L’Existrans : le genre est (toujours) politique

Publié par Mathieu Brancourt le 20.10.2014
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Initiativeexistrans 2014

Pour sa 18ème édition, plusieurs centaines de personnes, trans, militants associatifs et politiques, ont défilé samedi 18 octobre après-midi à Paris. Une fois encore, les revendications comme le changement d’état civil libre et gratuit se heurtent à un renoncement politique général.

Elle venait d’avoir 18 ans, l’Existrans. En attendant le départ de l’édition 2014, les personnes présentes peaufinent leurs slogans et pancartes. Jour de canicule d’octobre, une petite foule est rassemblée aux abords de la Rotonde du canal Saint-Martin, non loin de Stalingrad. Cette année encore, c’est le sentiment d’écrire les mêmes mots et de réclamer les mêmes droits qui domine. Des avancées concrètes et immédiates, pour une communauté exclue des lois de la République.

Pas leur genre

Dans un contexte où les réactionnaires ont réussi à faire plier le gouvernement à poursuivre sa marche vers l’égalité pour tous, l’amertume des promesses non-tenues se fait colère contre les renoncements sous couvert "d’apaisement". "La question du changement d’état civil simplifié est urgente, puisqu’elle conditionne la reconnaissance des personnes trans dans beaucoup d’aspects de leur vie", insiste Ronan Rosec de l’association SOS homophobie. "Chacun doit pouvoir trouver sa place et les trans sont victimes de la même vision passéiste et patriarcale de la société".

La procédure de changement d’état civil cristallise parfaitement ce combat entre des forces politiques et associatives, sur la question du genre. Les anti-mariage pour tous continuent d’instiller peurs et fantasmes sur cet objet politique. Et face à ces cris d’orfraies, la majorité socialiste a reculé sur son progressisme envers la communauté trans et intersexe. "La question de la liberté et du genre sont cardinales. Ce qui relie les LGBT, c’est cette même assignation à un rôle dans le patriarcat, la même origine des oppressions des normes. Venir réclamer l’état civil libre et gratuit, c’est dire que mon genre m’appartient, quoi qu’en disent certains", explique Thomas Linard, responsable des questions Familles à l’Inter-LGBT et responsable de la commission LGBT au Parti de gauche.

La gauche indisponible ?

Car la critique est plus profonde. Au-delà des gages donnés à la frange conservatrice, le parti socialiste violenterait les minorités avec sa politique économique et sociale et ses choix "austéritaires". Pour Patrick Comoy, membre du collectif pro-égalité "Oui Oui Oui !", c’est un raisonnement large sur la rigueur budgétaire qui doit être interrogé. "Comment au-delà des papiers pour les trans, financer la santé, la prévention, l’insertion professionnelle pour les trans migrants ? Dans ce contexte, impossible de proposer une approche globale des besoins spécifiques des trans et intersexes", déplore le militant, également adhérant du Parti de gauche. Car l’urgence est bien là, devant la vulnérabilité aux violences transphobes, à la stigmatisation et au VIH pour les personnes qui exercent le travail du sexe. "Il faut plus que des promesses : des actes".

La veille de la marche, le site LGBT yagg.com révélait l’ébauche d’une nouvelle proposition de loi socialiste (des députés Erwan Binet, Michèle Delaunay et Pascale Crozon) pour un changement facilité de la mention du sexe sur l’état civil. Mais celle-ci est loin de répondre à la demande d’un changement déjudiciarisé et démédicalisé du collectif Existrans. Pour Thomas Linard, il y a "une incompréhension des réalités et des enjeux idéologiques". Pour cet homme de droit, l’argument juridique de l’indisponibilité de l’état des personnes, avancé pour refuser un texte plus ambitieux, n’est pas valable. "On a interrogé des juristes conservateurs, alors que beaucoup de dispositifs montrent que cela ne tient pas. L’état civil est déjà disponible de manière encadré. Dire que l’on ne pourra pas l’appliquer de la sorte pour les personnes trans est faux", conclut-t-il.