Paris fait sa "Déclaration"… communautaire

Publié par jfl-seronet le 24.07.2017
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ConférencesIAS 2017Déclaration communautaire

Il est des conférences internationales sur le sida qui frappent les esprits et marquent un tournant dans le combat contre le VIH. C’est parfois une annonce scientifique (l’arrivée des trithérapies en 1996) ou un cap franchi sur le terrain militant. Ce fut le cas à Denver en 1983, puis en 1994 avec le principe Gipa. Cette année, à l’occasion de la "HIV science conférence" qui se tient à Paris du 23 au 26 juillet, la société civile a pour ambition de marquer un de ses tournants. Depuis plusieurs mois, des activistes du monde entier travaillent à la "Déclaration communautaire de Paris" qui sera lancée le 23 juillet.

"Rien pour nous, sans nous !" ("Nothing for us, without us !"). La formule, pierre angulaire de l’activisme mondial de la lute contre le sida, est un des héritages de la conférence de Denver en 1983. Une formule si déterminante pour les personnes vivant avec le VIH qu’elle a inspiré les principes de Gipa (participation accrue des personnes vivant avec le VIH dans la réponse au sida) adoptés à Paris en 1994 par 42 pays. Paris déjà ! Ce rappel historique et militant n’a pas échappé à plusieurs associations françaises de lutte contre le sida comme le Comité des familles, Basiliade, Acceptess-T qui ont eu l’idée de dépoussiérer les principes de Denver et d’aller plus loin en proposant une version 2.0. D’autres associations ont été sollicitées dont AIDES, Sidaction, Arcat. Et le travail a été lancé fin 2016, puis plus activement dès février 2017. Les associations avaient pour objectif de marquer un tournant dans l’engagement militant. "Il y avait la volonté de travailler internationalement et de s’appuyer sur une méthode scientifique pour la production de cette "Déclaration communautaire de Paris", explique Nathan Boumendil, chargé de mission plaidoyer et mobilisation citoyenne à AIDES, et en charge de la coordination technique de la Déclaration avec Sidaction. "Nous nous sommes appuyés sur la méthode Delphi, un outil qui permet d’arriver à un consensus entre beaucoup de participants. On procède par une alternance de questionnaires, notations de propositions et commentaires successifs. Au final, on arrive à des décisions partagées entre tous les acteurs et validées en commun", explique Nathan Boumendil.

Séropositif-ve-s et personnes exposées : tou-te-s ensemble !

A la différence des principes de Denver, ceux de la "Déclaration communautaire de Paris" ne concernent pas uniquement les personnes vivant avec le VIH ; ils concernent ce que les experts appellent les populations clefs, c’est-à-dire les personnes les plus exposées au risque d’infection par le VIH : les travailleuses et travailleurs du sexe, les personnes consommatrices de drogues, les personnes trans, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les personnes migrantes, etc. Mais la prise en compte des populations clefs n’est pas l’unique raison de ce changement. "Il fallait aussi tenir compte de l’énorme changement qu’a constitué l’arrivée puis la reconnaissance du Tasp (le traitement comme prévention), puis celle la PrEP (prophylaxie pré-exposition", précise Nathan Boumendil. A époque nouvelle, nouveaux principes d’action.

Les personnes concernées associées à toutes les étapes

"L’ambition de la "Déclaration communautaire de Paris" est d’expliquer qu’au moment où se développent de nouveaux projets de recherche, de nouveaux programmes, de nouvelles stratégies, des parcours de soins adaptés, il est impératif de tenir compte des spécificités des différentes communautés les plus exposées. Et comment le faire mieux qu’en associant des représentant-e-s des dites communautés à ce travail à toutes étapes", explique-t-il.

La Déclaration communautaire de Paris" est découpée en sept parties, chacune d’elle décline sept à huit demandes précises. Des demandes qui s’adressent aux organisations internationales (Onusida, Organisation mondiale de la santé, etc.), aux politiques et gouvernements, à la communauté scientifique, à la communauté médicale, aux compagnies pharmaceutiques, aux bailleurs de fonds publics et privés, aux communautés de personnes exposées elles-mêmes. Les demandes s’adressent parfois à plusieurs de ces groupes, dans certains cas, elles ne concernent qu’un groupe d’acteurs.

La "Déclaration communautaire de Paris" sera lancée le 23 juillet à l’ouverture de la Conférence "HIV Science", le lendemain de la tenue d’un symposium qui réunira les structures et personnalités qui ont conçu cette "Déclaration". Au programme de cet événement : la mise en pratique de la "Déclaration". "C’est évidemment l’enjeu, explique Nathan Boumendil. Nous appellerons à l’occasion de la conférence de Paris structures et personnalités à s’engager à nos côtés, à mettre en œuvre nos demandes. De ce point de vue, la grande conférence internationale sur le sida à Amsterdam en 2018 permettra de faire, à un an, un premier bilan".

Les structures et réseaux de lutte contre le sida qui souhaitent être signataires de la "Déclaration communautaire de Paris" peuvent prendre contact avec Nathan Boumendil (nboumendil "@" aides.org).

Les principes de Denver (1983) et l’intégration du Gipa (1994)
Lors d’une conférence scientifique à Denver (Colorado), le discours médical et scientifique dépersonnalise tellement les malades que des personnes vivant avec le VIH, présentes, décident, en réaction, et en marge de la conférence, de rédiger une Déclaration fondatrice de la Coalition des personnes atteintes du sida. Ce texte fondateur fera date. Cette déclaration pose, en une dizaine de principes s’adressant aux médecins, aux personnes atteintes par le VIH et à l’ensemble de la population, les bases du militantisme de la lutte contre le VIH/sida. Et cela pour des décennies. Ces principes constituent la base même de Gipa (Greater involvment of people living with HIV and aids). Ce n’est ni un projet, ni un programme, mais un principe qui vise à garantir aux personnes vivant avec le VIH l’exercice de leurs droits et de leurs responsabilités, y compris leur droit à l’autodétermination et à la participation aux processus de prise de décisions qui affectent leur propre vie, comme l’explique l’Onusida. Le principe Gipa a été formalisé lors du Sommet de Paris sur le sida en 1994. En 2001, 189 États membres des Nations Unies avaient intégré le principe Gipa dans leurs politiques de santé publique concernant le VIH.