Le VIH se sert des outils propres au système immunitaire pour le détourner

Publié par jfl-seronet le 22.08.2015
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Thérapeutiqueprotéine virale du VIHVpu

Une équipe de recherche de l’IRCM (Institut de recherches cliniques de Montréal), dirigée par le virologue moléculaire Eric A. Cohen, a fait une découverte sur la façon dont le VIH échappe aux réponses antivirales du corps. L’équipe a démontré comment une protéine virale du VIH, nommée Vpu, déjoue le système immunitaire en utilisant un processus régulateur qui lui est propre pour esquiver la première ligne de défense de l’hôte.

Ces résultats ont été publiés (15 juillet) dans la revue scientifique "PLoS Pathogens". Dans un communiqué (16 juillet), l’IRCM explique que l’objectif de l’étude était de "déterminer comment le VIH réussit à compromettre les réponses antivirales durant la période initiale d’infection, soit la phase aiguë, durant laquelle le virus s’établit dans le corps". L’infection aiguë (ou primo-infection) est, selon l’équipe québécoise, "une période charnière dans laquelle se détermine non seulement la complexité, l’ampleur et la progression de la maladie", mais également "l’abondance" de réservoirs viraux du VIH. Ces réservoirs viraux qui cachent le virus du système immunitaire et des médicaments antiviraux, représentent le principal obstacle vers une guérison réservoirs viraux", expliquent les chercheurs.

"Un élément important dans ce processus est un groupe de protéines nommées Interféron de type 1, qui agissent comme la première ligne de défense contre les infections virales et qui jouent un rôle bénéfique dans les premières phases de l’infection par le VIH. Le problème est que le VIH a développé des mécanismes qui empêchent la réponse par l’Interféron et qui, jusqu’à maintenant, demeuraient incompris", a expliqué le Dr Cohen, directeur de l’unité de recherche en rétrovirologie humaine à l’IRCM.

L’Interféron est principalement produit par une petite population de cellules immunitaires nommées CDP (cellules dendritiques plasmacytoïdes), qui sont responsables de la défense immédiate contre les infections. Les CDP patrouillent dans le corps afin de dépister des intrusions. lorsqu’elles constatent la présence d’un agent pathogène, elles sécrètent de l’Interféron. Cet Interféron déclenche ensuite un large éventail de mécanismes de défense dans les cellules avoisinantes, ce qui crée un état antiviral qui empêche la propagation et, ultimement, la multiplication du virus, détaille le communiqué.

Lorsque les CDP rencontrent des cellules infectées par le VIH, voilà ce qui se passe. "La production d’Interféron est régulée par une protéine nommée BST2, située à la surface de la cellule infectée. BST2 a la capacité de se lier et d’activer le récepteur ILT7, qui est situé à la surface des CDP et qui, à son tour, envoie un signal pour cesser la production d’Interféron et ses fonctions défensives (…) BST2 agit également comme un inhibiteur de la production du VIH en retenant les particules virales naissantes à la surface des cellules avant qu’elles puissent se propager. Cependant, le VIH se sert de la protéine virale Vpu pour contrer cette activité antivirale de BST2", a expliqué le docteur Mariana Bego, première auteure de l’étude.

"Grâce à cette étude, nous avons découvert un mécanisme unique selon lequel le VIH exploite le processus régulateur entre BST2 et ILT7 afin de limiter la réponse antivirale, permettant ainsi au virus de se disséminer (…) Nous avons trouvé que le VIH, par l’entremise de Vpu, profite du rôle joué par BST2 en conservant sa capacité d’activer ILT7 et de limiter la production d’Interféron tout en neutralisant son activité antivirale sur la production du VIH", a ajouté le docteur Bego.

"L’espoir d’une guérison définitive et d’un vaccin efficace est entravé par la formidable propension du VIH à perturber les défenses de l’hôte et à persister dans un petit nombre de réservoirs malgré la thérapie antirétrovirale. Nos résultats peuvent fournir des outils pour rétablir les réponses antivirales pendant les premiers stades de l’infection. En bloquant l’action de Vpu, nous pourrions prévenir la multiplication et la propagation précoce du virus tout en permettant aux CDP (cellules dendritiques plasmacytoïdes) de déclencher une réponse antivirale efficace. Nous croyons que ces interventions pendant la période initiale de l’infection limiteraient le développement et la complexité des réservoirs viraux, ce qui semble nécessaire pour obtenir une rémission prolongée du VIH", a expliqué le Dr Cohen.

Les résultats de l’étude ont été présentés le 21 juillet à Vancouver dans le cadre de la 8e conférence de l’IAS sur la pathogenèse, le traitement et la prévention du VIH (IAS Conference on HIV Pathogenesis, Treatment and Prevention).