Incompatibilité, infertilité : ce que révèle l'allergie au sperme pour un couple

Publié par lericou06 le 21.04.2014
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L'allergie au sperme révélerait une incompatibilité entre les deux partenaires. (J.MAUDE/SIPA)

 

La médecine évolutionnaire (dite aussi parfois "darwinienne") est un champ de recherche d'apparition relativement récente et qui se donne comme objectif d'analyser nos maladies et problèmes de santé actuels à la lumière de notre évolution passée.

 

Cette discipline se focalise notamment sur la façon dont notre mode de vie moderne, malgré ses évidents bénéfices, peut parfois nous être délétère en nous déphasant trop brutalement d'adaptations patiemment modelées par la sélection naturelle.

 

L'obésité en est sans doute l'un des cas d'école. Avec l'avènement de l'agro-industrie moderne, nous vivons aujourd'hui dans un environnement où priment la sédentarité et l'abondance alimentaire, une conjoncture inédite dans notre histoire évolutive, où la règle était plutôt l'alternance entre de longues périodes de disette et de brefs intermèdes de profusion, associée à un niveau d'activité physique quotidienne relativement élevé.

 

Dans un tel contexte, avoir un organisme propice au stockage des graisses était un avantage évident pour la survie. Par contre, à l'heure actuelle, où passer sa vie à avaler des aliments très riches en calories sans en foutre une rame est plus que facile, l'épidémie d'obésité que connaît la quasi-totalité de la planète peut s'interpréter comme un des "prix à payer" de notre évolution.

 

Les vertus antidépressives du sperme

 

Dans les déphasages étudiés par la médecine évolutionnaire, on retrouve aussi la question de l'exposition à des lumières artificielles, rompant l'alternance saisonnière "naturelle" entre des périodes de fort et de faible ensoleillement, et qui pourrait être un facteur (parmi d'autres) de l'augmentation actuelle de certains risques sanitaires, à l'instar du cancer du sein chez les femmes travaillant de nuit.

 

D'autres hypothèses, encore, estiment que la popularisation des laits maternisés serait à prendre en compte dans l'étiologie de la dépression post-partum, voire de l'autisme. Dans le premier cas, ce serait parce que le biberon "simule" la perte d'un enfant et, dans le second, parce qu'il atténue des mécanismes évolutifs ayant mené à un certain espacement des naissances et favorise une ré-imprégnation trop précoce de l'utérus.

 

Un des représentants les plus éminents de cette médecine évolutionnaire est Gordon Gallup, chercheur affilié à l'Université d'Albany, et responsable des hypothèses parmi les plus brillantes (et les plus controversées) de ce champ disciplinaire.

 

C'est à lui qu'on doit, par exemple, l'idée que la forme du pénis humain aurait l'avantage d'expulser le sperme de rivaux, que le sperme a des vertus antidépressives ou que, pendant les premiers mois de la grossesse, les nausées matinales seraient d'autant plus fortes que la femme enceinte n'a pas été suffisamment exposée à la semence du géniteur du fœtus qu'elle porte.

 

Allergie au sperme = incompatibilité...

 

Sans surprise, la dernière étude de Gordon Gallup, publiée voici quelques jours, porte aussi sur le sperme. Dans cette synthèse, le scientifique, assisté de Collin Reynolds, ouvre le dossier de l'hypersensibilité au plasma séminal humain, l'autre nom de l'allergie au sperme – un trouble, là encore, d'apparition a priori récente, vu que le premier cas a été documenté en Allemagne, en 1958.

 

Pour Gallup et Reynolds, il faut commencer par distinguer deux formes de cette allergie : les cas où la réaction est permanente, quels que soient les partenaires, et celle où elle ne concerne que des spermes particuliers. Ici, l'allergie pourrait donc révéler des mécanismes évolutifs servant à décourager la femme de se reproduire avec un homme qui n'est pas un bon parti génétique pour elle.

 

Pour formuler cette hypothèse, Gallup et Reynolds rappellent que l'allergie au sperme possède une très faible composante héréditaire et/ou familiale et que, dans les (rares) cas où elle a été sérieusement étudiée, l'allergie ne concerne, de fait, que certains spermes et certaines femmes : une femme peut être allergique à un sperme et pas à un autre, et un sperme ayant déclenché une réaction allergique chez une femme peut très bien n'en déclencher aucune chez une autre.

 

... et infertilité

 

Par ailleurs, l'allergie n'est pas déclenchée par les spermatozoïdes (qui ne représentent que 5% du volume d'un éjaculat), mais par le liquide séminal dans lequel baignent les gamètes et qui semble porter une signature biologique "spécifique" à son propriétaire.

 

Les scientifiques citent enfin des études où l'allergie au sperme se solde par des problèmes de fertilité. Dans une de ces études, une femme allergique au sperme de son compagnon subit trois fausses-couches de premier trimestre et une autre donne naissance à un enfant qui meurt 22 jours après l'accouchement.

 

Dans un autre papier, une femme, par ailleurs mère de trois enfants en bonne santé et issus d'un premier mariage, "devient" allergique au sperme de son second mari, avec qui, sans aucun souci détectable au niveau de l'ovulation ou du spermogramme, elle n'arrive pas à avoir d'enfant.

 

Un test d'allergie dans les banques de sperme

 

Si l'hypothèse est passionnante, elle n'en reste pas moins fondée sur un très petit nombre de cas. Gallup et Reynolds mentionnent d'ailleurs une étude qui n'observe pas de lien entre allergie au sperme et problèmes de fertilité – tout en faisant remarquer qu'elle s'arrête à la naissance de l'enfant et est susceptible, de fait, d'ignorer des problèmes développementaux ultérieurs.

 

La prochaine étape sera donc de mener de telles études à long-terme sur les enfants nés de couples où la femme était allergique au sperme de son partenaire.

 

Si, comme le prédisent Gallup et Reynolds, ces enfants manifestent des problèmes de développement ou ont davantage de risques de souffrir de telle ou telle maladie grave, proposer aux clientes des banques de sperme un test permettant de détecter une éventuelle allergie au candidat choisi aura tout d'une bonne idée.