonter la charge virale de patients chez lesquels  la trithérapie est efficace". Pour l’organisme de recherche, la vraie question est : pourquoi les personnes "VIH contrôleurs" semblent être d’emblée exposées à une plus faible dose d’antigènes que les autres, permettant l’apparition de cette sous-population de lymphocytes T CD8 exprimant seulement le marqueur HLA-DR ?

"Plus de la moitié des contrôleurs possèdent des allèles HLA de classe I qui leur permettent de détecter des doses très faibles d’antigène. Cela pourrait expliquer le déclenchement d’une meilleure réponse d’emblée, avec une baisse très rapide de la charge virale et un bon contrôle à long terme", explique Stéphane Hua. "Les contrôleurs ont de plus des lymphocytes T CD4 plus résistants à l’infection, limitant ainsi l’entrée et la prolifération du virus. Différentes raisons peuvent donc expliquer un meilleur contrôle instantané de l’infection chez ces patients", conclut le chercheur dans le communiqué de l’INSERM.

Source (en anglais) : S. Hua et coll. (2014) Potential Role for HIV-Specific CD38−/HLA-DR+ CD8+ T Cells in Viral Suppression and Cytotoxicity in HIV Controllers. PLoS ONE 9(7) : e101920. doi :10.1371/journal.pone.0101920

Commentaires

Portrait de bernardescudier

Merci pour cette présentation des Hiv Controllers.

 1 - La recherche de candidats qui sont des Hic controlers est essentielle . Les recherches sur les thérapies et un vaccin potentiel dépendent en partie de ce recherches sur ce groupe de séropositifs qui "contrôlent" naturellement sans trithérapie le Vih.

Les chercheurs de l'Inserm travaillent de concert avec l'Institut Pasteur et d'autres hopitaux. La recherche de candidats pour les cohortes ( groupe de malades qui sont des Hiv controllers) conditionne la poursuite de ces travaux. Vous pouvez trouver sur séronet un forum sur ce groupe :

http://www.seronet.info/billet_forum/codex-extremes-appel-candidatures-pour-des-recherches-sur-des-vaccins-et-des-therapies

 2 - La définition du groupe des HIV controlers est enfin bien développée.

Il est loin le temps ou le responsable de la recherche scientifique d'une association évitait de nommer le groupe des Hiv controllers sous le prétexte qu'ils représentent moins de 1% des malades. Ce responsable s'est ainsi exprimé dans l'enceinte d'un séminaire universitaire sous le regard d'épidémiologistes stupéfaits : la prise de conscience de la communauté scientifique a été ralentie par ce genre de positions qui sont hors du champ de l'Université.

 3 - La dénomination du groupe des Hiv controlers a été progressive.

 En anglais " long term non Progressors " signifie non progresseurs à long terme, cela ne signifie pas " Progresseurs lents", slow progressors.

Cela signifie même le contraire de Progresseurs lents. L'expression " progresseurs lents" ne concerne donc pas les Hiv Controlers. Vous pouvez verifier sur Google traduction ou dans la littérature scientifique spécialisée.

Certains controllers ont des Cd4 superieurs à 500 et des repliques virales inferieures à 20 depuis au moins 20 ans. J 'en suis témoin. Sans affaiblissement de leur bilan biologique et sans changements de leurs marqueurs.

Pour cette raison, des études menées par l'Institut Pasteur portent sur ces malades du VIH dont le système immunitaire résiste au Vih et contrôle le Vih.

C'est une des pistes de recherches pour des thérapies et un éventuel vaccin. La compréhension du système immunitaire des Hiv Controlers est aussi utile à la compréhension du contrôle d'autres maladies que le Vih. Comme par exemple les hépatites.

Si nécessaire, contactez  Lambotte si vous voulez des infos sur les expressions médicales et le suivi des controllers.

C'est un médecin.

Investigateurs coordonnateurs : Pr Olivier LAMBOTTE


Service de médecine interne

AP-HP - INSERM U1012

Hôpital Bicêtre

94270 Le Kremlin Bicêtre

 olivier.lambotte "@" bct.aphp.fr



Pr Brigitte AUTRAN

Département ’Immunologie

AP-HP - INSERM UMR-S 945

Hôpital Pitié-Salpêtrière

75013 Paris

  brigitte.autran "@" psl.aphp.fr

Portrait de espoir2012hiv

cette article me réconforte à moitié car à mon dernier contrôle  le médecin infectiologue m'avait détecter une hyperlymphocyotose T8 avec une charge virale indétectables  et des cd4  normales

pour le medecin infectiologie je devrais avoir moins de cd8 hélas on ne peut rien faire et d’après ces dires il n'y a aucune explication à cette catégories de personnes qui sont cliniquement normal avec une cv indétectable et les cd8 élevées

je me demande est ce que ça vaut le coup de demander cet examen immunologique pour les marqueurs HLA-DR   et CD38 pour connaitre la raison de la persistance de cette augmentation des cd8  ou juste vivre avec cet état biologique car d’après cet article c'est plus bénéfique pour le corps qu'un inconvénient

merci de me répondre pour cette interrogation