Mariage pour tous : courage, cédons !

Publié par jfl-seronet le 22.11.2012
1 933 lectures
Notez l'article : 
0
 
mariage pour tous
On ne sait pas trop ce qui a pu lui passer par la tête, mais François Hollande a surpris son monde, déçu des fidèles et heurté un grand nombre de personnes par quelques propos tenus sur le mariage pour tous lors du congrès de l'Association des maires de France (20 novembre). Sa sortie, une vraie faute politique, dans le contexte actuel suscite de très vives réactions et fait le jeu des opposants à une de ses promesses de campagne.
Mariage_0.jpg

Le changement, c’est navrant !
François Hollande a assuré (20 novembre) que les maires pourront faire valoir leur "liberté de conscience" dans le cadre de l'application de la future loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce principe pourrait être appliqué, par exemple, en accordant le droit de procéder à la cérémonie à l'ensemble des conseillers municipaux, et non plus seulement aux maires et ses adjoints, selon l'Elysée. "Les maires sont les représentants de l'Etat, ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer", a déclaré le chef de l'Etat lors du congrès des maires de France. "Mais (...) des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies, et il y a toujours la liberté de conscience", a-t-il expliqué dans une sortie qui a cueilli une partie de son entourage, des ministres et des députés. Ce message dit le contraire de ce que le gouvernement tente de faire passer depuis de semaines pour s’opposer à la fronde d’élus locaux. D’un côté, le gouvernement exige que les maires appliquent la loi sans états d’âme. De l’autre, François Hollande, décidément un des pires soutiens à une des mesures qu’il défendait durant sa campagne, explique que l’égalité des droits est assujettie à la liberté de conscience. En gros, c’est optionnel selon sa conscience… Comprendre que ne pas trouver que les LGBT méritent l’égalité, c’est possible et respectable. Sur l'application de cette clause de conscience, "nous trouverons des modalités juridiques pour faire appliquer ce principe", a expliqué, un peu plus tard, l’Elysée à l’AFP. L'idée de célébrer la cérémonie ailleurs que dans la mairie devrait aussi être discutée, a souligné une autre source dans l'entourage du chef de l'Etat, qui précise que la garde des Sceaux Christiane Taubira sera chargée d'engager des discussions à ce sujet avec l'Association des maires de France (AMF). De son côté, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a tenté, très maladroitement, de relativiser (20 novembre) la reconnaissance de "la liberté de conscience" par François Hollande, estimant que les édiles, qui "ne font pas tous les mariages" actuellement", continueront à faire "comme d'habitude".
 
Ça rame au gouvernement et au PS
La sortie de François Hollande a suscité de telles réactions de colère qu’il a fallu allumer, très vite, des contrefeux. Mercredi 21 novembre, on a donc eu droit à un communiqué de presse du ministère de la Justice. "Le Président a réaffirmé que le mariage doit être célébré dans toutes les communes de la République. L’Etat est garant du respect de l’égalité des droits sur tout le territoire, croit utile de nous rassurer Christiane Taubira. Le droit au mariage dans la commune du domicile ou de la résidence de l’un des époux, inchangé depuis 1804, ne connaîtra aucune dérogation. Les maires et les adjoints célèbrent les mariages au nom de l’Etat, en tant qu’officiers d’état civil (…). Le Président a rappelé qu’ils peuvent en déléguer l’exercice, comme le droit le permet, à d’autres membres du conseil municipal. En tout état de cause, la célébration des mariages sera assurée dans chaque commune de France au nom de l’égalité des droits. Et l’Etat en sera le garant scrupuleux, conformément aux textes en vigueur". Premier secrétaire du PS, Harlem Désir doit aussi y aller de son explication de texte. Bien entendu, il n’y voit "aucun recul" (il doit être l’un des rares en France). "Le président de la République a rappelé (…) que le droit au mariage pour tous serait garanti partout, dans toutes les communes. Il a rappelé simplement que les maires ont la possibilité de déléguer, comme ils le font déjà, à leurs adjoints ou d'autres membres du conseil municipal, la célébration d'un mariage".
 
Saintes paroles ministérielles
Partie pas très facile non plus pour la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, qui a assuré (21 novembre) de la "détermination pleine et entière" de François Hollande à mener la réforme du mariage pour tous dont le chef de l'État et le gouvernement sont "fiers". C’est vrai qu’on pouvait avoir comme un doute… depuis la sortie présidentielle. Dominique Bertinotti, ministre de la Famille, y est allée aussi de son couplet (21 novembre). C'est une "réforme nécessaire et juste, nous tiendrons cet engagement", a-t-elle déclaré à la presse à la sortie du Conseil des ministres. "Il n'y a aucune ambiguïté, aucun doute, c'est une loi qui se fera, qui sera votée et qui s'appliquera partout. Les maires ont aujourd'hui, comme la loi le prévoit, la possibilité, pour des raisons personnelles, de déléguer le mariage. Je trouve tout à fait normal que l'on puisse offrir cette possibilité de délégation. Nous tiendrons cet engagement. François Hollande a rappelé que la loi s'appliquera partout, indifféremment", a insisté Dominique Bertinotti.
 
A droite, on ouvre le champagne
Les atermoiements (la trahison ?) de François Hollande (quoi qu’en dise son équipe) sont pain béni pour les opposants à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Ils donnent le sentiment, surtout affiché deux jours après les premières grandes manifestations de rue des opposants, que le président est aussi à l’aise avec ce projet que Jospin était en phase avec le PACS. Jean-François Copé, président de l'UMP, a affirmé (20 novembre) que François Hollande, en reconnaissant la "liberté de conscience" aux maires, dont certains refusent de célébrer les mariages de personnes de même sexe, montrait qu'il était "très mal à l'aise". Le président de la République "est lui-même, maintenant il le montre, très mal à l'aise avec ce projet. Je le comprends. Il a vu des dizaines et des dizaines de milliers de Français dire leur inquiétude, leur incompréhension", a expliqué Jean-François Copé à TF1."Il n'y a absolument pas de débat (...) Il faut que François Hollande sache que c'est un projet (…) qui est en train de vraiment fracturer la cohésion de la société française".

Soutien de François Fillon, le député UMP Laurent Wauquiez explique (21 novembre) qu’avec cette déclaration François Hollande tente d’acheter "le silence des maires" en leur concédant l'objection de conscience. "Soit, comme on nous le dit, ce projet ne présente absolument aucun problème et alors il n'y a aucune justification à une liberté de conscience (….) Soit, s'il pose des problèmes si graves que l'on considère - c'est rarissime - que les maires ont droit à une liberté de conscience, alors il n'y a pas de place pour un passage en force et il faut vite se remettre autour de la table pour trouver des solutions d'apaisement", explique-t-il, cité par l’AFP.
 
Les Verts y voient une capitulation
Député-maire d’Europe Ecologie Les Verts, Noël Mamère, qui fut le premier en France à célébrer symboliquement un mariage de même sexe dans sa mairie de Bègles, qualifie de "capitulation" la reconnaissance par François Hollande d'une liberté de conscience pour les maires. C'est "un recul, une soumission, une esquive", critique le député dans une interview à "Libération" (21 novembre). "Cela signe la victoire idéologique de la droite", s’indigne le député. "Cela ressemble beaucoup à une capitulation en rase campagne", insiste-t-il, jugeant qu'"en cédant aux maires les plus ultra conservateurs, François Hollande fait preuve d'une mollesse politique inexplicable".
 
Le PG exhorte Hollande à "se reprendre"
Côté Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon a demandé (21 novembre) à François Hollande de "se reprendre", estimant qu'avec ses propos sur "la liberté de conscience" des maires pour le mariage homosexuel, "tout l'édifice républicain s'écroulerait". "Effarant ! Le président de la République, garant de l'application des lois et de leur respect, vient de se prononcer pour la liberté de conscience des maires qui sont contre l'égalité des droits au mariage. C'est tout l'édifice républicain qui s'écroulerait avec une telle décision", déclarent les secrétaires nationaux du PG Pascale Le Néouannic et Jean-Charles Lallemand dans un communiqué. Pour le Parti de gauche, "il est plus que temps que François Hollande arrête de vouloir "satisfaire tout le monde" : celles et ceux qui ont voté pour lui et ceux qui sont farouchement contre l'égalité devant le droit au mariage au nom d'une idéologie profondément réactionnaire, voire homophobe".
 
Des tribunes qui frappent fort
Le Plus du Nouvel Observateur a publié, dès mardi soir, des tribunes très remontées sur la sortie de François Hollande… On conseille très vivement le coup de colère de Christian Andréo, militant de la lutte contre le sida : "Hollande et le mariage gay : bisexuel, je ne voterai plus pour ce président. Cette déclaration ne serait peut-être que ridicule ou l’énième signe d’une couardise politique érigée en marque de fabrique, si elle n’intervenait pas après les manifestations de ce week-end du 18 novembre 2012 (…) Par cette déclaration, vous, le président de la République légitimez l’homophobie. Par cette déclaration, vous, François Hollande, entérinez le fait que nous sommes, nous les LGBT, des citoyens de seconde zone". On peut aussi lire, sur le même site, celle de Gaëlle-Marie Zimmermann : "Liberté de conscience et mariage gay : l'égalité au rabais selon François Hollande" qui taille un sacré costard à "Flanby". Grosse colère aussi sous la plume de Yves Delahaie qui a publié une tribune ("Mariage gay et liberté de conscience : quand Hollande bafoue la République") qui avance que cette "déclaration sonne lourd dans le débat pour ceux qui croyaient, visiblement à tort, que le président était leur meilleur atout" pour défendre ce projet.
 
Colère noire chez les assos
De son côté, l'Inter-LGBT s'est d’abord étonnée des propos de François Hollande. "C'est une expression inattendue", a réagi auprès de l'AFP Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT. "Je ne comprends pas comment on pourrait justifier qu'une loi ne s'applique pas de la même manière partout sur le territoire de la République", a-t-il ajouté. Nicolas Gougain a demandé "que la majorité soit ferme et claire", et précisé que le 16 décembre l'Inter-LGBT appelait justement à manifester pour rappeler au gouvernement "son engagement" en faveur de "l'égalité des droits". Puis, l’Inter-LGBT a décidé de changer de braquet. Elle a annoncé mercredi 21 novembre qu'elle suspendait "toutes ses relations" avec le gouvernement, "scandalisée" par les déclarations de François Hollande sur la "liberté de conscience" des maires face au mariage gay. L'Inter-LGBT, interlocuteur du gouvernement sur les questions liées à l'homosexualité, "exige d'être reçue rapidement par le président de la République afin d'obtenir de sa part des explications sur ce qui est au mieux une maladresse, au pire une trahison" et, dans l'attente, elle "suspend toutes ses relations avec le gouvernement", selon un communiqué. "Alors que les homosexuel-les - depuis des semaines - font preuve d'une incroyable dignité devant les propos quotidiennement insultants des opposants au projet de loi sur le mariage pour tous et l'homoparentalité, le président de la République - qui est censé porter ce projet d'égalité - légitimise les propos les plus homophobes en considérant que l'on peut accepter d'un maire qu'il ne marie pas - une fois la loi adoptée - un couple de même sexe sous prétexte d'une liberté de conscience", dénonce l'Inter-LGBT dans son communiqué. "Comment une liberté de conscience basée de fait sur des convictions personnelles pourrait-elle l'emporter sur la loi, et sur le principe fondamental de notre République qu'est l'égalité appliquée à toutes et tous ?" se demande le collectif.


Pour finir…
Le tollé augmentant, augmentant, les tribunes courroucées s’amoncelant… l’Elysée a finalement décidé de bousculer son calendrier (21 novembre) et de recevoir en urgence des représentants des associations LGBT. A l’issue de cet entretien, François Hollande a finalement reculé. Il a décidé de "retirer" l'expression "liberté de conscience" qu'il avait utilisée devant les maires de France. "Il nous a dit regretté avoir repris cette expression" qui ne figurera pas "dans le projet de loi qui sera présenté", a confirmé Nicolas Gougain, le porte-parole de l'association Inter-LGBT, qui s'exprimait à l'issue d'un entretien avec le chef de l'Etat. Un peu plus tôt, le président PS de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, s'était déjà exprimé sur le sujet, expliquant que cette "clause de conscience" n'était pas prévue dans la loi. Selon le porte-parole de l'Inter-LGBT, François Hollande a affirmé sa détermination à voir aboutir le projet de loi pour le mariage pour tous. Interrogé sur la question d'ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, "François Hollande a dit que cette question serait débattue au Parlement", a ajouté Nicolas Gougain.

Commentaires

Portrait de fioredelmiosegreto

Il est dit :

[ Les maires ont aujourd'hui, comme la loi le prévoit, la possibilité, pour des raisons personnelles, de déléguer le mariage. Je trouve tout à fait normal que l'on puisse offrir cette possibilité de délégation. Nous tiendrons cet engagement. François Hollande a rappelé que la loi s'appliquera partout, indifféremment", a insisté Dominique Bertinotti ] Que nenni !!! La délégation n'est pas prévue pour des "raisons personnelles", c'est une contre-vérité juridique, pour faire bonne figure pour ce qui est et restera une bourde cette expression de clause de conscience.

Il est dit ensuite :

[ Soutien de François Fillon, le député UMP Laurent Wauquiez explique (21 novembre) qu’avec cette déclaration François Hollande tente d’acheter "le silence des maires" en leur concédant l'objection de conscience. "Soit, comme on nous le dit, ce projet ne présente absolument aucun problème et alors il n'y a aucune justification à une liberté de conscience (….) Soit, s'il pose des problèmes si graves que l'on considère - c'est rarissime - que les maires ont droit à une liberté de conscience, alors il n'y a pas de place pour un passage en force et il faut vite se remettre autour de la table pour trouver des solutions d'apaisement", explique-t-il, cité par l’AFP ]

Il a partiellement raison quand il dit que la clause de conscience est "rarissime" pour les maires puisque, loin d'être rarissime, il n'en existe à ce jour AUCUNE pour l'exercice des fonctions de maire. Ces deux déclarations démontrent qu'il est inacceptable d'accepter, au-delà de la terminologie qui pourrait être employée, l'idée même que le texte puisse prévoir un mécanisme permettant aux maires d'écarter l'application d'une loi pour des motifs strictement personnels. Au demeurant, nous en avons déjà parlé, pas plus tard qu'hier : http://www.seronet.info/billet_blog/un-president-une-couille-une-figue-5...

Je partage ce qui est dit dans l'article : "il est plus que temps que François Hollande arrête de vouloir "satisfaire tout le monde". En effet, pour gouverner, il faut parfois imposer, que ça plaise ou pas.

Portrait de frabro

Où comment faire d'une erreur de communication une vague de fond... La "clause de liberté de conscience" n'existe pas et n'existera pas. La possibilité de délégation du maire à des membres du conseil municipal a toujours existé et va continuer à exister. Le mariage pour tous une fois voté s'imposera partout comme toutes les lois de la République. En alimentant le buzz, les partisans du mariage pour tous alimentent surtout les opposants qui y puisent à pleines mains des arguments frelatés pour nous combattre. Nous n'avons aucun intérêt à entrer dans ces polémiques stériles : il est bien plus important de promouvoir la manifestation du 16 décembre, dont j'espère qu'elle démontrera que nous sommes plus nombreux à promouvoir l'égalité des droits que l'amalgame poitico-religieux-réac qui tente de s'y opposer.