VIH/VHC : Action girls sur Seronet
Militer. Pour certaines femmes (il n’y a pas que pour elles d’ailleurs), le mot peut faire un peu peur voire fuir. Eh oui, ça sonne comme une mission, un engagement à vie, une vocation… Cela peut être le cas, mais cela peut aussi être autre chose… de moins intimidant, de plus fun aussi. Ok, mais c’est quoi "militer" dans la bouche de AIDES. Sans se lancer dans une thèse, on peut dire que militer ça consiste à dire ce qu’on vit (témoigner), à agir pour soi et les autres (transformer son environnement proche), se rassembler et créer des solidarités (se mobiliser) dans l’idée de transformer la société à chaque fois qu’il y a un problème, un dysfonctionnement manifeste… On ne surprendra personne en disant que ce ne sont, hélas, pas les problèmes qui manquent… On ne mentira pas en disant qu’il est possible de changer les choses, a fortiori quand on le fait collectivement. Bien entendu, en attendant le grand soir, il n’est pas interdit d’échanger, de réfléchir, de faire part de ses envies, de ses besoins, de ses aspirations… C’est même conseillé. A la vérité, c’est le préalable à un engagement individuel qui produit ses effets collectifs. Seronet a contribué, ces dernières semaines, à favoriser les échanges entre femmes, un excellent moyen de comprendre ce que les femmes séropositives attendent, espèrent, revendiquent aujourd’hui. Le résultat ? Beaucoup d’idées, une foule de propositions. Pour éviter les allures d’inventaire à la Prévert, Seronet a classé en quatre catégories. C’est parti.
Agir pour soi, transformer son environnement proche
Pas mal de choses derrière cet intitulé dont une bonne part concerne les traitements et la qualité de la prise en charge médicale. Ainsi, le constat est fait que "trop peu d'études sont dédiées aux femmes hétérosexuelles blanches". Il manque aussi des connaissances "sur le VIH et le psychisme" et "Comment gérer la perte de mémoire, la confusion, le manque de concentration, etc". Autre manque pointé, celui de connaissances sur le VIH/VHC : "besoin d'éducation thérapeutique pour un meilleur dialogue avec les soignants". Parmi les demandes, on trouve le fait d’"adapter la posologie des traitements aux spécificités physiques féminines". Les Seronautes font part également d’un "besoin d'une aide à domicile pour pouvoir faire face au quotidien devenu handicapant par les co-morbidités liées au VIH/VHC. Evidemment, transformer son environnement proche ne se limite pas à améliorer la prise en charge médicale. Cette dernière reste centrale, mais d’autres questions se posent. "Comment accepter la métamorphose de mon corps (du fait du VIH, du VHC, des traitements, de l’arrivée de la ménopause, etc.) pour pouvoir continuer à faire du sport, avoir une vie sexuelle, désirer et aimer l'autre... ?, Comment retrouver l'estime de soi et poser un regard positif sur la femme que je suis ?, Comment aborder mon désir de maternité ?, Comment vivre dignement avec les minimas sociaux et avec le VIH/VHC quand il devient invalidant ?, Comment connaître mes droits administratifs et obtenir leur mise en place effective ?"… sont quelques unes des questions posées par les participantes.
M’engager à plus ou moins long terme dans cette lutte
Là encore, les demandes et avis sont d’une grande variété. "Trop éloignée d'un lieu de mobilisation la seule alternative étant alors Internet, comment m’engager ?", s’interroge une des participantes. Une des Seronautes pointe, elle, le "manque de vision concrète des actions des associations pour les femmes". Une autre ne "trouve pas sa place" car elle estime qu’il n’y a "pas de visibilité de la femme à travers la communication des associations". "Quelle réalité quand on est mère ?", demande une des participantes. Pour d’autres, s’engager pourrait prendre différentes formes : "Avoir une action auprès des maisons départementales des personnes handicapées", "Porter le plaidoyer de la réalité de vivre avec le VIH/VHC pour une meilleure reconnaissance de notre handicap" ou encore "Pouvoir actionner un levier juridique spécialisé dans toute forme de discrimination liée au VIH/VHC". "Quelle place pour le VIH, le VHC dans les médias ?", se demande une femme qui préconise d’"inventer de nouvelles stratégies de communication qui nous ressemblent, qui parlent de nos vies". D’autres sujets semblent mobiliser. Ainsi, il est proposé de "mettre en place et participer à l'éducation thérapeutique des médecins qui nous soignent sans connaitre les spécificités du VIH/VHC (dentiste, rhumato, cardiologue, gynéco, généraliste, etc.) ou de réfléchir aux enjeux du vieillissement : "Comment gérer ce qui ne devait pas arriver, sa précocité, les douleurs, la retraite, le lieu de fin de vie ?"
Agir avec les autres, rassembler, mobiliser, fédérer
Pour une participante, un des enjeux est clairement d’ouvrir la porte aux discussions avec d’autres femmes. "La différence de vie qui nous oppose, mon parcours de vie, mes problèmes du quotidien sont-ils les mêmes que ceux des autres femmes ?". Une autre pointe, dans la perspective de militer, "le manque de temps parce qu'on travaille, parce qu'on est mère, parfois les deux". Alors que pour une femme la difficulté pourrait plutôt résider dans "le manque d'énergie parce qu'on est précaire, fragilisée, stigmatisée...". "La difficulté de dire, de parler de son VIH, de son VHC, de sa co-infection", est également avancée comme un frein possible à la mobilisation. Enfin, il est évoqué d’autres limites. L’une concerne "l’absence de lieux spécifiquement dédiés aux femmes (Quid des centres de soins pour les femmes ?)" et l’autre "un manque d'ancrage dans le quotidien, la réalité administrative".
Dire ce que je vis, prendre la parole, interpeller
Pas de mystère, l’intérêt qu’il y a à parler, à témoigner est bien compris. Reste que c’est "difficile de prendre la parole quand on est une femme" nous avons "besoin d'espaces et de temps spécifiques" pour débattre de nos problématiques. "Seronet offre cette possibilité à travers la tribulle", note-t-elle d’ailleurs. Parfois, c’est le "sentiment de honte" qui fait barrage à l’expression. "Je suis stigmatisée parce que ma contamination est liée à la consommation de produits", dénonce une des femmes. Il est aussi "difficile de parler de sexualité ou d'absence de sexualité". "Je suis jugée en tant que mère, j’ai un sentiment de culpabilité", indique une des Seronautes, tandis qu’une autre se demande : "A quel moment le dire à ses enfants ?". Bien entendu, les interrogations ne concernent pas uniquement les relations familiales et portent sur des préoccupations communes à l’ensemble des femmes. "Comment aborder la ménopause, cette nouvelle transformation de mon corps ? Quels effets au niveau hormonal ?", se demande une des participantes. Une autre fait part de son "besoin d'une part d'insouciance pour me poser, réfléchir, m'exprimer, interpeller, me confronter aux autres". Si parler est nécessaire, indispensable et parfois même salvateur, "avoir confiance en soi et dans les autres pour pouvoir se battre et combattre" est une condition indispensable.
Comme on le voit, les questionnements sont nombreux, les revendications aussi fortes que variées, les aspirations multiples, les expériences très différentes. Cette diversité, à l’image des parcours des femmes, est à la fois un réel atout qui enrichit les échanges et un élément à prendre en compte. Le signe qu’il n’est pas possible d’appliquer des recettes toutes faites qui répondraient, comme par miracle, à tous les besoins, qui seraient adaptés à tous les parcours. Certes, dans bien des domaines, des réponses collectives restent possibles, mais, dès lors qu’il s’agit de mobilisation, il n’est pas question d’appliquer des schémas préétablis, un militantisme de routine. C’est d’ailleurs un des paris de l’événement de cet automne que d’éviter ces écueils. La grande liberté de ton sur Seronet est à prendre comme une exigence. Vous voulez du sur-mesure pas du prêt-à-porter. Un truc de filles… quoi !
Illustration : David Berthelot
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Commentaires
c'est clair !
j'aime
un grand pas pour les femmes séropositives !
petit ps