Système de santé : petit tour de chauffe avant les élections !

Publié par jfl-seronet le 09.12.2016
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Initiativesystème de santé

"La santé, un enjeu pour 2017". C’était le thème retenu pour les 6èmes rencontres sur le système de santé, présidées par les députés Arnaud Robinet (LR) et Gérard Bapt (PS). Au programme : deux tables rondes, l’une ayant pour ambition de réfléchir aux moyens de "moderniser le système de santé", l’autre de traiter du "système de santé à l’épreuve de l’innovation.  Seronet y était.

Côté invités, on passait des experts (Sandra Bertezene, chaire de gestion des services de santé au Cnam) aux politiques (Valérie Boyer, députée LR, Nora Berra, ancienne secrétaire d’Etat à la Santé, etc.), des syndicalistes (Michel Chassang, président de l’Unapl, des médecins (le professeur Guy Vallencien) aux patrons de laboratoires (Michel Joly, PDG de Gilead-France).

La première table ronde était assez convenue avec des arguments et analyses entendues depuis des lustres du genre : "La transformation de notre système de santé repose sur les innovations" ; "Les inégalités d’accès aux soins s’aggravent" ; "En matière de santé, toutes les nouveautés ne sont pas des innovations". Côté état des lieux, tout le monde est à peu près d’accord, que ce soit l’ancienne secrétaire d’Etat à la santé Nora Berra (LR) ou Anne-Marie Brocas, présidente du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, pour dire que le système est bloqué et qu’on ne peut pas continuer comme cela. C’est Thomas London, qui est notamment rapporteur général du groupe de travail de l’Institut Montaigne "Réanimer le système de santé", qui s’est montré le plus sévère sur la situation actuelle. "La situation actuelle n’est pas tenable. L’équation économique est assez simple : "Les dépenses de santé progressent deux fois plus vite que la richesse nationale". Quant à Michel Chassang, ancien du syndicalisme des médecins libéraux aujourd’hui à la tête de l’Union nationale des professions libérales, il a longuement disserté sur le blues des professionnels de santé, la pauvreté du dialogue conventionnel… L’animateur des débats, le journaliste et médecin Alain Ducardonnet, n’a pas ménagé ses efforts pour que les participants à la table ronde sortent du constat pour lancer des idées neuves… cela s’est avéré peu concluant.

Inquiets que la voix des patients ne soit pas prise en compte

Plus intéressante était la seconde table ronde consacrée à l’innovation. Il s’agissait de répondre à des questions du genre : Peut-on offrir une meilleure prise en charge en baissant les coûts ?" ; "Comment financer l’innovation et améliorer l’attractivité de la recherche en France ? " ; "Quel avenir pour l’e-santé ?" Deux représentants de l’industrie pharmaceutique faisaient partie des participants : Michel Joly, PDG de Gilead-France et Philippe Tcheng, vice-président chargé des relations gouvernementales France de Sanofi et président des affaires économiques du Leem (Les entreprises du médicament). Ce dernier s’est dit "inquiet que la voix des patients ne soit pas prise en compte" et que le rôle des patients dans l’évaluation des médicaments pas considéré. Même son de cloche chez Michel Joly qui, par deux fois, est intervenu pour expliquer que "les patients ont peur de ne plus avoir accès aux soins et aux médicaments, a fortiori innovants. Ils ont raison d’avoir peur". Et le PDG de Gilead France d’insister pour que les patients puissent donner leur avis concernant l’évaluation des médicaments… une préoccupation récente des laboratoires qui trouve, sans doute son origine pour Gilead, dans le traitement du Descovy, un des médicaments de Gilead, pour lequel la Haute autorité de santé (HAS) a rendu un avis défavorable. La HAS a d’ailleurs été pas mal brocardée par Michel Chassang qui s’est demandé si cette autorité était encore une autorité de santé, par les représentants des laboratoires qui semblent découvrir que la HAS n’est pas l’expression de la démocratie directe en santé. Même si les propositions des laboratoires ne sont pas sans arrières pensées, il est intéressant de voir qu’elles prônent désormais pour une plus grande implication des personnes malades ou de leurs représentants y compris dans l’évaluation des médicaments et dans leurs modalités d’accès, comme le taux de remboursement. On a bien compris que la situation actuelle dans le monde du médicament était un peu kafkaïenne, selon les mots de Michel Joly, à cause des procédures administratives et de la lourdeur des procédures. Même si de nombreux arguments ont été exposés, à l’issue des débats, pas une idée révolutionnaire pour sortir du constat et trouver des solutions. Et pourtant il semble y avoir urgence… ainsi Michel Joly a expliqué que dans son secteur (les médicaments anti-VIH et anti-VHC), nous sommes passés de dix laboratoires, qui travaillaient sur ces pathologies il y a quelques années, à deux ou trois aujourd’hui qui conduisent encore des recherches.

"L’endettement, c’est l’asservissement"

L’autre intervention attendue était celle de Valérie Boyer. La députée LR est l’une des porte-paroles de François Fillon et elle est secrétaire nationale les Républicains à la santé… ce qui en fait une candidate sérieuse (en cas d’alternance à droite) au poste de ministre de la Santé. Elle était la vedette de la seconde table ronde sur l’innovation. Mais du coup, la députée a peu parlé innovation en santé, et beaucoup défendu les propositions de François Fillon en matière de santé. Le job consiste principalement à essayer de lever les peurs sur une fin de la sécurité sociale telle qu’on la connaît aujourd’hui. Bon, rassurons-nous, on a mal compris durant la primaire de la droite et du centre, François Fillon ne veut pas la fin de la Sécurité sociale, il entend qu’elle soit plus efficace pour les personnes les plus démunies. "La Sécurité sociale, c’est 127 milliards d’euros de déficit cumulé… Le système ne peut pas durablement être performant si l’on part avec un tel déficit. Il faut donc améliorer son financement", a indiqué Valérie Boyer. Côté propositions, cela part un peu tous azimuts : une autonomie complète pour les établissements hospitaliers sur le modèle de ce qui a été fait pour les facultés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, une réflexion sur le déremboursement des médicaments dont le SMR (service médical rendu) est faible, une plus grande transparence avec les mutuelles, le passage d’une assurance maladie à une assurance santé… Et la députée de conclure : "Nous sommes bien obligés de nous poser la question du coût, car l’endettement, c’est l’asservissement".

Difficile aujourd’hui de dire quelle sera la place de la santé lors des prochaines élections. Les débats des 6èmes rencontres sur le système de santé, présidées par les députés Arnaud Robinet (LR) et Gérard Bapt (PS), ont posé quelques maigres jalons, donner quelques marqueurs des positionnements (surtout à droite) et lancer des pistes, souvent déjà connues, mais pour la plupart jamais mise en œuvre.