Phill Wilson : "Nous pouvons être plus forts que le sida !"

Publié par Rédacteur-seronet le 24.07.2012
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Président du Black AIDS Institute, un organisme centré exclusivement sur l'épidémie chez les Afro-américains, Phill Wilson a fait une intervention remarquée lundi 23 juillet à la Conférence de Washington. Olivier Jablonski (AIDES) y a assisté. Il raconte.

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Outre la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton qui a fait un tabac lors de la plénière du lundi 23 juillet, Phill Wilson réalise une intervention très remarquée, spécialement destinée au public américain. Comme chacun des intervenants de la conférence, il salue  tout d'abord la levée de l'interdiction d'entrée sur le territoire américain pour les séropositifs étrangers ; une décision de l’administration Obama qui a mis fin à une vingtaine d’années d’interdiction. Applaudissements généralisés comme on s'y attend désormais, à chaque fois que la question est évoquée. Rapidement, Phill Wilson enchaine.

"Je ne suis pas une femme, un transgenre, un native (indien américain), je ne parle pas espagnol..." Non Phill Wilson est juste gay, noir et séropositif ; c'est déjà pas mal, mais il rappelle qu'il faut prendre en compte la diversité des personnes touchées par le VIH/sida aux Etats-Unis pour pouvoir agir efficacement contre l’épidémie. N’oublier personne. Phill Wilson dirige le Black AIDS Institute. Il y a 300 millions d'habitants aux Etats-Unis dont 14 millions ne parlent pas l’anglais comme première langue. "Beaucoup de nos concitoyens vivent dans des conditions inacceptables, beaucoup de personnes vivant avec le VIH sont stigmatisées, nous avons échoué face à de nombreux défis", dénonce l’activiste américain.

Phill Wilson égrène alors une litanie de chiffres effrayants, résultant du laisser-faire des institutions américaines. L'épidémie américaine de VIH/sida est concentrée sur certains groupes : homosexuels, Noirs américains, injecteurs de drogues, sex workers. Dans certaines villes, la situation est catastrophique et notamment à Washington, capitale du pays et ville qui accueille la conférence. A Washington, 60 % de la population est noire. La capitale compte à elle seule, pour 3 % des nouvelles infections aux Etats-Unis. Ici l'épidémie est généralisée chez les homosexuels et hommes ayant des rapports avec d’autres hommes. Un jeune Noir sur deux ayant des pratiques homosexuelles est séropositif. 50 % le sont à l'âge de 35 ans et 60 % à 40 ans.
 
Il y a aussi la situation des migrants que Phill Wilson évoque par deux exemples tout autant dramatiques l'un que l'autre. Tout d’abord, celui de Georges, un Latino sans papier, décédé des complications du sida, car sans accès aux soins à Washington. Puis, celui de Lawrence, déjà séropositif à 17 ans. Son père, une fois qu'il a su, s'est enfermé dans la salle de bain. Lawrence trouve un job, mais pas assez d'argent pour se payer une assurance santé. Et Phill Wilson de se mettre en colère : "Qu'est ce que c'est que cette vie d'avoir à choisir entre les besoins quotidiens et celui de devoir payer pour accéder aux soins ? Autre problème dramatique aux Etats-Unis, le fait que de toutes les personnes séropositives, seules 28 % ont une charge virale indétectable. Ainsi avec un système de santé déficient, coûteux et peu performant, l'épidémie en profite pour se répandre. Il est pourtant tout à fait possible de mieux faire" et Phill Wilson de féliciter Obama pour la loi interdisant aux assurances santé de refuser l'adhésion des personnes ayant une maladie.
 
Mais pour arriver à améliorer la situation aux Etats-Unis, plusieurs conditions s'imposent selon le militant. Tout d'abord, les militants doivent être sur le front. Ils doivent s'assurer de la disponibilité du dépistage, des assurances santé, de l'accès aux médicaments avec comme objectif : la charge virale indétectable. Deuxièmement, chaque séropositif doit pouvoir faire son coming out sérologique, c'est-à-dire avoir la possibilité d'évoquer librement son statut sérologique et pouvoir vivre une vie en pleine santé tout en étant séropositif. "Ma famille est présente dans la salle, ma mère, mon père, mon frère", précise Phill Wilson. "Je suis en vie à ce jour, car j'ai le soutien de ma famille et des mes amis. Mais ils ne pourraient pas me soutenir, si je leur dénie une chance de le faire". Et c'est l'un des problèmes importants aux Etats-Unis où beaucoup de gens, chez les Noirs américains, doivent cacher leur statut, surtout s'ils sont homosexuels. Phill Wilson ajoute : "Je ne suis pas naïf. Je sais qu'il peut être dangereux de faire son coming out sérologique. Donc il faut qu'on fasse des efforts : l'accès à la santé doit être garanti. Dans notre pays seulement un séropo sur quatre reçoit des soins que son état de santé nécessite. Il faut changer les représentations qu'ont les gens vis-à-vis du VIH. Par exemple, beaucoup croient encore qu'il faut prendre un tas de pilules chaque jour, que le VIH, c'est la peine de mort assurée. Nous avons donc besoin d'une armée de pairs éducateurs [des personnes chargées de convaincre les personnes dans leur communauté, ndrl] pour changer tout cela".

Enfin dernier point évoqué par Phill Wilson, celui de la bio-médicalisation de la prévention. "Les nouvelles stratégies de prévention sont les outils les plus puissants qu'on ait jamais eus, mais pour qu'ils fonctionnent, ces outils doivent être connectés avec les personnes. Et il faut que les organisations de lutte contre le sida se réorganisent et se ré-outillent. Les organisations doivent connecter prévention, traitement et plaidoyer". Et il conclut : "C'est le moment, où ensemble, nous pouvons être plus forts que le sida".

Applaudissements nourris dans la salle.

 
Le Black AIDS Institute
Créé en mai 1999, le Black AIDS Institute est une importante organisation non gouvernementale de lutte contre le VIH/sida aux Etats-Unis. Son activité est exclusivement centrée sur les enjeux de la lute contre le sida dans la communauté afro-américaine. L’institut a pour principal objectif d’arrêter l’épidémie dans les communautés afro-américaines en engageant et en mobilisant les institutions et les personnes noires dans les efforts pour lutter contre le VIH. L'Institut organise des formations, offre une assistance technique, diffuse de l'information, travaille à la mobilisation des Afro-américains vivant avec le VIH et conduit de nombreuses actions de plaidoyer. La devise du Black AIDS Institute est : "Nos gens, notre problème, notre solution"