Loi Prostitution : le délit de racolage réintroduit par la commission du Sénat

Publié par jfl-seronet le 29.03.2015
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Mauvais signe. Le délit de racolage, censé être abrogé dans la proposition de loi socialiste sur la prostitution examinée au Sénat à partir du 31 mars, a été réintroduit par un amendement adopté en commission spéciale. C’est ce qu’a indiqué à l’AFP la sénatrice socialiste Michèle Meunier, rapporteur de la dite commission.

Cette proposition de loi, adoptée en décembre 2013 par les députés, prévoyait notamment l'abrogation du délit de racolage, un délit institué en 2003 par Nicolas Sarkozy dans la loi LSI (Loi de sécurité intérieur) lorsque l’ancien président était alors ministre de l’Intérieur. La proposition PS comporte aussi la pénalisation des clients des travailleurs et travailleuses du sexe par une amende de 1 500 euros. Le sénateur UMP Jean-Pierre Vial, qui a repris la présidence de la commission après la récente démission du socialiste Jean-Pierre Godefroy, a déposé cet amendement de réintroduction du délit de racolage passif. Cet amendement a été adopté le 25 mars en commission par une majorité de sénateurs UMP, a précisé Michèle Meunier à l'AFP. Comme le rappelle l’agence de presse, lors des débats à l'Assemblée, les députés UMP s'étaient déjà montrés largement hostiles à l'abrogation de ce délit. Le délit de racolage est dénoncé par les associations qui viennent en aide aux travailleuses du sexe. Elles jugent qu'il a contribué à les précariser davantage, en les poussant vers la clandestinité. "Je suis navrée que le délit de racolage réapparaisse, c'est un peu désespérant alors que le texte visait à considérer la personne prostituée comme une victime et non comme une coupable", a déclaré Michèle Meunier. Cette dernière a, de son côté, déposé un nouvel amendement en commission pour réintroduire la pénalisation des clients, comme plusieurs autres sénateurs socialistes, mais ils ont été rejetés (25 mars) par les élus UMP. La pénalisation sera de nouveau en discussion lundi et mardi en séance plénière au Sénat, où le vote devrait être plus dans une logique "bloc contre bloc", contrairement à ce qui s'était passé à l'Assemblée, où le texte avait été adopté de manière transpartisane. On a donc pour le moment un texte avec deux points de blocage majeur : le délit de racolage (la droite est pour et la gauche veut son abrogation) et la pénalisation des clients (la gauche la veut coûte que coûte et la droite s’y oppose pour contrer la gauche).

Des travailleuses du sexe dénoncent la pénalisation

Des travailleuses du sexe ont alerté, le 25 mars, les sénateurs, dans un message vidéo envoyé par Médecins du Monde, des conséquences négatives qu'impliquerait pour elles une pénalisation des clients si elle était adoptée dans la proposition de loi qui sera examinée au Sénat. Dans un "webdoc" intitulé : "Pénaliser nuit gravement à la santé", quatre travailleuses du sexe interrogées par Médecins du Monde donnent leurs arguments. "Je pense que ce n'est pas une bonne loi. Ce sera difficile pour les filles. Elles iront loin pour suivre les clients" et "Médecins du Monde ne pourra plus les voir pour les aider", explique ainsi Charlotte, 33 ans. Autre inquiétude, "les Madames (les femmes proxénètes des réseaux nigérians) garderont les filles à la maison où elles feront venir les clients".  "Ce sera plus dangereux pour celles qui travaillent dans la rue", ajoute Flora, 35 ans. "Elles se prostituent pour vivre. Si elles arrêtent, elles n'ont pas d'autres solutions pour gagner de l'argent", explique-elle. "Les proxénètes les conduiront dans des endroits qu'on ne connaît pas". "Les filles n'auront pas le temps de discuter avec le client de l'utilisation du préservatif", poursuit Glory, 27 ans. "Elles vont travailler en cachette", ajoute Sonia, 25 ans. Ce "webdoc", "c'est l'occasion de laisser un espace de parole aux personnes directement concernées", explique Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde, cité par l’AFP. "Ces femmes expliquent pourquoi, dans la vraie vie, ça va compliquer leur existence". Alors que la loi n'est pas encore adoptée, "on a déjà vu sur le terrain des effets délétères. Des stratégies de contournement sont déjà mises en place par les prostituées et les clients : ils passent par des intermédiaires, la négociation va plus vite, ils se retrouvent dans des lieux reculés", explique Jean-François Corty. Il rappelle que son organisation n’est "pas pour la prostitution",  mais que MDM résonne d’un  point de vue de santé. Jean-François Corty dénonce une "mesure couperet", d'une loi qui "met plus en avant la problématique des inégalités hommes-femme, que les problèmes de pauvreté ou de migration". 
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