Rendre les hépatites visibles dans AIDES : HEP’S vous-là !

Publié par jfl-seronet le 13.12.2013
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Les Universités des personnes vivant avec une hépatite virale, HEP’S !, se sont tenues à Anglet du 7 au 11 novembre dernier. Cet événement "hépatant" a réuni quelque 70 participants venus de toute la France, des militants, des soignants dans un même objectif : rendre les hépatites visibles et lancer une nouvelle étape de la mobilisation de AIDES dans cette lutte. La Déclaration d’Anglet en témoigne.

"D’accord… bonjour pour la discrétion !", lâche une participante depuis le bus. Après une halte à la gare de Bayonne et l’aéroport local, celui-ci a longé la corniche, contourné quelques maisons, pris trois virages, remonté le parking, pour finalement se garer devant une grande banderole AIDES que le vent fort de l’Atlantique chahute. La banderole jouxte l’entrée d’un énorme hôtel de bord de mer, splendide et massif, comme dessiné par un élève turbulent de Le Corbusier. Le sigle de AIDES se détache… on ne voit que lui devant l’immense hôtel de béton peint. Même signalétique à l’intérieur, mais difficile de faire autrement : ce sont quelque 70 participants, venus d’un peu partout en France, qui sont attendus à ces premières Universités des personnes vivant avec une hépatite, baptisées HEP’S ! - pas vraiment un acronyme, plutôt une tonique interpellation. Des panneaux AIDES, on en voit un peu partout, mais cela ne semble pas gêner en quoi que soit le groupe du troisième âge en séjour touristique dans le même hôtel. Et pourtant, la phrase lâchée naturellement dans le bus dit bien que le fait de vivre avec une maladie n’est jamais neutre, a fortiori lorsqu’il s’agit des hépatites virales. On pourra en voir la délicate traduction sur les tables du restaurant de l’hôtel : les tables réservées aux participants de HEP’S ! sont ornées de cartons avec la mention laconique : "Séminaire de AIDES".

Anglet ? Pas le fruit du hasard

Séminaire ? Pas vraiment. Pas du tout ! Non… quelque chose de moins guindé, de plus instinctif, mais à la fois très pensé et préparé depuis des mois en amont. Disons : un cadre bien bordé, élaboré à partir des besoins et des envies des participants, qui ne craint pas une certaine improvisation, ou du moins fait de l’adaptation sa règle d’or. "C’est une première en Aquitaine et même à AIDES – me semble-t-il – que sont organisées des Universités des personnes touchées par les hépatites. C’est à la suite des Etats Généraux des personnes vivant avec une hépatite C en 2010 que ces universités se tiennent aujourd’hui", rappelle Patrick Blier, président du territoire d’action Aquitaine de AIDES, dans son mot d’accueil aux participants. Occasion pour lui de rappeler les actions conduites par l’association, dans ce territoire, sur le champ des hépatites : les CAARUD (centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) à Pau ou Bayonne, les rencontres entre des hépatologues et des personnes vivant avec une hépatite et des militants, des groupes de paroles dans des lieux de mobilisation comme à Périgueux, des permanences hospitalières, à Mont-de-Marsan, par exemple, et un investissement dans un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) comme à Bordeaux, etc.

"Le territoire d’Aquitaine n’est peut-être pas le mieux placé dans le palmarès de ceux qui agissent autour des hépatites, mais quand-même, je crois que nous n’avons rien à envier à personne et que ce n’est peut-être pas innocent que ces Universités se tiennent ici ! Il reste encore beaucoup à faire aussi bien en Aquitaine que dans les autres régions… Mais si vous êtes là aujourd’hui c’est parce que nous comptons sur vous tous pour que les choses évoluent. Vous êtes là pour échanger, témoigner, questionner, vous ouvrir les uns aux autres, mais aussi nous ouvrir à votre "vivre avec", conclut Patrick Blier.

Etats d’esprit

C’est rituel, dans ses Universités, AIDES démarre toujours par une séance plénière avec des discours, des mots d’accueil. C’est à la fois un signe de bienvenue, mais aussi un indispensable rappel de ce qu’est l’événement, ce que les participants ont souhaité en amont y voir traité… c’est surtout l’occasion d’en donner l’esprit. "Nous allons passer ces quatre prochains jours ensemble et durant ce séjour, nous allons pouvoir améliorer et mettre à jour nos connaissances, échanger entre nous, partager nos expériences sur le vécu de la maladie, sur les traitements. Mais également imaginer ensemble ce que peuvent être de bonnes pratiques, tant associatives que soignantes, et la place que chacun peut prendre dans  AIDES ou aux cotéx de AIDES pour mettre en musique ces bonnes pratiques", explique ainsi Patrick Grégory, administrateur de AIDES. "Ces Universités vont nous permettre d’élaborer de la réflexion collective, nous permettre de cheminer entre ce collectif et nous-mêmes, notre histoire singulière. Apprendre des autres et de nous-mêmes. Nous nourrir de la parole de l’autre, l’oxygéner de notre propre histoire et la réintroduire dans le débat. Pour ce faire, vous êtes ici chez vous. Une équipe est à votre disposition, elle va tenter de vous aider à diminuer l’impact des soucis du quotidien. Cette économie d’énergie, nous vous proposons de la réinvestir pour vous, pour les autres. Nous vous souhaitons de bonnes Universités et des travaux fructueux", lance-t-il.

Coups de vent… et soignants

Et c’est parti pour quatre jours denses, dans une météo rappelant vaguement le générique de "Twister" (mais si… le film où il y a tout le temps du vent, de la pluie, des fenêtres qui claquent). Quatre jours alternant des ateliers en groupes réduits, des séances plénières avec des militants, des médecins. Patrick Blier a d’ailleurs insisté sur leur présence lors de son discours : "Je voudrais dire combien je suis heureux de savoir que ces universités accueillent aussi des soignants. Je tiens à  les remercier d’avoir répondu à notre invitation ; merci de venir avec nous pour ce temps fort que, j’en suis sûr, vous n’oublierez pas. Merci de témoigner, par votre présence, de la volonté de marcher ensemble avec les personnes touchées. Si des médecins acceptent de participer à ces Universités, c’est qu’ils croient, avec nous, que la santé des personnes ne peut pas se gérer autrement que dans la collaboration entre soignants et personnes malades et non pas dans une relation de dépendance et d’infantilisation qui existe encore trop souvent dans bien des secteurs de notre système de santé". Quatre jours donc pour rendre les hépatites visibles dans AIDES. Quatre jours pour s’hépater !

HEP’S vous là !

A quoi cela tient-il, un geste qui compte, dans un tel événement ? A une volonté et une envie communes. A Anglet, au terme de longues et riches journées d’échanges, les participants, tous confondus, ont voulu marquer le coup, frappé les esprits et adressé un message à AIDES. Marqué un coup en lançant une impulsion : celle d’une nouvelle mobilisation sur le champ des hépatites. Frapper les esprits en replaçant les hépatites à leur vraie place dans l’association. En finir avec cette habitude de dire : "AIDES, association de lutte contre le sida… et les hépatites. Cette fameuse dernière partie qu’on oublie si souvent, comme un acte manqué. Cette mention qui n’est jamais inscrite sur la banderole officielle de l’association. Ce n’est, du reste, pas un hasard, si les participants de HEP’S ont remanié la formule officielle en annonçant clairement la couleur. C’est une partie du message adressé à AIDES par des personnes vivant avec une hépatite, des militants, des soignants et quatre administrateurs de l’association (Catherine Aumond, Patrick Grégory, Sébastien Mouveroux, Dorothé Obili). Ce sont eux qui ont tenu la "nouvelle" banderole, eux qui ont lu la Déclaration d’Anglet à haute voix en clôture de l’événement. Que dit-elle ?

La déclaration d’Anglet

"Nous, les militants de AIDES, association HEPATANTE, nous nous engageons à promouvoir en interne et en externe la LUTTE contre LES HEPATITES VIRALES.
Nous nous engageons à promouvoir les outils existants.
Nous nous engageons à être plus bruyants et visibles DANS et HORS de AIDES.
Nous voulons participer à la rédaction d’une nouvelle Charte Graphique.
Nous veillerons à ce que les Hépatites soient présentes dans tous nos supports de communication".

Un texte court qui va à l’essentiel, franc et direct (dans l’esprit de l’événement), mais un texte qui n’entend pas mettre en concurrence le VIH/sida et les hépatites. Pour Patrick Grégory : "une mise en concurrence serait une erreur". Elle ferait passer à côté de l’essentiel. Il ne s’agit pas de remplacer un combat par un autre, mais d’assurer une volonté, un engagement de même poids. Gagner un temps précieux en adaptant ce que nous avons su créer pour le VIH/sida aux Hépatites. D'être autant mobilisé, parce que les deux causes ne s’opposent pas, que les problèmes sont communs et parfois associés dans la vie même des gens, que des personnes atteintes d’une hépatite le veulent et sont prêtes à s’engager, voire le sont déjà. Elle est à entendre ainsi cette Déclaration d’Anglet qui est une invitation à la mobilisation.