WI NA WI, acteur local de prévention

Publié par jfl-seronet le 30.07.2013
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InterviewFleuve Maroni

WI NA WI est une association de lutte contre le VIH créée en 2011. Elle mène des actions de prévention, en partenariat avec d’autres associations dont AIDES, auprès de la population de Grand-Santi, commune de Guyane, au bord du fleuve Maroni. Suzanne Amaïdou est animatrice de prévention. Interview.

Quel est votre parcours au sein de l’association ?

J’ai d’abord été bénévole pendant deux ans avant d’être recrutée par l’association. Nous sommes deux salariées, Marion Revest, responsable des actions et moi. Quand nous étions bénévoles, nos actions se limitaient au bourg de Grand Santi, nous n’avions pas les moyens d’être présentes sur toute la commune qui est très étendue, certains kampu [villages, ndlr] étant parfois situés à plus de deux heures de pirogue. Nous faisions de la prévention auprès des élèves du collège et auprès de la population en leur donnant de l’information mais également des préservatifs gratuits.

Pourquoi avoir choisi de développer vos actions en sites isolés ?

Sur ces lieux isolés, nous nous sommes vite rendues compte que l’accès à la prévention n’était pas le même : les gens qui y vivent manquent d’information et ont besoin de moyens de prévention. Du fait d’un accès limité à ces lieux et d’une difficulté pour eux à se déplacer vers le bourg ou vers les villes, ils reçoivent moins d’informations. Ce ne sont pas forcément des populations mobiles, souvent certaines familles restent dans les kampu à l’année, cultivant leur abattis pour vivre et dépendant d’une personne, l’homme généralement, ou de l’extérieur, pour recevoir des informations.

Qu’entendez-vous par site isolé ?

Ce sont tous les kampu où vivent les familles ou les lieux d’orpaillage, légaux ou illégaux. Les points communs de ces sites sont un accès aux lieux de soins et de prévention limité, un accès à l’eau potable pas toujours présent… des lieux où les difficultés sont multiples à des degrés différents, mais qui mettent les gens en situation de précarité sociale et sanitaire importante.

Quelles sont les particularités du travail sur ces sites ?

Nous n’avons pas les mêmes discussions sur ces sites que dans le bourg et nous ne touchons pas forcément le même type de personnes. Par exemple dans les camps d’orpaillage, il y a des travailleuses du sexe. On constate que les familles du bourg ont souvent plus de connaissances sur le VIH/sida car les personnes se rendent plus souvent au dispensaire et sont plus familières des lieux de soins. Elles bénéficient également de moyens de communication et donc d’une information venant de l’extérieur plus importante.

Pour toucher les populations de ces sites isolés, nous nous déplaçons à leur rencontre et nous devons nous inscrire dans une certaine régularité. Nous leur apportons les moyens de protection gratuits et nous nous adaptons aux langues locales (djuka, portugais, espagnol, etc.). Le fait que je sois originaire de Grand Santi permet de débloquer la discussion. Le VIH peut être un tabou, mais ma connaissance des familles n’est pas un frein pour en discuter, au contraire une confiance est présente. Nous parlons la même langue, nous connaissons les sites, le terrain. La façon dont nous nous adressons aux gens est importante, nous comprenons les représentations et les croyances, nous travaillons avec lors de discussions parfois improvisées en fonction de la disponibilité des personnes. Par exemple, une personne à qui est confirmée une séropositivité au VIH va dire que ça n’est pas vrai, qu’elle a le kandu siki [on parle aussi de Yooka Kandu, ndlr]. Ce qui n’est pas pareil : le kandu siki est une IST que l’on peut guérir contrairement au VIH. Il y a donc une confusion. Le kandu siki est aussi lié au "mauvais sort" que quelqu’un jette, par exemple la femme à son mari car il compte voir une deuxième femme.

Avez-vous des difficultés spécifiques pour intervenir sur les sites isolés ?

Dans les camps d’orpaillage, qui sont essentiellement situés du côté du Suriname, nous en avons parfois. Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas toujours y aller. Il faut d’abord rencontrer le chef et obtenir son autorisation. Après, nous pouvons nous déplacer. L’accueil est généralement très bon. Si nous n’y avons pas accès, nous faisons alors intervenir des personnes relais qui font passer l’information et le matériel de prévention.