Putain de loi !

Publié par jfl-seronet le 13.04.2017
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Politiqueprostitutiontravail du sexe

Le 8 avril dernier, à Paris, s’est déroulée, à quinze jours du premier tour de la présidentielle, la Marche pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe et contre la pénalisation du travail sexuel. Manifestant-e-s sont venu-e-s tirer un premier bilan de la loi prostitution, après un an d’application. Seronet y était. Reportage animé par les slogans de la Marche. Ça cogne !

Ligne 2 du métro parisien, direction Pigalle. C’est sur cette place, lieu symbolique, qu’est fixé le rendez-vous pour l’édition 2017 de la Marche pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe et contre la pénalisation du travail sexuel. Il est 14h30 et la rame de métro est très fréquentée. C’est alors, qu’à la stupéfaction générale, une sirène se met à hurler de longues secondes au milieu des voyageurs… le temps pour Thierry Schaffauser, porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass), d’arrêter la sirène d’alarme qu’il a lancée par inadvertance suite à une mauvaise manipulation des mégaphones qu’il porte. "Bravo pour la discrétion", lance la voix amusée d’une jeune femme qui rejoint quelques personnes déjà réunies autour du responsable du Strass. Toutes et tous vont à la manifestation. "Désolé pour le bruit… mais, du coup, n’hésitez pas à nous rejoindre à la marche", lance une militante aux voyageurs.

"Arrêtez nos agresseurs, pas nos clients !"

A l’extérieur, quelques groupes se sont déjà constitués. Il y a les Roses d’acier, un collectif de travailleuses du sexe d’origine chinoise qui travaillent à Belleville. Les militantes d’Acceptess-T s’organisent derrière les parois vitrées d’un abribus, déployant leur banderole : "Clients pénalisés : les putes trans crèvent la dalle !" Sur le terre-plein, à quelques mètres du lieu du rendez-vous, un groupe de travailleuses du sexe d’origine africaine discute avec animation et organise une distribution de masques. Des masques, il y en a aussi du côté des Roses d’acier. Certaines jeunes femmes les ont rapidement mis, d’autant que des photographes de presse commencent déjà à mitrailler les premières manifestantes. Sur certains masques, on peut lire : "Non, non, à la pénalisation".

Une pénalisation des clients voulue par l’actuelle majorité — la loi est une proposition de député-e s socialistes — et soutenue par le gouvernement, qui est effective depuis le 13 avril 2016. Une pénalisation à laquelle s’opposent toujours un certain nombre d’associations. Une opposition qui se manifeste sur le papier… mais aussi dans la rue.

"Arrêtez les PV, pas nos clients !"

Dans la rue, Tim Leicester y est très souvent. Ce militant coordonne pour le compte de Médecin du Monde le projet Lotus bus (1). Il travaille en lien étroit avec les Roses d’acier et cela d’autant plus facilement qu’il parle chinois. "Ce n’est pas la première fois que nous manifestons pour dire notre opposition à cette loi. Nous le faisions les années passées en amont du vote de la loi. Nous tirons depuis longtemps la sonnette d’alarme pour dénoncer les risques que ce texte pouvait engendrer pour les personnes avec lesquelles nous travaillons. Malheureusement, nous faisons aujourd’hui le constat que ce que nous avions craint se produit. Depuis que la loi a été votée, il y a effectivement une baisse de la clientèle notamment pour les personnes qui travaillent dans la rue. Les promoteurs de la loi s’en félicitent sur le mode : "La loi marche puisqu’il y a moins de clients dans la rue" ; sauf que les résultats pour les travailleuses du sexe sont que les tarifs ont baissé, que le travail est devenu beaucoup plus difficile, que les conditions de vie sont dégradées. La loi a eu pour effet de transformer le rapport de force entre les travailleuses du sexe et les clients. Ces derniers sont si peu nombreux dans la rue qu’ils sont désormais les rois. Ils ont plus de pouvoir pour négocier des rapports sans préservatifs. Les travailleuses du sexe que nous rencontrons nous disent que les demandes en ce sens augmentent, notamment pour les fellations". En fait, ce qui se passe, c’est qu’il devient de plus en plus difficile pour les travailleuses du sexe de dire non à certaines pratiques quand elles n’ont pas eu assez de clients et comme les clients dans la rue sont moins nombreux, les refus sont moins fréquents.

"My body is my business !"

"La loi a clairement changé les rapports dans la rue, explique Tim Leicester. Les clients sont plus stressés et nerveux. Ils craignent les arrestations donc les relations sont plus furtives qu’avant. On discute moins. C’est plus difficile pour les travailleuses du sexe de savoir si elles ont affaire à un client bienveillant, ou à un client qui va poser problème, qui risque de ne pas vouloir payer, d’être brutal". Les violences, justement, sont-elles plus fréquentes cette dernière année ? "Avant la loi, les violences étaient le premier problème des travailleuses du sexe", note le coordinateur du Lotus Bus. "Depuis un an, nous avons enregistré une augmentation de 65 % du nombre de personnes qui viennent nous solliciter suite à des violences. Il y a une vraie augmentation des faits de violence. Les personnes que nous rencontrons font le lien direct entre la loi et la situation actuelle. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles n’ont plus le luxe de pouvoir bien choisir leurs clients".

"Arrêtez le sida, pas nos clients !"

C’est également un bilan négatif de la loi que tire Giovanna Rincon, présidente de l’association Acceptess-T (2). "C’est vraiment une catastrophe et pas avec un c minuscule !", explique la militante. "On voit de plus en plus de personnes trans qui quittent Paris pour trouver des clients dans d’autres régions, voire dans d’autres pays européens. On voit des personnes trans qui étaient très bien suivies par rapport au VIH dans les hôpitaux avec lesquels nous travaillons (3) et qui partent pour des raisons professionnelles parfois avec seulement un mois de traitement devant elles… Elles pensent souvent qu’elles vont revenir rapidement sur Paris où elles sont suivies pour un bilan, récupérer leur traitement… le problème, c’est que le retour n’est pas forcément maîtrisable. En cherchant des clients dans d’autres régions ou dans d’autres pays, la vie s’impose et le retour souvent aléatoire, en tout cas pas compatible avec un suivi régulier. Certaines filles reviennent trois ou cinq mois plus tard que prévu ; elles ont arrêté leurs traitements plusieurs mois. Certaines reviennent malades, dans certains cas, leurs droits sont interrompus. Nous nous retrouvons à gérer des situations comme si les personnes étaient primo-arrivantes alors qu’elles vivent ici depuis longtemps, qu’elles avaient des droits, qu’elles étaient suivies. On doit alors tout reprendre à zéro. C’est lourd et cela coûte à la collectivité", explique Giovanna Rincon.

La loi par son impact sur les conditions d’exercice du travail du sexe crée une "désadhésion aux soins", explique la présidente d’Acceptess-T. "Nous revoyons aujourd’hui certaines personnes au stade sida alors qu’elles étaient très bien suivies. Ce n’est pas logique aujourd’hui que les choses se passent ainsi. Pour moi, en termes de santé, cette loi est vraiment une catastrophe sanitaire. C’est dommage qu’une population [les personnes trans étrangères et travailleuses du sexe, ndlr] qui cumule autant de facteurs de fragilité soit celle qui paie le plus lourd tribut", dénonce-t-elle.

"Sexwork is work"

Les promoteurs de la loi ont souvent mis en avant que leur projet ne se limitait pas à pénaliser les clients, même si leur stratégie consiste bien à stopper la demande pour arrêter la prostitution (pas de clients, pas de prostitution). Le texte comprend donc différentes mesures pour permettre aux travailleuses et travailleurs du sexe qui le souhaitent de s’engager dans un "parcours de sortie". Il est même prévu la délivrance de titres de séjour pour les personnes étrangères en situation irrégulière : un grand nombre de travailleuses du sexe sont concernées. Si du côté de la pénalisation des clients il y a déjà des chiffres qu’en est-il de ceux du parcours de sortie. Qui a pu en bénéficier ?

"Ce volet de la loi est un peu un écran de fumée, dénonce Tim Leicester du Lotus Bus. Aujourd’hui, aucune personne n’a pu entrer dans ce dispositif. Il n’est pas encore en place. C’est très dommageable, d’autant que cette annonce, au moment des débats sur la loi, a conduit de nombreuses personnes à nous solliciter à ce propos. Evidemment, beaucoup de personnes sont intéressées à changer d’activité si on leur accorde des papiers, si on leur fournit de l’aide. Cela a généré énormément d’attente chez des travailleuses du sexe qui mettaient de l’espoir dans cette partie de la loi et qui ont l’impression d’être flouées aujourd’hui car ce fameux parcours de sortie n’existe pas. Le lendemain du vote de la loi les premiers clients étaient arrêtés… un an plus tard aucune personne n’a été accompagnée pour changer d’activité".

"Nous ne voulons ni la pitié, ni la charité !"

De fait, arrêtés et décrets ont mis du temps à sortir. C’est chose faite. "Certes les textes sont sortis, mais il y a clairement un manque de volonté au niveau départemental puisque ce dispositif de sortie doit être mis en place dans chaque département, note Tim Leicester. Et il y a un manque de moyens financiers, puisqu’il n’y a quasiment pas de budget prévu pour cela. Ce que nous disent les personnes qui travaillent, c’est que certaines veulent arrêter mais pas à n’importe quel prix. Si elles font cette activité, c’est pour avoir des revenus qui leur permettent de vivre correctement, de payer leur logement, de subvenir aux besoins de leurs familles. Elles ne peuvent pas se permettre d’arrêter du jour au lendemain si elles n’ont pas la garantie que, derrière, elles vont avoir une autre activité rémunératrice". "La question des papiers crée aussi des déboires", note le militant de MDM. "Aujourd’hui, des personnes qui sont victimes de proxénétisme, qui portent plainte dénoncent leurs proxénètes, normalement dans la loi, ces personnes ont un droit automatique à un titre de séjour sans aucune condition… mais on voit bien, avec les premiers retours que nous avons que des préfectures laissent entendre que le titre de séjour ne pourra être obtenu que si la personne arrête la prostitution… ce qui n’est pas prévu dans les textes. Et par ailleurs, de quoi la personne va-t-elle vivre ? Cela aussi crée des frustrations et de l’incompréhension".

"Arrêtez la transphobie, pas nos clients !"

"Parcours de sortie, insertion sociale… de quoi parle-t-on ?", s’agace Giovanna Rincon. "A Acceptess-T, nous sommes face à un public de personnes trans migrantes qui cumule de nombreux facteurs d’exclusion, mais qui est très socialisé grâce au travail du sexe. C’est au moment de la perte de revenus, faute de clients, que les personnes deviennent désocialisées. Un des effets de cette loi, c’est la désocialisation de certaines personnes trans par la perte de leurs revenus économiques. On nous parle d’un parcours de sortie avec aide pour un logement, régularisation des personnes, versement d’une allocation, accompagnement pour chercher un emploi ou vers une formation… mais rien de tout cela n’a lieu pour le moment. On a d’un côté une loi qui entraîne une perte de revenus et de l’autre la promesse d’une insertion sociale qui n’est pas tenue. C’est une sorte de manipulation", tacle la présidente d’Acceptess-T. "Il n’y a aucune association aujourd’hui, un an après l’entrée en vigueur de la loi, qui peut dire qu’elle a permis de régulariser une personne travailleuse du sexe, fait bénéficier une travailleuse du sexe d’un logement, d’une formation professionnelle… Socialiser, réinsérer ! Comment fait-on pour les personnes qui ont travaillé pendant 20 ou 30 ans dans le travail du sexe ? Comment imaginer, que d’un jour à l’autre, ces personnes vont être formées, reconverties professionnellement, surtout quand on connaît l’état de l’emploi chez nous ? Il y a une incohérence et, je le répète, une manipulation".

"Arrêtez l’hypocrisie, pas nos clients !"

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le travail du sexe ne compte pas beaucoup dans les programmes des candidates et candidats à la présidentielle 2017. "Ça ne me surprend pas", explique Raphaëlle, militante d’Acceptess-T. "Mais cela me déçoit parce que nous sommes-là et que nous avons un rôle fondamental dans la société". "Dès le début, cette loi a été débattue de façon inégalitaire, dénonce Giovanna Rincon. On a donné la parole aux abolitionnistes et on a fait penser que le texte ne visait qu’à lutter contre le trafic des êtres humains. Qui en paie aujourd’hui les conséquences ? Les personnes qui ne sont pas victimes de la traite ? Elles n’ont jamais eu droit à la parole pendant les débats, pendant les auditions, dans les rapports officiels. Il n’y a rien sur cela. Il y a eu une manipulation et un traitement inégalitaire. On voit aujourd’hui comment les associations abolitionnistes et les pouvoirs publics se satisfont de leur bilan… et ne s’inquiètent nullement des conséquences. Le parcours de sortie ne s’applique toujours pas… cela ne semble poser problème à personne. Je constate que les abolitionnistes ne se posent pas la question de savoir comment cela se passe dans la vie des personnes qui n’ont pas de quoi manger, plus de revenus, parce qu’elles ont perdu leurs clients. Se posent-ils la question de savoir quelle aide ils pourraient leur apporter ? La réponse, je l’ai. C’est non !"

(1) : Le Lotus bus est un projet itinérant communautaire de prévention et de soutien des travailleuses du sexe d’origine chinoise qui se déplace dans les rues parisiennes. Il existe depuis de nombreuses années. Il a été créé et est coordonné par Médecins du Monde
(2) : Acceptess-T a pour but de lutter contre l’exclusion et les discriminations de toutes natures liées à l’identité de genre, de lutter contre tous abus, toutes violences exercées contre les personnes trans et leur entourage proche. L’association travaille beaucoup sur les questions de santé, dont le VIH/sida et la santé sexuelle.
(3) : Hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt, en Ile-de-France, et Hôpital Bichat à Paris.

Des clients verbalisés
Depuis son entrée en vigueur en avril  2016, un peu plus de 937 clients de travailleuses et travailleurs du sexe ont été verbalisés par la police et la gendarmerie et certains sanctionnés d’une amende (1 500 euros) comme le prévoit la loi. C’est ce qu’a indiqué le ministère des Droits des femmes cité par "20 minutes" le 6 avril 2017. En mai 2016, dès l’application de la loi : 46 clients avaient été verbalisés ; depuis le début de l’année 2017, ils seraient une centaine chaque mois. Militante à l’association Acceptess-T, Raphaëlle confirme que la police intervient au Bois de Boulogne pratiquement tous les soirs. "C’est vrai que du côté des travailleuses du sexe, nous n’avons plus d’ennuis avec la police comme avant. Il n’y a plus d’arrestations nous concernant, mais la conséquence de ces passages de la police, c’est qu’on a plus de travail", explique-t-elle. "Les clients ont disparu. Nous n’en avons presque plus parce qu’ils ont peur de venir. Et avec ceux qui viennent, il y a plus de tensions et parfois plus de violence. Au bois de Boulogne, les agressions sont fréquentes. La présence de la police crée une situation bizarre avec les clients. Depuis un an, nous souffrons beaucoup de ce climat. Les gens ont peur de la police, les clients fuient et on a plus de travail. Certaines travaillent par Internet. D’autres partent travailler à l’étranger, se déplacent en régions car il y a de moins en moins de travail lorsqu’on bosse dans la rue", indique Raphaëlle.

Tribune : "La pénalisation des clients nuit aux travailleuses et travailleurs du sexe"
"En avril 2016, l’Assemblée nationale adoptait la proposition de loi "de lutte contre le système prostitutionnel" qui pénalise les clients. Le bilan, un an après, est loin d’être concluant. Depuis l’adoption de la loi anti-prostitution, il y a près d’un an, nos associations ne cessent de constater ses effets délétères. Précarisation, insécurité et impacts négatifs sur la santé sont désormais le lot quotidien des travailleurs et travailleuses du sexe. Le premier effet néfaste est la baisse de revenus des travailleuses et travailleurs du sexe. Les tensions sur le terrain sont plus fortes, le stress s’est accru et le rapport de force s’est inversé en faveur des clients. Le prix des passes a diminué, obligeant ainsi à travailler plus longtemps et à "faire" plus de clients. Cette précarisation est, à tort, utilisée comme une preuve du succès de la loi par ses défenseurs qui parient sur son effet dissuasif. Or, les travailleuses et travailleurs du sexe n’ont pas changé de métier du jour au lendemain. Leur nombre n’a pas diminué et la répression n’a eu aucune efficacité contre la traite et l’exploitation.
L’importante augmentation du nombre d’agressions signalées constitue l’autre effet le plus significatif. Les clients sont moins nombreux, et parmi les personnes qui fréquentent les lieux de travail sexuel, certaines tentent de profiter du désarroi général en se faisant passer pour des clients. Les travailleuses et travailleurs du sexe sont poussés à prendre plus de risques en acceptant des hommes potentiellement dangereux, se rendant dans des endroits plus isolés, à l’abri du regard policier, et dans un contexte de stress plus propice aux agressions.Enfin, concernant la santé, des témoignages fréquents de rapports sans préservatif nous sont rapportés. La pénalisation crée des phénomènes de déplacements qui font perdre aux associations le contact avec des travailleuses et travailleurs du sexe de plus en plus mobiles. Certaines personnes ne sont plus correctement suivies tandis que d’autres interrompent leurs traitements médicaux et préventifs. Le travail de prévention, les services de dépistage, d’accès aux traitements et d’accompagnement sur le long terme sont plus difficiles à mettre en œuvre.
Le monde scientifique et de la lutte contre le sida a déjà documenté les conséquences négatives sur la santé des politiques de pénalisation. L’étude la plus récente parue dans The Lancet le 24 janvier montre des disparités importantes de prévalence VIH entre pays européens selon qu’ils pénalisent ou non le travail sexuel. D’autres études évoquent la possibilité de réduire l’infection au VIH de 33 % à 46 % grâce à la décriminalisation du travail sexuel. Tandis qu’en Corée du Sud, des chercheurs ont trouvé une corrélation entre la pénalisation des clients et une augmentation des infections sexuellement transmissibles (1), en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), aucun cas de transmission VIH n’a été répertorié depuis que le travail sexuel y a été dépénalisé, en 1995.
Face à ces constats, nous interpellons les candidats à la présidentielle sur la nécessité de reconsidérer nos politiques publiques régissant le travail sexuel en s’appuyant sur les preuves scientifiques, ainsi que les recommandations de nombreuses institutions internationales et françaises sur le sujet, en respectant la santé et les droits humains des travailleurs du sexe. Nous exigeons l’arrêt de la pénalisation du travail sexuel entre adultes consentants et de ses clients. C’est pourquoi nous appelons à une manifestation le samedi 8 avril."

Tribune signée par Aurélien Beaucamp, président de AIDES ; Docteur Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde ; Jean Luc Roméro-Michel, président d’Elus Locaux contre le sida; Océane Rosemarie, humoriste et comédienne ; Brigitte Sy, réalisatrice ; Annie Lahmer, conseillère régionale Ile-de-France ; Eve Plenel, militante lutte contre le VIH ; Frédérique Menant, réalisatrice ; Isabelle Cambroukis, éditrice ; Hélène Hazéra, productrice radio sur France Culture & "ex-putain" ; Sam MH Bourcier, universitaire Lille-3; Noomi B Grusi traductrice ; Mylène Juste, secrétaire générale du STRASS ; Séverine Oriol, présidente de Grisélidis ; Sergio Coronado, député EELV; Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne ; Rokhaya Diallo, journaliste ; Fania Noël, militante afroféministe ; Ovidie, réalisatrice & ancienne actrice porno ; Mikaël Zenouda, président d'Act Up-Paris; Laure Pora, ancienne pésidente d'Act Up-Paris; Véronique Séhier et Caroline Rebhi, co-présidentes du Planning Familial; Sabine LI, présidente de Cabiria ; Richard Yung, Sénateur.

(1) : Y. Lee et Y. Jung (2009), "The Correlation Between the New Prostitution Acts and Sexually Transmitted Diseases in Korea", The Korean Journal of Policy Studies.

En octobre 2016 : AIDES alertait sur le parcours de sortie
En octobre 2016, AIDES était déjà montée au front pour dénoncer "un volet social et sanitaire (…) au rabais" de la loi Prostitution. Aurélien Beaucamp, président de AIDES, interpellait ainsi les parlementaires. "Le volet sanitaire reste inexistant. Le parcours social de "sortie de la prostitution", avec toutes ces limites, n’est pas organisé. Les travailleurs-ses du sexe sans papiers se retrouvent en rétention. Le référentiel de réduction des risques arrive tout juste en concertation. La loi prétendue globale se révèle bien être ce qui était dénoncé : une loi de prohibition purement idéologique. Mais avec le projet de loi de finances pour 2017, ce renoncement au volet social semble confirmé : le budget annoncé comme indispensable et nécessaire est amputé de moitié. Ce sont finalement 6,6 millions d’euros de crédits budgétaires qui sont prévus pour 2017 : 6,1 millions d’euros pour le "parcours de sortie de la prostitution" dont 3,8 millions pour "l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle". Si à l’instar de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), on estime à 30 000 le nombre de travailleurs-ses du sexe en France, le budget prévu pour la "sortie de la prostitution" s’élève donc à 10,6 € par mois par personne… A cela s’ajoutent 4,5 millions mobilisables parmi les fonds de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), sans que l’on sache comment ils seront attribués et par qui. Nous sommes en l’occurrence bien loin de promesses gouvernementales…"

Les promoteurs de la loi … très auto-satisfaits
Le Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE) s’est félicité de la loi et de ses premiers résultats. Un communiqué du 4 avril parle, à propos de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, d’une "dynamique et une mobilisation certaines". "Les effets de la loi sont visibles : les personnes prostituées ne sont plus poursuivies, plusieurs centaines de clients ont été pénalisés, les associations sont en cours d’agrément, le référentiel national de réduction des risques en direction des personnes prostituées a été finalisé et rendu public, les stages de responsabilisation sont en cours d’élaboration. Les premières commissions départementales en charge de l’organisation des parcours de sortie de la prostitution seront prochainement réunies", explique le HCE. "La honte a changé de camp : les coupables ne sont plus les personnes prostituées, victimes de la domination masculine et économique, mais les clients et les réseaux d’exploitation", précise encore le HCE, présidé par Danielle Bousquet, ancienne députée (2007-2012) et surtout présidente de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la prostitution en France (2011), et auteure de la proposition de loi N°4057 visantà responsabiliser les clients de la prostitution et à renforcer la protection des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.
Satisfaction aussi du côté du collectif Abolition 2012 qui regroupe 62 associations abolitionnistes qui a publié son bilan de la loi, un argumentaire d’interpellation des candidates et candidats à la présidentielle 2017 et un communiqué de presse en réaction à la manifestation du 8 avril.

Loi prostitution : des décrets et arrêtés publiés
La loi, votée il y a un an, n’est pas appliquée dans sa totalité actuellement. Certains dispositifs sont en cours d’élaboration suite à la parution (très échelonnée) de plusieurs décrets et arrêtés. Sont sortis :
● Le décret du 28 octobre 2016 "relatif au parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle et à l'agrément des associations participant à son élaboration", suivi de l’arrêté du 4 novembre 2016 "relatif à l'agrément des associations participant à l'élaboration et à la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle" et de la circulaire du 31 janvier 2017 "relative à la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle" ;
● Le décret du 28 octobre 2016 "portant diverses dispositions relatives à l'entrée, au séjour et au travail des étrangers en France" qui précise la loi du 13 avril 2016 ;
● Le décret du 12 décembre 2016 "relatif au stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes et au stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels" ;
● Le décret du 2 mars 2017 "approuvant le référentiel national de réduction des risques en direction des personnes prostituées et complétant le code de la santé publique".