Les rencontres n’ont rien à voir avec le hasard

Publié par Béatrice le 31.01.2017
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J’ai croisé Béatrice qui m’a interpellée avec cette drôle de question : "Qu’est-ce que le VIH est venu faire dans ma vie et qu’est-ce que je vais en faire maintenant ?"

J’ai appris ma séropositivité en juin 2015, suite à un bilan biologique que je demande à mon médecin traitant. Je ressentais une extrême fatigue depuis plusieurs mois et ma santé déclinait. J’ai quitté son compagnon depuis peu. Une rupture qui s’imposait, après deux ans de relation, parce que trop de violences psychologiques et verbales. Je ne sais pas s’il se savait séropositif, tout ce que je sais c’est qu’il ne prenait pas de traitement. Je l’ai informé de ma contamination pour qu’il se soigne et protège les autres. Il m’a demandé pardon, pardon, pardon !

Etrangement, j’ai d’abord pensé à mon travail puis je l’ai annoncé à mes enfants, qui sont adultes aujourd’hui. Ma fille l’a reçue avec fatalité et mon fils était en colère de mon absence de colère. Je ne ressentais pas de colère du tout, même si je me rendais bien compte qu’il y avait quelque chose de "malsain" à ma réaction. J’ai alors décidé d’entamer un travail en psychanalyse transgénérationnelle (1) et personnelle.

La relation avec l’homme avec qui j’ai partagé ma vie pendant deux ans était particulière, une relation déséquilibrée pendant laquelle je l’ai débrouillé de plein de soucis et beaucoup aidé. La seule chose qu’on partageait vraiment, c’était la sexualité ; nous n’avions pas d’activités en commun, ni de loisirs et même pendant les vacances, c’était compliqué. Il était jaloux, possessif et colérique. Avant lui, j’ai été mariée pendant 20 ans avec le père de mes enfants qui était aussi d’un tempérament possessif et jaloux. Deux histoires qui indéniablement se faisaient écho. Je me suis dit que si je devais rencontrer un troisième homme alors celui-là me tuerait carrément.

La transmission du VIH, c’est d’abord la transmission d’un virus potentiellement mortel, c’est ce qui est ancré encore aujourd’hui dans l’inconscient collectif. Dans sa propre histoire, mon compagnon a vécu un crime rituel, perpétué sur sa mère par son père. Une croyance en Afrique qui dit que tu récupères les qualités, la force et le pouvoir de celui ou celle que tu as sacrifié. A l’époque, il y a bien eu un début de procès qui, faute de preuves, a été abandonné. Mon compagnon a gardé une grande colère de son passé de vie d’adolescent ; une colère qui ne l’a jamais quitté et qu’il n’est jamais parvenu à transformer.

Après ma contamination, je me suis vue comme "victime" deux fois de la même histoire. Il faut vraiment que je sois à bout, dans tous les sens du terme, pour que je mette fin à mes relations affectives. Une prise de conscience qui m’a questionnée sur mes motivations à me lancer dans des relations amoureuses qui m’anéantissent.

Le travail de psychanalyse transgénérationnnelle que j’ai débuté depuis un an m’a permis de comprendre beaucoup de choses en repensant à mon propre passé. J’ai grandi près d’une mère alcoolique qui a fait ce qu’elle a pu, mais j’ai vécu sa violence insensée et la honte. Mon père était présent, mais ça n’a pas été suffisant pour que je grandisse dans un milieu sécurisant. En remontant davantage encore, j’ai appris que ma mère avait été victime d’un inceste et qu’un de mes grands pères avait entretenu une relation incestueuse avec une de ses filles qui avait porté son enfant. Des faits tragiques qui enferment les possibilités de vie pour les générations suivantes.

Ces derniers temps, j’ai choisi de vivre en m’isolant. Un isolement nécessaire pour goûter à la sensation de vide, pour me détacher et me laisser de la place au sein de ma propre vie. J’étais probablement en état dépressif, mais j’ai refusé toute aide médicamenteuse, ce que je ne regrette pas aujourd’hui.

Dans VIH, il y a vie. Je le prends comme un grand virage de ma vie. Je me suis défaite de tous les rôles que j’ai joués depuis ma naissance jusqu’à mes 55 ans, pour mieux me mettre à nu. Etre contaminée par le VIH, c’est vraiment se mettre à nu. Je vais commencer une nouvelle vie, ne plus chercher à correspondre aux attentes des autres pour mieux chercher ce qui me fait plaisir. Je suis infirmière, alors, par essence, j’anticipe le besoin des autres. J’ai tout donné aux autres : mon énergie, mon argent et ma santé. Je n’ai pas su me protéger par excès de confiance, mais je n’en veux pas à mon compagnon, je lui ai pardonné.

Aujourd’hui, je veux d’abord exister pour moi et non plus à travers les seuls regards et attentes des autres.

(1) : La psychanalyse transgénérationnelle appelle "un fantôme", une structure psychique et émotionnelle parasite, issue de l’un ou de plusieurs de ses ancêtres, portée et agie inconsciemment par un descendant. Cette notion a été introduite dans la psychanalyse à la fin des années 1970 par un personnage tout autant poète que psychanalyste, Nicolas Abraham, et par sa compagne, Maria Török. Ces "fantômes" se signalent principalement par la répétition de symptômes, de comportements aberrants, de schémas relationnels stériles provoquant pour certains des difficultés de vie de toutes sortes et des affections psychiques assez graves.
 
Propos recueillis par Sophie Fernandez


Commentaires

Portrait de hellow

je m'interroge sur ce que la psychanalyse transgénérationnelle appelle "un fantôme" ?!.


n'est-ce pas simplement "un conditionnement" de plus en héritage........à l'image de l'hétérosexualité et du sexuellement correct ?

Portrait de Alex62

 Pour aller de l'avant on doit trouver cet apaisement pour suporter cet echec !

 Et avancer encore et toujours plus loin dans la vie .

Portrait de cemekepirketou

Il y a plein de façon d'appeler l'étude de l'arbre généalogique pour y déceler des antécédents faliliaux ayant des influences sur nos vie.

J'ai étudié à Paris avec Ajejandro JODOROWSKY, qui développer la psycho-généalogie comme mode thérapeutique. Comme beaucoup de gens se sont emparé du terme pour plus en faire un commerce que pour aider à guérir, Alejandro a trouvé un autre terme : Métagénéalogie, titre d'un de ses livres qui est sorti en poche, ce livre est une mine d'or, facile à lire car n'utilisant pas de concept compliqué, de surcroît parce qu'il l'a écris avec son ancienne compagne : Maianne COSTA ; la prose est donc empreinte des deux sensibilité complémentaires.

Le pricipe est simple : tout ce qui s'est passé de trouble dans notre famille nous influence négativement.

Un des cas le plus marquant est quand un bébé est mort juste avant nous, si les parents n'ont pas fait de travail de guérison, l'enfant suivant, nous, viendra replacer le mort. Mais ce bébémort nous reste collé dans le dos, et toute notre vie nous avont la sensation de ne pas exister, ne pas trouver sa place. C'est d'autant plus clair quand le prénom du remplaçant ressemble à celui du mort, exemple : le bébé mort s'appelait Christelle, le nouveau s'appelle christophe.

Pour le VIH j'ai été un des sujets d'étude d'une serie de cours sur les séropos chez Alejandro, tous les arbres des personnes étudiées portaient la non transmission d'une culture, la transmission de la culture est symbolisée par le sang : avoir du sang russe, juif etc. Dans mon cas, c'est mon grand-père juif, immigré d'allemagne qui s'est marié avec ma grand-mère catholique pour fuir sa culture dans les années 30, il n'a jamais rien transmis à ses enfants de sa culture, même pas sa langue natale dont il avait gardé un très fort accens.

Devenir séropo a été la plus belle expérience qui m'a fait prendre conscience de la valeur de la vie, et ça reste mon bijoux le plus précieux. Ertudier avec Alejandro m'a permis de sortir des pièges familiaux à cause desquels j'ai perdu beaucoup de temps à ne pas faire grand chose, et à partir du moment où j'ai fait un psychodrame dans le même cours pour parler à des parents symboliques, et avoir tout dit à mes vrais parents quelques semaines après, j'ai commencer à réaliser plein de vieux rêves, et c'est pas fini, même à 58 ans.

Portrait de Pierre75020

Intrigué  par la psychanalyse transgénérationnelle d'une part par la Métagénéalogie d'autre part dont nous parle ces deux témoignages, j'aimerais savoir comment on parvient à découvrir des secrets aussi lourds , longtemps tus .J'ai fait une analyse freudienne classique  à la fin des années 80 puis une psychothérapie courte après la contamination en 2015, je ne suis parvenu qu'à faire revenir, avec beaucoup d'émotion il est vrai ,des souvenirs fugaces comme celui du visage de ma mère quand j'étais petit enfant.J'ignore tout de ce qu'a été la vie intime de mes parents et grands parents.Il est possible que mon travail analytique fut insuffisant.

Portrait de gys

Merci et bravo pour ton témoignage dans lequel je me retrouve, je vih avec depuis 27 ans.

Bon courage, je te souhaite de t'épanouir et changer ton "Aura" pour attirer des personnes qui te chérirront.

Pensées amicales !

Gys

Portrait de Lililete

Je suis très émue en lisant ce témoignage car je retrouve un peu de mon histoire, un destin, une vie brisée par des secrets de famille, des parents défaillants et maltraitants et un compagnon violent. Violences verbales, psychologiques et physiques. Je l'ai quitté mais le traumatisme est encore là.