Ouganda : le Parlement adopte une loi controversée sur le sida

Publié par jfl-seronet le 30.05.2014
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Droit et socialcriminalisation du vih

Le Parlement ougandais a adopté (13 mai), malgré l'opposition de plusieurs organisations non gouvernementales, une loi controversée sur le VIH/sida qui, notamment criminalise la transmission intentionnelle du virus. Elle autorise la divulgation du statut sérologique d'une personne et prévoit des tests obligatoires.

La loi n'entrera en vigueur qu'une fois promulguée par le président Yoweri Museveni. Comme le rappelle l’AFP, des législations ou les tribunaux de nombreux pays à travers le monde punissent déjà la transmission intentionnelle du VIH et rendent obligatoire les tests dans certains cas. Une nouvelle loi ougandaise sur "la prévention et le contrôle du VIH/sida" rend désormais passible de dix ans de prison la transmission intentionnelle du virus, mais prévoit aussi l'autorisation pour un médecin de divulguer le statut sérologique d’une personne à des tiers. Elle impose des tests obligatoires aux femmes enceintes, à leur partenaire, mais aussi aux victimes de violences sexuelles et aux personnes arrêtées pour des faits relatifs aux stupéfiants ou à la prostitution, ou encore des infractions à caractère sexuel, parmi lesquelles figurent en Ouganda les relations homosexuelles. Le pays a récemment durci sa législation contre l'homosexualité. Le but de cette loi sur le sida est officiellement d'enrayer la propagation de la maladie en Ouganda, ancien bon élève qui fut souvent cité en exemple en Afrique, mais où l'épidémie connaît un regain, le taux de prévalence, en baisse depuis les années 1990 étant reparti à la hausse.

Les ONG s’opposent

Des organisations non gouvernementales et des acteurs de lutte contre le sida ont, bien entendu, estimé que la législation risquait de remettre en cause leurs efforts dans la prévention de la maladie, affirmant notamment qu'elle allait dissuader les gens de se faire tester volontairement, afin de pouvoir arguer de leur ignorance de leur séropositivité en cas de transmission. ONG et militants de la lutte contre le sida s'inquiètent aussi d'une disposition obligeant quiconque se sait porteur du virus à en informer son partenaire, craignant ses répercussions sur les femmes, qui pourraient "être victimes de violence domestique et accusées "d'avoir rapporté le VIH à la maison", selon Asia Russell de Health Gap, une organisation de la lutte contre le sida en Ouganda. De son côté, Human Rights Watch estime que plusieurs articles de la loi sont contraires aux traités internationaux conclus par l'Ouganda et violent les droits humains. Rappelons qu’en 2007, le pays avait déjà envisagé de légiférer sur le VIH/sida. Une personne séropositive qui infectait volontairement une personne mineure par le VIH via des relations sexuelles était passible de la peine capitale ! "La loi va faire peur aux femmes et aux hommes, parce qu’un grand nombre de personnes n’iront pas se faire tester", explique Margaret Happy du National Forum of People Living With HIV AIDS Networks, réseau national de personnes vivant avec le VIH/sida. Et se faire tester, c’est un début pour avoir accès aux traitements et services de prévention, ajoute-t-elle. Lors d’une interview télévisée, le député Peter Aleper, un des initiateurs du projet, a déclaré que ceux qui transmettent sciemment le VIH/sida sont "très dangereux". Mais des travailleurs de la santé et organisations de la société civile critiquent vivement la mesure, faisant valoir qu’elle va stigmatiser d’autant plus les personnes vivant avec le VIH, et dissuader les gens de se faire tester volontairement. On s’inquiète également des répercussions sociales sur les femmes porteuses du virus. L'Ouganda a longtemps été félicité pour ses efforts couronnés de succès dans la lutte contre le sida, notamment en faveur de l'utilisation du préservatif. De 18 % en 1992, le taux de prévalence avait chuté à 6,4 % en 2005 avant de repartir à la hausse pour s'établir à 7,3 % en 2011, selon les chiffres officiels.

Le VIH en Ouganda
L’OMS et l’ONUSIDA estiment à 1,4 million le nombre de personnes infectées par le VIH/sida en Ouganda. Le taux de prévalence chez les adultes a été estimé en 2011 à 7,3 %, soit une augmentation de près de 1 % depuis 2009. Longtemps considéré comme l’un des pays les plus avancés dans la prise en charge des malades du sida, l’Ouganda est aujourd’hui l’un des rares pays africains où la prévalence augmente. Les nouvelles infections sont causées à 76 % par des rapports sexuels non protégés et à 22 % par la transmission de la mère à l’enfant. Environ un tiers des femmes et plus de la moitié des hommes ne connaissent toujours pas leur statut sérologique VIH, explique Médecins sans Frontières. Les nouveaux critères internationaux d’inclusion recommandent que les personnes avec un taux de CD4 inférieur à 350 par millilitre de sang reçoivent un traitement à base d’antirétroviraux. Sur environ 500 000 Ougandais théoriquement éligibles à ce type de prise en charge, près de 70 % y ont aujourd’hui accès. Depuis 2005, le gouvernement ougandais a développé un réseau de centres de santé pour accroître l’accès aux traitements pour les malades. La couverture géographique demeure cependant imparfaite avec de nombreuses zones peu ou pas couvertes, note l’ONG française.