Morgane Merteuil : "A aucun moment on n'a vraiment écouté les putes"

Publié par Mathieu Brancourt le 05.12.2013
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Elle s’y attendait, mais Morgane Merteuil a été sonnée par le vote de la loi sur la prostitution (4 décembre) à l’Assemblée nationale. Présente au rassemblement anti-pénalisation le même jour, l’ancienne porte-parole du STRASS (Syndicat du travail sexuel) qui est aussi travailleuse du sexe accuse le coup, mais promet de ne rien lâcher. Interview.

En tant que militante au STRASS, mais aussi en tant que travailleuse du sexe, comment réagissez-vous à ce vote ?

Morgane Merteuil : Je suis encore sous le choc. En même temps, je ressens beaucoup de colère, comme toutes les personnes rassemblées ce soir [mercredi 4 décembre, pas loin des Invalides à Paris, ndlr]. C’est une claque, mais j’essaie malgré tout de me projeter, me dire que le vote était un peu serré. Nous continuerons quoi qu’il arrive à agir jusqu’à cet été [le texte devrait passer au Sénat avant juin 2014, ndlr], pour continuer à nous faire entendre. Aujourd’hui, c’est la "loose", mais les putes ne sont pas prêtes à se faire abolir.

Comme pour le mariage pour tous, le débat a été violent. Vous avez été même personnellement visée. Comment l’avez-vous vécu ?

Je m’y attendais, car je suis engagée depuis longtemps dans le mouvement contre l’abolition de la prostitution. Je connaissais donc leur argumentaire et les associations de terrain défendant cette pénalisation. Mais je n’imaginais pas une telle violence de leur part, ni qu’elle persiste ainsi dans les plus hautes sphères de notre pays. Je pensais qu’il y aurait une différence avec les arguments communément utilisés. Au final, le niveau du débat à l’Assemblée nationale a été très bas. Il n’y avait pas d’expertise et ils ont calqué leur avis sur le "prêt à penser" du discours du Mouvement du Nid (association abolitionniste). Nous avons à faire à des gens qui n’en ont rien à foutre de nous. Il y a bien un ou deux députés qui nous ont vraiment soutenues, mais, dès le départ, le débat était faussé et fixé sur une position prohibitionniste. Soit de la part d’une droite répressive, soit par la gauche moraliste. Au final, le débat n’a fait discuter que deux courants : abolitionnistes tous les deux. A aucun moment on n'a vraiment écouté les putes.

La toile de fond, c’est la lutte entre deux formes de féminismes. Mais ne pensez-vous pas que c’est la cause des femmes dans son ensemble qui en a pris un coup ?

Le féminisme ressort perdant de cette loi. Il n’y a rien, rien du tout sur la protection de toutes les femmes dans ce texte. Rien dans ce texte ne va protéger les victimes de la traite. L’ATA [allocation temporaire d'attente, allocation versée aux demandeurs d'asile et à certaines personnes sans emploi, ndlr] a été retirée de la proposition de loi. On est purement et simplement dans un chantage aux papiers pour les migrantes, avec des titres de séjour uniquement provisoires. Je n’arrive pas à comprendre que les abolitionnistes se réjouissent à ce point de ce vote. Il n’y a rien de féministe à précariser les travailleurs et travailleuses du sexe !

La proposition n’est votée qu’à l’Assemblée nationale et on annonce le texte au Sénat que pour l’été prochain. Pensez-vous pouvoir encore faire avancer votre cause dans les mois à venir ?

Les lignes ont un peu bougé. Les prostitué-e-s contre le texte et les associations de santé comme Act-Up ou Médecins du Monde ont été citées. Le risque de clandestinisation a été évoqué, mais pas retenu. Il va donc falloir continuer à faire passer nos messages, nos idées. Il est primordial de faire réaliser que la répression n’est pas la solution. Ce que je retiens, c’est que beaucoup de gens ont exposé leur vision de la prostitution. Mais la question n’est pas de savoir si les gens sont pour ou contre. Car, au final, on a très peu entendu les putes ou des personnes portant leurs revendications. Les 343 "connards" ou le chanteur Antoine n’ont pas défendu notre cause, mais des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt.

Commentaires

Portrait de frederic16

Pour la prostitution OUI (chambre,douche,lavabo,preservatif) comme avant ,maison close(bar,danse,musique,billard,etc...) et le patron gere comme pour du tabac(sauf que la tu paye pour un temps) et toute prostitution déclaratif(feuille de salaire).Les proxénètes NON poubelle.Des branleurs qui profite de l argent facile.AMITIE  

                                         LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE     

         Comme pour le mariage pour tous.

               

Portrait de Masinisa

De par le monde, les maisons closes - gérées soit par l'état soit par des patron.ne.s propriétaires de l'établissement -, sont toujours excluantes pour les travailleuses et les travailleurs du sexe malades, sans-papièr.e.s, usagèr.e.s de drogue, non correspondant.e.s aux normes de beautécratie, trans', etc. donc NON-MERCI

Si les TDS se battent contre le cheptel legislatif repressif qui les assènent, ce n'est certainement pas pour se voir enfermées dans des "maisons closes", lupanars, et autres bordels, sous le joug d'un patron-proxénète mais pour des espaces autogérées par et pour (et seulement pour) les TDS.

Et puis "l'argent facile", c'est généralement une expression employée par les pires putophobes...

Portrait de frederic16

Argent facile pour les proxenetes ET NON pour les Prostituées(s),et puis je ne suis pas pour la prostitution dans la rue moi(racolage,etc....).Prostitution soumi a l impot (feuille de salaire).Respect de tous.AMITIE  

                                                               liberte-égalité- fraternité     

                                                               

                           

Portrait de Masinisa

Si tu es contre "la prostitution dans la rue" et le racolage, tu es par extension contre les travailleuses et travailleurs du sexe exerçant dans la rue. Donc ton "respect de tous", et ta liberté égalité machin, c'est pour tout le monde sauf pour nou.e.s travailleuses et travailleurs du sexe de rue ?

En sachant que si nou.e.s travaillons dans la rue c'est - comme je l'ai dit plus haut - parce que nou.e.s cummulons plus d'opressions que les TDS du net.

D'ailleurs, en général les genTEs qui sont contre la prostitution de rue sont celles et ceux qui ont un GROS problème avec les étrangèr.e.s, les trans', les homos, les personnes qui ne correspondent pas aux normes de beautécratie, les malades, et les usagèr.e.s de drogues. Donc je ne voit pas de quoi en être fier.e :-(

Portrait de frederic16

La rue n est pas un bordel ou endroit pour travailler, pour la prostitution('maison close mieux,pour l hygiene et autre..Mon avis.AMITIE