Pays du Sud : efficacité d’une troisième ligne d’ARV

28 Juillet 2017
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Dans les pays du Sud, l’accès aux traitements antirétroviraux pour les personnes vivant avec le VIH/sida s’est considérablement amélioré ces dernières années, mais il n’est pas encore optimal, note l’ANRS. Le nombre croissant de personnes sous antirétroviraux pose toutefois de façon de plus en plus aiguë la problématique des échecs thérapeutiques, après une première ligne ou deuxième ligne de traitement. Chez les personnes dans cette situation, les mutations de résistance du VIH sont fréquentes et souvent croisées entre plusieurs médicaments, ce qui pose le problème de quoi proposer comme nouvelle stratégie de prise en charge. Quel traitement antirétroviral peut leur être proposé en troisième ligne, dans un contexte d’accès limité aux tests de mesure de la charge virale, pour déterminer l’échec virologique et plus encore aux tests génotypiques (qui identifient les mutations de résistance) ? Pour ce faire, l’ANRS a lancé une cohorte thérapeutique ANRS 12269-Thilao (third line antiretroviral optimization), dont l’objectif était d’explorer une stratégie thérapeutique de 3ème ligne chez des personnes en échec virologique sous trithérapie de deuxième ligne. Lancée en mars 2013, cette étude a inclus 201 personnes dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal). Que ce soit pour la première ou la deuxième ligne, le traitement de ces personnes était conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), précise l’ANRS dans un communiqué. L’étude prévoyait deux interventions successives chez ces personnes en échec thérapeutique. Dans un premier temps et pour l’ensemble d’entre elles, un renforcement de l’observance par une série de mesures (piluliers, appels téléphoniques, groupe de soutien, etc.). Les personnes ont poursuivi leur traitement de deuxième ligne pendant quatre mois. Ensuite, à l’issue de ces quatre premiers mois, une mesure de la charge virale a été effectuée afin de déterminer la décision thérapeutique : soit le maintien de la trithérapie de deuxième ligne chez les personnes dont la charge virale était redevenue indétectable ; soit un changement de traitement pour une troisième ligne d’antirétroviraux chez les personnes avec un échec virologique confirmé. Le nouveau traitement associait des antirétroviraux de dernière génération encore jamais pris par les personness : le darunavir boosté par le ritonavir (anti-protéase) et le raltégravir (anti-intégrase). Dans les deux cas, les personnes ont été suivies pendant 48 semaines supplémentaires. A l’issue des quatre mois de renforcement de l’observance, les résultats montrent que 66 % des personnes ont pu maintenir leur traitement de deuxième ligne, leur charge virale étant à nouveau indétectable. "Cela indique qu’une majorité des patients considérés comme étant en échec virologique ne l’étaient pas réellement, expliquent les Dr Roland Landman et le Pr Serge Eholié, responsables de la cohorte. Les patients rencontraient, en fait, des difficultés d’observance. Ce constat doit conduire les cliniciens à intervenir sur l’observance avant d’envisager toute décision thérapeutique". Chez les personnes qui ont pris la troisième ligne de traitement antirétroviral, l’étude montre que 62 % d’entre elles avaient une charge virale indétectable après 48 semaines. Aucun effet indésirable sévère n’a été observé. Ce résultat atteste ainsi qu’il est possible d’obtenir une bonne efficacité avec une troisième ligne d’antirétroviraux dans les pays du Sud. "L'étude ANRS Thilao confirme la nécessité de renforcer l'observance qui doit se maintenir dans le temps. Et le temps se mesure à l'échelle de toute une vie … Thilao apporte également des éléments solides qui doivent maintenant plaider en faveur de l’accès aux traitements de troisième ligne pour les patients qui, malgré ces efforts, sont en échec thérapeutique dans les pays à ressources limitées", résume le Pr François Dabis, directeur de l'ANRS. "Il faut impérativement réfléchir à la manière d’utiliser la charge virale dans les pays du Sud, indiquent Serge Eholie et Roland Landman, afin d’éviter de prescrire à tort les antirétroviraux de dernière génération, qui sont nettement plus chers que les plus anciens. C’est un enjeu de santé publique pour tous les pays à ressources limitées".