Le syndrôme du petit Y

Publié par lericou06 le 29.04.2014
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 U.S. National Library of Medicine)

L'évolution a considérablement réduit la taille du «chromosome mâle», le Y. (Image : U.S. National Library of Medicine)

Pendant longtemps, on a cru que le chromosome Y, qui détermine le sexe masculin chez les mammifères, ne servait à pas grand-chose d’autre qu’à être un marqueur sexuel. Enfin, on se doutait qu’il avait d’autres rôles, mais ceux-ci n’étaient pas très clairs.  D’ailleurs, l’évolution a impitoyablement réduit le «chromosome mâle» depuis son apparition il y a entre 200 et 300 millions d’années, lui faisant perdre des gènes jusqu’à ce qu’il ait l’air d’un nabot à côté du chromosome «féminin», le X — voir l’image ci-haut. De mauvaises langues racontent en outre que si les mâles de tant d’espèces arborent de si grosses crinières, se font pousser de si grands panaches et achètent de si rutilantes Corvettes, c’est à cause d’un «syndrome du petit Y» qui les inciterait à cacher leur honte sous des apparences de forces, mais laissons ces médisants à leurs balivernes.

Car messieurs, nous voici enfin vengés ! Une étude parue aujourd’hui dans Nature vient en effet de trouver des fonctions — faudrait pas manquer le pluriel ici, hein : pas «une», mais «des» fonctions — si cruciales à «notre» chromosome qu’elles ont été conservées depuis des dizaines de millions d’années, et dans certains cas depuis notre séparation d’avec les marsupiaux.

Blagues à part, on savait que le Y conservait toujours environ 3 % de ses gènes initiaux (soit une cinquantaine en tout chez l’homme) et donc servait à quelque chose, mais cette étude les replace dans leur contexte évolutif d’une manière particulièrement éclairante.

Les gènes, comme on le sait, sont de longues chaînes d’ADN qui se replient sur elle-mêmes de nombreuses fois pour former des chromosomes. L’espèce humaine en compte 23 paires, dont la dernière est constituée de deux X pour les femmes, et de XY pour les hommes. Une équipe américaine dirigée par Daniel W. Bellott, de l’Université Cambridge, a examiné dans le détail les chromosomes Y de quatre primates (humain, chimpanzé, macaque rhésus, ouistiti), trois autres espèces plus éloignées (rat, souris, bœuf) et d’un marsupial (oppossum d’Amérique du Sud). Les marsupiaux, rappelons-le, ne pondent pas d’œufs et allaitent leurs petits, mais leurs embryons «naissent» extrêmement prématurés et finissent leur gestation dans la poche ventrale de leur mère — contrairement aux mammifères «placentaires» comme nous, chez qui l’embryon croît beaucoup plus longtemps avant de naître.

Et ce que Bellott et al. ont trouvé, c’est que plusieurs des gènes présents sur le chromosome Y ont été remarquablement bien conservés chez plusieurs espèces. Deux d’entre eux remontent même à la période où l’évolution a commencé à différencier les placentaires des marsupiaux, ce qui est un signe très fort que l’évolution n’a pas retranché des gènes aléatoirement au chromosome Y. Ces deux gènes sont impliqués dans la «condensation de l’ADN», soit son enroulement en chromosomes.

Ces deux-là font partie d’un noyau d’une douzaine de gènes se trouvant sur le Y de plusieurs espèces. Les protéines qu’ils encodent sont quant à elles impliquées des processus vitaux comme la production de protéine et la transcription des gènes. Assez loin de la masculinisation du fœtus, disons…

Entre outre, 36 gènes analysés étaient présents à la fois sur le X et sur le Y chez au moins une des huit espèces étudiées, possiblement un signe que ces gènes doivent être exprimés en quantité.

Alors messieurs, vous pouvez désormais redresser la tête et marcher fièrement. J’ignore toutefois ce qu’il convient de faire avec vos Corvettes…

Commentaires

Portrait de cyril13

...si j'ai un petit " y " !...

A partir de ce jour, j'écrirai mon prénom ainsi :

                            cYril

Et le premier (ou première) qui rigole ou esquisse un sourire, je porte plainte contre X....