Santé sexuelle : les CeGIDD en positions (2/2)

Publié par jfl-seronet le 25.08.2016
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Le 7e colloque national Corevih en actions s’est déroulé, début juillet à Paris. Il était consacré à la santé sexuelle et à la mise en place des CeGIDD (Centre gratuit d'information, dépistage et diagnostic des infections par le virus de l'immunodéficience humaine et les hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles). Après une présentation de ce qu’est la santé sexuelle et ses enjeux, nous vous proposons de se pencher sur les CeGIDD, leurs objectifs et les opportunités d’innovation de ce dispositif. C’est à ces questions qu’a répondu la présentation de Catherine Aumond, vice-présidente de AIDES et vice-présidente du Corevih Centre Poitou-Charentes.

CeGIDD : quelques points de repères

Les Centres gratuits d'information, dépistage et diagnostic des infections par le virus de l'immunodéficience humaine et les hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles sont bordés par deux textes le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2015 (PLFSS 2015) et la loi de modernisation de notre système de santé. Comme l’a rappelé Catherine Aumond, le cahier des charges des CeGIDD est défini dans un arrêté (1er juillet 2015), les CeGIDD sont mis en place sous la responsabilité des Agences régionales de santé (ARS) ; il y a, au minimum, un CeGIDD par territoire de santé. Ils sont gratuits et la levée de l’anonymat est possible avec accord de l’usager. Dans son intervention au colloque national Corevih, la vice-présidente de AIDES a rappelé que les CeGIDD sont nés de la fusion entre deux entités : les CDAG (Centre de dépistage anonyme et gratuit) et les Ciddist (Centre d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles). Ces nouvelles structures obéissent à des objectifs à la fois administratifs et institutionnels. Il s’agit d’assurer une meilleure visibilité et une meilleure accessibilité du dispositif aux personnes usagères, de simplifier les gestions administratives et financières, d’assurer un meilleur pilotage public du dispositif. Mais ce n’est pas tout, lorsqu’on lit le cahier des charges, on trouve des objectifs opérationnels, explique Catherine Aumond, comme : "Travailler dans une approche globale de santé sexuelle" ; "Atteindre les populations les plus concernées par le VIH, les hépatites virales et les IST" ; "Conduire des actions en complémentarité et en lien avec les autres acteurs du dépistage de la santé sexuelle sur un territoire". En fait, le nouveau dispositif est "plus ambitieux" qu’une simple fusion de structures existantes. Il y a une "nouvelle mission pour s’inscrire dans la prise en charge de santé sexuelle globale ; une nouvelle dimension : "Elaborer avec l'usager son parcours de santé" ; une nouvelle approche : ciblage et adaptation pour les populations clefs (lieux, horaires) ; de nouvelles modalités d’action (hors les murs et avec l’appui de médiateurs de santé)". Les CeGIDD ont des missions rénovées et élargies. Côté anciennes missions des CDAG et des Ciddist rénovées, on trouve la prévention, le dépistage, et le diagnostic VIH/hépatites ; la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement des IST simples et cela dans une "approche du parcours de santé des usagers". Une troisième mission tient dans la "prévention des autres risques liés à la sexualité, dans une approche globale de santé sexuelle" avec délivrance d’information, prescription de contraception, prévention et détection des violences sexuelles ou des violences liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre, des troubles et dysfonctions sexuels, etc.

Premier recours et orientation

Les CeGIDD ont un rôle à jouer dans la "prise en charge de premier recours et orientation dans un parcours de santé". Autrement dit, ils orientent, accompagnent si nécessaire : la personne vivant avec le VIH ou une hépatite virale vers une consultation médicale adaptée, la personne porteuse d’une IST compliquée dont le traitement nécessite une prise en charge spécialisée, vers d’autres professionnels du soin, mais aussi "vers des structures et associations de promotion de la santé agissant dans les champs du VIH, des hépatites virales et des IST, afin de bénéficier d'un soutien et d'un accompagnement appropriés à sa situation". Ils proposent une "prise en charge psychologique et sociale de première intention que l’usager soit positif ou négatif" et une "vaccination pour tous contre les hépatites B et A (hors indications pour les voyageurs) et contre le HPVV. Ils proposent aussi les vaccinations recommandées par les autorités sanitaires pour des publics cibles au-delà des hépatites virales et des IST. Ils assurent la prise en charge et le suivi d'un accident d'exposition au VIH, au VHB et au VHC. Ils assurent la prescription et le suivi de la PrEP (prophylaxie pré-exposition).

De nouvelles modalités d’action

Les CeGIDD assurent leurs trois missions avec des modalités d’action nouvelles. Cela signifie dans leurs locaux ou hors les murs, notamment auprès des populations les plus concernées. En coordination avec les autres organismes, notamment les associations  par conventions de partenariat. Par ailleurs, ils veillent à l'information du médecin traitant sur les soins prodigués notamment les vaccinations, avec l'accord de l'usager. Ils peuvent bénéficier de l'appui d'autres acteurs non professionnels de santé (médiateur de santé, acteurs de santé associatifs, etc.) avec accord de l’agence régionale de santé dont dépend le CeGIDD.

Comment ont été implantés les CeGIDD et comment sont-ils financés ?

Il y a eu une programmation stratégique à l’échelle des territoires de santé arrêtée par les agences régionales de santé (ARS) en lien avec les acteurs de terrain, et notamment les Corevih. Cette programmation s’est appuyé sur la base d’un diagnostic partagé comportant des infos sur les besoins des populations, des données sur les contextes épidémiologiques, un état des lieux des réponses existantes et des besoins non couverts sur les territoires de santé. Les Corevih ont travaillé sur le diagnostic partagé. Ils doivent contribuer avec leurs acteurs à une adaptation permanente des missions des CeGIDD au regard des évolutions du contexte dans le temps sur les enjeux de dépistage, les enjeux de prévention et de prise en charge du VIH, des hépatites virales, des IST et de la santé sexuelle. Certains Corevih assurent la coordination de CeGIDD lorsqu’ils ont été missionnés par leur ARS.

Dans les faits, les CeGIDD habilités s’engagent  à mettre en œuvre une politique de dépistage qui réponde à des objectifs nationaux tout en tenant en compte des particularités locales. Leur financement est assuré par la Sécurité Sociale au moyen des fonds d’intervention régionaux (FIR). Il n’y a pas eu d’évolution de l’enveloppe globale, ce qui implique de travailler différemment et d’établir des priorités concernant les actions au regard des nouvelles missions. Cela signifie aussi qu’il faudra rapidement revoir à la hausse les financements et le modèle de répartition en fonction de ce qui se passe dans la vraie vie, des missions supplémentaires créées par la dernière loi Santé comme la délivrance du TPE et de la PrEP dans les CeGIDD.

De nouvelles ambitions

Les CeGIDD doivents’adapter aux évolutions des enjeux des épidémies et des besoins en santé des populations concernées. Autre ambition : permettre la mise à disposition d’outils innovants (par exemple la PrEP). Il s’agit aussi de faciliter l’accès à des outils existants, mais peu utilisés ou sujets à des difficultés dans l’accès : vaccinations, traitement post-exposition, PrEP, etc. Il s’agit enfin de travailler en collaboration avec les autres acteurs du dépistage sur un territoire de santé, tels qu’ils existent aujourd’hui, mais aussi demain si leurs modalités d’action et leurs projets évoluent.

Le nouveau cahier des charges des CeGIDD est ambitieux. Il était attendu car il comporte de vrais changements à opérer dans les pratiques, et cela d’autant que les financements sont stables et les missions nouvelles et élargies. Ce cahier des charges est en cohérence avec la  loi de modernisation du système de santé, loin qui insiste sur le parcours de santé et la prise en compte des populations vulnérables. Il devrait permettre de concourir à la mise en œuvre d’une stratégie nationale de santé  sexuelle ; à atteindre l’objectif 90-90-90 de l’Onusida pour la France (90 % des personnes vivants avec le VIH dépistées, 90 % des personnes dépistées dans le soin et sous traitement, 90 % des personnes sous traitements avec une charge virale durablement indétectable).

Un tournant pour la santé sexuelle

On l’aura compris la santé sexuelle est à un tournant et les CeGIDD peuvent et doivent jouer un rôle déterminant "dans la prise en charge de la santé sexuelle globale". Les CeGIDD ont ouvert depuis quelques mois désormais et il est bien trop tôt pour juger de leurs actions. Mais on voit bien que ces nouvelles structures font face à des défis importants. Elles constituent la tête de pont d’une stratégie qui vise à adapter les systèmes de santé aux besoins des personnes, en ciblant les populations et groupes les plus vulnérables. Ils pourront d’autant mieux le faire que ces structures ont vocation à s’adapter à l’évolution des besoins, à aller de l’avant, à la rencontre des personnes. Les CeGIDD ont également, comme le souligne le rapport du Haut conseil de santé publique (HCSP) un rôle clef à jouer dans la lutte contre le sida. D’ailleurs, le rapport rappelle clairement les spécificités de l’infection par le VIH. "L’infection par le VIH est une maladie chronique à caractère transmissible. Par ailleurs, si la prévention de sa transmission passe par la promotion de la santé sexuelle dans sa globalité et ce dès le plus jeune âge, notamment en luttant contre la discrimination et en favorisant l’estime de soi, elle passe également par la prise en compte des populations cibles particulièrement exposées et par la prévention combinée associant des mesures générales de promotion de la santé sexuelle à des mesures spécifiques telles que le dépistage, la prophylaxie pré exposition (PrEP), la prophylaxie post-exposition (PEP) et le traitement comme prévention (TASP). Il y a donc une combinaison de dimensions socio-comportementale, structurelle et biomédicale à prendre en compte dans un objectif de prévention s'adressant à des personnes le plus souvent en bonne santé mais appartenant à des populations à risque élevé. La composante biomédicale répond également à un objectif de prise en charge de maladie chronique qui permet de maintenir les patients dans le soin et donc de réduire le risque de transmission", indique le HCSP. "Les Cegidd, au centre de la politique de lutte contre les IST, doivent bénéficier de l’accompagnement nécessaire à la mise en œuvre de la PrEP dans un contexte de promotion de la santé sexuelle", ajoute-t-il.

Reste l’épineuse question du financement et des choix qui en découlent. "Sur les 50 millions dédiés aux CeGIDD, seulement deux millions ont été attribués à des dispositifs qui avaient vraiment un cible populationnel", a ainsi expliqué Eve Plenel (Kiosque, Acrat), également directrice du CheckPoint, le CeGIDD des hôpitaux Saint-Louis, Fernand Widal et Lariboisière, lors du colloque national des Corevih en actions. Et pourtant, atteindre les groupes et populations les plus exposées est une des clefs de la réussite de la stratégie 90-90-90 défendue par l’Onusida. Cette inégalité d’attribution financière s’explique sans doute par les tâtonnements inhérents aux grands changements. Cette étape devra rapidement être surmontée. Cela passera comme l’expliquait clairement la vice-présidente de AIDES, Catherine Aumond, par une autre façon de travailler, d’établir les priorités.