Traitements : ce qu’il fallait retenir de la CROI

Publié par Renaud Persiaux le 05.03.2011
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Thérapeutiquerésultats d'étudesCroi 2011

Mercredi matin, jour de clôture de la conférence, la CROI 2011 n’a pas dérogé à la règle en consacrant une importante séance de travail à ce qu’on appelle les "late breakers", les tous derniers résultats d’études cliniques qui viennent de tomber… Bref, les infos chaudes du moment. C’est une des sessions les plus courues de la conférence. Emmanuel et Renaud reviennent sur les principales infos sur les traitements. Que retenir de cette CROI 2011 ?

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Dolutégravir : ne l’appelez plus GSK 572

La CROI 2011 a été l’occasion pour le laboratoire Viiv Healthcare de diffuser largement le nom de son futur médicament anti-intégrase, connu jusqu’alors sous le code GSK-572. Il s’agira, en dénomination commune internationale, de "dolutégravir". Le nom de code en trois lettres sera DTG, le nom de marque n’est pas encore connu. Remarquée à la CROI 2010, cette molécule fait l’objet d’un essai de phase III (lancé le 3 février, et destiné à la demande d’autorisation de mise sur le marché) en combo (combinaison à dose fixe) avec Kivexa (lamivudine et abacavir). Le 3 mars (Abstract 151LB), les résultats à court-terme d’une étude de phase IIB, avec deux schémas (une prise ou deux prises par jour) ont été présentés. Les résultats montrent que ce nouveau médicament est certainement plus efficace en deux prises par jour. Cela va-t-il compromettre le développement d’une co-formulation avec Kivexa ? Quoiqu’il en soit, il est toujours préférable de disposer des molécules séparées à côté d’un combo fixe, ne serait-ce que pour des dosages et adaptations de doses pour certaines personnes, que ce soit pour l’efficacité ou la réduction d’effets indésirables.

Intensification : quand plus ne fait pas mieux que bien

Coup dur pour les tenants de l’intensification des trithérapies. Une étude de Martin Markowitz, de l’Aaron Diamond AIDS Research Center (New York) a évalué l’intérêt de proposer une multithérapie composée de cinq médicaments à une trithérapie classique chez les personnes en primo infection ou très récemment infectées. Des résultats préliminaires ont été présentés à douze mois de traitement. Il s’agissait de comparer ces deux stratégies en terme d’efficacité sur les plans immunologique (pour restaurer le système immunitaire en augmentant les T4) et viral (lutter contre le virus, pour mieux atteindre et maintenir une charge virale indétectable). Aucune différence n’a été mise en évidence entre les deux groupes : l’un avec la multithérapie, l’autre avec la trithérapie. D’autres résultats (sur les réservoirs et le tissu de l’intestin) devraient être présentés dans les mois qui viennent. C’est peut-être là qu’un intérêt se dégagera ?

PEARL : des recommandations internationales

L’essai PEARL évaluait dans un nombre important de pays (en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie et en Amérique du Nord) trois trithérapies : Combivir (deux médicaments en un comprimé), Sustiva à Atripla (trois médicaments en un comprimé) et à Videx, Reyataz, Epivir. La trithérapie à base de Reyataz non boosté a été interrompue par le comité de surveillance de l’essai pour cause de moindre efficacité. Au global, les deux trithérapies Combivir + Sustiva et Atripla ont une efficacité comparable. On note plus d’effets indésirables comme de l’anémie (baisse des globules rouges) et de la neutropénie (diminution des globules blancs) avec la trithérapie à base d’AZT (Combivir) surtout chez les femmes.

Le maraviroc pas tout feu tout flamme

L’ajout de maraviroc (Celsentri) à une trithérapie qui fonctionne chez les personnes qui n’ont pas augmenté leurs T4 au-delà du seuil de 350 a été évalué contre un placebo pour évaluer l’effet du maraviroc sur l’augmentation des T4. Au bout de six mois, on ne note pas d’augmentation supplémentaire des T4 dans le groupe prenant maraviroc. Nous attendons les résultats d’un essai de l’agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites pour voir si cela se traduit par une amélioration clinique chez les personnes.

Un nouveau précurseur du ténofovir plus efficace à petite dose

Le GS7340 pourrait être une version améliorée du Viread (ténofovir). Les premiers résultats des études de phases I-II montrent une efficacité supérieure à des doses plus faibles (50 mg ou 150 mg contre 300 mg pour Viread) en comparaison avec Viread. La formulation de ce nouveau médicament permettrait une meilleure absorption du principe actif par les cellules, c’est ce qui expliquerait sa plus grande efficacité. Par ailleurs, le laboratoire espère mettre au point de nouvelles co-formulations de trithérapie en substituant le ténofovir dosé à 300 mg par le GS7340 dosé à 50 ou 150 mg.

Hélas, Isentress restera en deux prises

L’essai QDMRK visait à évaluer l’efficacité d’une monoprise quotidienne (800 mg de raltégravir) chez les personnes n’ayant jamais pris de traitement, en comparaison avec le schéma en double prise (2 x 400 mg). Coup dur : les résultats sont décevants. Seuls 83,2 % des patients avaient, en effet, une charge virale (CV) indétectable à 12 mois dans le groupe prenant la monoprise, contre 88,9 % dans le groupe prenant la double prise. Cette différence ne permet pas de conclure à une sécurité suffisante de la monoprise. Les analyses dans le groupe des personnes ayant une CV supérieure à 100 000 copies à leur entrée dans l’essai sont encore plus décevantes : 74,3 % dans le groupe monoprise, contre 84,2 % dans le groupe avec la double prise. Le passage (ou switch) vers la monoprise lorsqu’on est en double prise augmente certainement aussi la probabilité d’une moindre efficacité.

Recherche : quand BMS joue à "Attache-moi !"

Bristol-Myers Squibb (BMS) a présenté les premières données de dosage chez l’homme du premier représentant d’une nouvelle classe d’antirétroviraux, les inhibiteurs d’attachement. L’entrée du VIH se fait en trois étapes : le VIH doit d’abord s’attacher à un récepteur CD4 à la surface de la cellule (ce sont, précisément, ces récepteurs qui ont donné leur nom à ces cellules), puis se lier à un co-récepteur - soit CCR5, soit CXCR4 - et finalement fusionner avec la membrane cellulaire pour pénétrer dans le lymphocyte, le CD4. Ces dernières étapes sont déjà ciblées par des antirétroviraux (Celsentri et Fuzeon), mais pas la première. La molécule dosée, qui répond au nom de code de BMS-663068, n’est pas la substance active elle-même, mais sa prodrogue, c'est-à-dire une molécule qui va donner la substance active (BMS-626529) après avoir été absorbée dans l’organisme. Le 529 se colle à une protéine du virus, la gp 141, empêchant ainsi l’attachement du virus au récepteur CD4, et bloquant son entrée dans la cellule. Cette molécule pourrait se prendre en une ou deux prises par jour, et ne nécessitera pas d’être boostée par Norvir (ritonavir). Il est encore trop tôt pour avoir une idée précise des effets indésirables.