Pierre Bergé est mort, un militant de la lutte contre le sida

Publié par jfl-seronet le 08.09.2017
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PolitiquePierre Bergé

On pourrait croire que Pierre Bergé a vécu plusieurs vies tant il a multiplié les combats, les engagements politiques, les affaires, les passions. Personnalité complexe, changeante et déterminée, il a ces trente dernières années manifesté un engagement constant dans la lutte contre le sida. Rappel et hommages.

Il n’a pas tort Jack Lang dans l’hommage, résolument lyrique, qu’il rend à son ami Pierre Bergé, décédé le 8 septembre à 86 ans. "Pierre Bergé était engagé sur toutes sortes de fronts, des combats pour la culture, pour la liberté….", écrit-il. La vie de Pierre Bergé a effectivement été marquée par de nombreux engagements. Si du côté politique, l’engagement s’est fait à l’égard de personnalités assez variées : Mitterrand, Chirac (qu’il a préféré à Lionel Jospin), Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Emmanuel Macron. Il est au moins un domaine où l’engagement a été aussi déterminé que constant : celui de la lutte contre le sida. L’homme d’affaires s’est engagé dans les années 80, en parallèle d’un engagement sur les droits LGBT. Il a été président d’Arcat Sida (Association de recherche, de communication et d'action pour l'accès aux traitements), une des associations historiques françaises de lutte contre le sida. En 1994, Pierre Bergé et Line Renaud lancent Ensemble contre le sida. L’association devient Sidaction, créée avec d’autres personnalités comme Arnaud-Marty Lavauzelle, le président de AIDES. En 1996, Pierre Bergé devient président de Sidaction, parce qu’il jouit d'une grande notoriété depuis des années dans le monde de la mode et des arts, parce que c’est un homme d’influence et de pouvoir, parce qu’il pense qu’il est le meilleur pour faire réussir cette structure qui ambitionne d’être un des premiers acteurs de la lutte contre le sida en France. Cette  fonction, il ne la quittera plus. Line Renaud en assure la vice-présidence.

En 2009, afin "d'inscrire le combat dans la durée", il crée un fonds de dotation, qui doit reverser deux millions d'euros par an pendant cinq ans à la lutte contre le sida. La même année, la vente de la collection d'Yves Saint Laurent, décédé en 2008, rapporte environ 375 millions d'euros : une somme qui sera reversée au Sidaction. En marge des différentes éditions du Sidaction, mais pas seulement, Pierre Bergé a régulièrement pris la parole pour interpeller les pouvoirs publics à propos des mesures qu’il estimait indispensables à la réussite de la lutte contre le sida, en France, comme sur le plan international. Il est ainsi intervenu en 2013, pour demander au gouvernement la mise à disposition des préservatifs gratuits dans les collèges et les lycées ou l’instauration de vrais cours d’éducation sexuelle. Ses prises de parole ont généralement suscité l’intérêt et l’adhésion, mais ont aussi suscité des polémiques. A l’exemple de sa remise en cause du Téléthon qui n’a pas été comprise de l’opinion publique. Tout au long de sa vie, l’homme d’affaire a fait fortune, une fortune qui lui a permis de financer à titre personnel durant de nombreuses années beaucoup d’associations LGBT ou de lutte contre le sida, tout particulièrement Act Up-Paris.

Cet engagement, nombreux sont les militantes et militants, les compagnes et compagnons de route qui le saluent aujourd’hui. "Pierre était mon frère d’armes, c’est une rencontre qui a changé le cours de ma vie (…) Il y a 32 ans, l’un et l’autre, chacun de notre côté, nous nous sommes investis dans la lutte contre le sida avant d’unir nos forces en 1994. Nous avons créé Sidaction et nous ne nous sommes jamais lâchés la main depuis", a expliqué Line Renaud dans un communiqué de presse. "Faire la route sans Pierre est terriblement douloureux, mais le plus bel hommage que l’on puisse lui rendre aujourd’hui, c’est de poursuivre notre combat contre le Sida. Je suis prête, je lui en ai fait la promesse, toute l’équipe de Sidaction est prête à poursuivre, elle est très forte, solide, mobilisée comme au premier jour", a-t-elle ajouté.

Directrice générale de Sidaction, Florence Thune, a rendu hommage à son président. "Infatigable combattant de la première heure, [Pierre Bergé] a, inlassablement, toujours rappelé, martelé, que la lutte contre le sida était une lutte éminemment politique. Inflexible, il a toujours défendu la liberté de s’aimer tel que l’on est, et a défendu les droits des minorités, des personnes homosexuelles, des travailleuses du sexe, des usagers de drogue et de toutes les personnes vivant avec le VIH. Il ne cessait non plus de s’engager pour l’Afrique, parlant sans relâche des combats menés par l’association dans de nombreux pays, au Burundi notamment. Sidaction aura à cœur de mener ce combat", a-t-elle précisé.

"Pierre Bergé a été un Président présent en permanence aux côtés de l’association, non seulement à chacun de nos conseils d’administration, mais au quotidien pour discuter de nos orientations de nos choix. Il était là pour nous pousser dans nos retranchements, pour nous encourager, et surtout pour nous inspirer (…) Avec lui, et sous son impulsion, Sidaction a mené, mène et mènera encore un combat contre le sida, mais aussi, comme il le revendiquait à chaque prise de parole, un combat pour les droits des personnes les plus exclues, les plus stigmatisées. Un combat en France et au-delà de nos frontières pour lutter contre les discriminations, pour que chacun ait le droit de vivre sa vie, libre et digne. Parce qu’il avait compris que sans cela, le VIH ne sera jamais vaincu", indique le communiqué de Sidaction. Le chanteur Pascal Obispo, lui-même très impliqué dans Sidaction, a évoqué "un guide". "Il faudra continuer le combat, pour lui, pour nous, pour nos enfants", a-t-il écrit en publiant une photo de lui avec Pierre Bergé.

De son côté, Jean-Luc Romero, président des Elus locaux contre le sida, a évoqué "l'homme de caractère et l'immense militant contre le sida et pour l'égalité".