Lancement d’un nouvel essai de vaccin préventif anti-VIH en France

Publié par Renaud Persiaux le 19.02.2014
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Thérapeutiquevaccin préventif VIH

L’Institut de Recherche Vaccinale (VRI) lance un nouvel essai vaccinal anti-VIH, soutenu et financé par l’ANRS. Pour réaliser cet essai, au nom de code, ANRS VRI 01, il engage aujourd’hui une campagne de recrutement de 100 volontaires. Trois candidats-vaccins sont testés à travers quatre schémas vaccinaux de type "prime-boost".

Le VRI (Institut de Recherche Vaccinale) lance un essai vaccinal qui a pour but de tester la capacité de trois candidats-vaccins à stimuler les défenses immunitaires de personnes séronégatives (non infectées) contre le VIH. Cet essai marque une avancée pour la recherche française dans le domaine de la recherche vaccinale anti-VIH. Il s’agit d’un essai de phase I/II, ce qui veut dire qu’à ce stade, il ne s’agit pas encore de mesurer l’efficacité préventive, c'est-à-dire l’empêchement d’une infection par le VIH des personnes qui y seraient exposées, mais simplement de regarder si les schémas vaccinaux sont bien tolérés et capables de susciter de fortes réponses immunitaires (dont les chercheurs espèrent qu’elles s’avéreront par la suite effectivement protectrices).

Une stratégie "prime-boost"

Caractéristique de l’essai : pour la première fois, un essai évalue simultanément l’efficacité immunologique (la réponse du système immunitaire) de trois "candidats-vaccins", trois produits différents, en les combinant 2 par 2 (soit 4 combinaisons en tout) afin de déterminer rapidement la meilleure combinaison des 4.

Cette méthode, dite de "prime-boost" vise à optimiser l’efficacité des candidats-vaccins : le premier (prime) stimule les défenses immunitaires, le deuxième (boost) intervient ensuite pour maintenir et renforcer ces défenses.

Depuis plusieurs années, les scientifiques estiment que de tels schémas "prime-boost" sont parmi les plus prometteurs. Beaucoup avaient d’ailleurs vu de l’espoir dans le vaccin thaï en 2009, qui avait permis une protection modeste, mais réelle de 30 %. "Cet essai vaccinal devrait permettre à la recherche de progresser plus vite", explique Jean-Daniel Lelièvre, responsable du département de recherche clinique au VRI, qui précise que les candidats-vaccins ont été choisis "car ils portent des peptides du VIH en grande partie similaires".

Evidemment, rassurent les chercheurs, les différents candidats-vaccins utilisés dans cet essai ne contiennent aucune particule virale VIH infectieuse. Seules des protéines (ou des morceaux de protéines) fabriquées par synthèse sont utilisées. Ces protéines ne peuvent en aucun cas entrainer une infection par le VIH.

Les trois candidats-vaccins

Quels sont-ils ?
Le vaccin MVA (MVA HIV B), développé par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), est utilisé pour la première fois chez l’humain. Il est constitué d’un dérivé du virus de la variole rendu inoffensif (utilisé en tant que vaccin dans la prévention de la variole). Il a été modifié pour permettre la production des protéines du VIH afin d’induire une réponse immunitaire contre le VIH, comme le montre déjà un essai réalisé chez l’animal. Ce vaccin a également montré une très bonne tolérance dans deux modèles animaux différents. De plus, d’autres vaccins MVA permettant la production de protéines du VIH et d’autres pathogènes (comme la tuberculose) ont été étudiés chez l’humain et se sont montrés très bien tolérés et efficaces. Chez l’humain, il est à ce jour utilisé uniquement dans le cadre d’essais cliniques.

Le vaccin LIPO (LIPO-5), développé également par l’ANRS et utilisé uniquement dans le cadre d’essais cliniques, est composé d’un mélange de cinq lipopeptides. Les lipopeptides sont de petits morceaux de protéines du VIH associés à des lipides afin d’augmenter la réponse immunitaire. Plus de 150 personnes ont déjà reçu en France ce vaccin qui est très bien toléré et immunogène, c'est-à-dire qu’il induit une réponse immunitaire.

Le vaccin DNA (GTU-MultiHIV B) est développé par la société FIT Biotech en Finlande. Il s’agit d’un candidat vaccin utilisé uniquement pour l’instant dans le cadre d’essais cliniques. Ce vaccin est constitué de fragments de génome viral (de l’ADN) non infectieux permettant la production de protéines du VIH. Des essais réalisés précédemment chez des volontaires sains et des personnes vivant avec le VIH ont montré que ce vaccin est bien toléré et immunogène.

Les groupes de vaccination sont détaillés dans le tableau ci-dessous :



Les injections de vaccin MVA sont réalisées par voie intra-musculaire sur le côté de la cuisse.
Les injections de vaccin LIPO sont réalisées par voie intra-musculaire sur le côté de l’épaule.
Les injections de vaccin DNA sont réalisées à la fois par voie intra-dermique sur le côté de l’épaule et par voie intra-musculaire sur le côté de la cuisse à l’aide dans ce cas, d’un système d’injection sous pression sans aiguille appelé Biojector.

Une campagne pour recruter 100 volontaires peu exposés au risque VIH

Afin de réaliser cet essai, le VRI recherche 100 volontaires, sur quatre centres cliniques : Paris (Cochin), Créteil (Henri Mondor), Saint-Etienne, Marseille.

Pour participer à cet essai, les volontaires doivent remplir plusieurs conditions, parmi lesquelles : avoir entre 21 et 50 ans, être séronégatif pour le VIH, être en bonne santé et utiliser, si on est une femme, une contraception efficace durant l’essai.

Il faut de plus avoir un faible risque de s’infecter au VIH : d’abord, parce qu’on ne peut exclure que le vaccin puisse susciter des réponses qui favoriseraient l’infection en cas d’exposition au virus dans la vraie vie (cela s’est vu dans le passé, avec l’essai STEP qui utilisait un candidat-vaccin basé sur un virus de rhume "adénovirus", même si les candidats-vaccins sont, ici, différents et que le risque est "théorique" selon les investigateurs) ; ensuite, parce que la vaccin peut susciter des réponses avec des anticorps qui peuvent entrainer une fausse séropositivité via les tests de dépistage classiques (les ELISA, qu’ils soient rapides ou de laboratoire), obligeant à faire des tests spécifiques uniquement disponibles dans certains centres spécialisés (il y en aura dans chaque centre de l’essai). Une carte "volontaire pour un vaccin" du VRI sera d’ailleurs délivrée.

La participation se déroule sur un an, ponctuée par des visites régulières, chaque volontaire étant individuellement suivi par un médecin. L’essai se déroulera donc dans quatre centres hospitaliers : Paris, Créteil, Marseille et Saint-Etienne.

Participer à l’essai peut s’avérer contraignant, soulignent les chercheurs, car il y a de nombreuses visites. Pour dédommager les participants, une somme est prévue de 80 euros par visite effectuée.

Les chercheurs espèrent procéder aux premières injections vaccinales le 26 mars prochain.

Toutes les informations sur cet essai vaccinal et les conditions de participation sont présentes sur le site web dédié. Une page Facebook et un compte Twitter permettront également de suivre les actualités de l’essai vaccinal, s’informer sur la recherche sur le sida et dialoguer avec les autres volontaires.

Retrouvez l'intégralité du communiqué de presse.
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