31 mai, Journée mondiale sans tabac

Publié par jfl-seronet le 31.05.2017
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La date reste largement méconnue, mais chaque année, le 31 mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses partenaires célèbrent la Journée mondiale sans tabac. Son but ? Souligner les risques pour la santé liés au tabagisme et défendre des "politiques efficaces pour réduire la consommation de tabac". Pour 2017, le thème retenu pour cette journée est : "Le tabac – une menace pour le développement".

Cette année, l’OMS tient donc à mettre en évidence la"menace que représente l’industrie du tabac pour le développement durable de tous les pays", notamment en matière de santé et de "bien-être économique" de leurs citoyens. Elle compte aussi préconiser aux autorités et au grand public des "mesures à prendre (…) en vue de promouvoir la santé et le développement en luttant contre la crise mondiale de tabagisme. Son credo en 2017, c’est : "La lutte antitabac favorise la santé et le développement".

"Tous les pays peuvent tirer profit de la lutte efficace contre l’épidémie de tabagisme, avant tout en protégeant leurs citoyens contre les dangers du tabagisme et en réduisant ses conséquences économiques sur les économies nationales", explique l’OMS.

La lutte antitabac est inscrite dans le Programme de développement durable. Elle est considérée comme un des moyens les plus efficaces de contribuer à la réalisation de la cible 3.4 consistant, d’ici à 2030, à réduire d’un tiers le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles dans le monde, notamment les maladies cardiovasculaires, le cancer et la pneumopathie obstructive chronique.

Pour la santé et l’environnement

"Outre le fait de sauver des vies et de réduire les inégalités en santé, les programmes complets de lutte antitabac permettent de limiter les conséquences environnementales négatives de la culture, de la fabrication, du commerce et de la consommation de tabac", expliquent les experts de l’OMS. Et l’agence onusienne d’argumenter : "La lutte antitabac contribue à rompre le cycle de la pauvreté, à éliminer la faim, à promouvoir l’agriculture durable et la croissance économique, et à lutter contre les changements climatiques". De plus, "l’augmentation des taxes sur les produits du tabac peut également contribuer au financement de la couverture sanitaire universelle ainsi que d’autres programmes de développement mis en place par les pouvoirs publics".

La lutte antitabac, l’affaire de tous

Accélérer les efforts de lutte antitabac ne revient pas uniquement aux autorités nationales. "Chacun peut apporter sa contribution pour que l’on puisse parvenir à un monde sans tabac de façon durable (…) Les consommateurs de tabac peuvent cesser de fumer ou demander de l’aide pour y parvenir, ce qui, en retour, protège leur santé ainsi que celle des personnes exposées à la fumée du tabac. Par ailleurs, les ressources qui n’auront pas été consacrées au tabac pourront être utilisées pour répondre aux besoins essentiels, notamment l’achat d’aliments sains, les soins de santé et l’éducation.

Le tabagisme en quelques chiffres

Le tabagisme provoque près de six millions de décès annuels dans le monde, chiffre qui est appelé à augmenter et pourrait atteindre plus de huit millions de décès chaque année d’ici à 2030 si la lutte contre le tabac n’est pas plus efficace, rappelle l’OMS.

"Les coûts du tabagisme pour les économies nationales sont considérables en raison des coûts accrus des soins de santé et de la baisse de la productivité. Le tabagisme aggrave les inégalités en santé et la pauvreté, car les personnes les plus pauvres consacrent moins de ressources aux besoins essentiels tels que les denrées alimentaires, l’éducation et les soins de santé. Quelque 80 % des décès prématurés dus au tabagisme surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire qui ont plus de difficultés à atteindre les objectifs de développement", rappelle l’agence internationale.

Sans contrôle, l’industrie du tabac et l’impact mortel des produits qu’elle fabrique coûtent aux économies plus de 1000 milliards de dollars (US $) par an à l’échelle mondiale en dépenses de santé et en perte de productivité, selon les constatations publiées dans "The economics of tobacco and tobacco control".

On compte dans le monde 1,1 milliard de fumeurs de tabac âgés de 15 ans et plus, dont 80 % environ vivent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Environ 226 millions d’entre eux vivent dans la pauvreté.

Plus d’un décès sur dix dans le monde (équivalent à 6,4 millions de décès) est causé par le tabagisme et la moitié de ceux-ci se produisent dans seulement quatre pays : la Chine, l'Inde, les États-Unis et la Russie, selon les dernières estimations de l'étude "Global Burden of Disease" publiée dans "The Lancet". Les nouvelles estimations sont basées sur le tabagisme dans 195 pays et territoires entre 1990 et 2015 et illustrent que le tabagisme demeure un facteur de risque majeur de décès et de handicap.

Du côté de l’environnement, l’OMS pointe que "la culture du tabac nécessite de grandes quantités de pesticides et d’engrais qui peuvent être toxiques et polluer les sources d’approvisionnement en eau. Chaque année, la culture du tabac utilise 4,3 millions d’hectares de terres, ce qui entraîne une déforestation à l’échelle mondiale située entre 2 % et 4 %. Par ailleurs, la fabrication des produits du tabac produit deux millions de tonnes de déchets solides".

Des solutions… en chiffres

Aujourd’hui, plus de la moitié des pays du monde représentant près de 40 % de la population mondiale (2,8 milliards de personnes) ont appliqué au moins une des mesures d’un bon rapport coût/efficacité de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.

Une augmentation de 1 dollar (US $) des taxes sur les cigarettes permettrait d’obtenir 190 milliards de dollars (US $) supplémentaires pour le développement. Des taxes sur le tabac élevées contribuent à la production de recettes fiscales pour les pouvoirs publics, à la réduction de la demande de tabac et permettent de dégager un flux de recettes important pour financer les activités de développement.

Selon les données d’une étude de 2016, les recettes annuelles provenant des droits d’accise (un impôt indirect qui touche la consommation de certains produits spécifiques) sur les cigarettes pourraient augmenter à l’échelle mondiale de 47 %, soit 140 milliards de dollars (US $), si tous les pays les relevaient de 0,80 par paquet. De plus, cette hausse augmenterait les prix de vente au détail des cigarettes de 42 % en moyenne, entraînant une baisse de 9 % des taux de tabagisme et jusqu’à 66 millions de fumeurs adultes en moins.

Reste que taxer ne suffit pas, il faut affecter les sommes ainsi prises à la lutte contre le tabac et ses effets. En 2013-2014, les droits d’accise sur le tabac ont rapporté dans le monde près de 269 milliards de dollars (US $) aux gouvernements. Sur cette somme, moins de 1 milliard a été investi dans la lutte antitabac.

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VIH et tabac : ne pas laisser partir nos vies en fumée ! Journée mondiale sans tabacLes poumons des séropos trinquent

Si les effets néfastes du tabac sont avérés, représentant 13% des décès en France métropolitaine en 2013 (soit 73000 personnes) [1], cela l’est d’autant plus chez les personnes séropositives au VIH pour lesquelles les conséquences du tabac sont décuplées. En effet, la fragilisation des défenses immunitaires par l’infection permet aux cancers, en général, de se développer plus facilement, plus précocement et de manière plus agressive et augmente les difficultés à les traiter et à en guérir. La gravité des cancers monte crescendo au fur et à mesure de la baisse de l’immunité.

Ainsi, les séropositifVEs ont, à niveau de tabagisme égal, plus de risques de développer un cancer du poumon que les séronégatifVEs. Ce cancer broncho pulmonaire (CBP) est le plus fréquent des cancers non classant sida avec un risque environ 2,5 fois plus élevé par rapport à la population générale et une apparition plus précoce (50 ans en moyenne contre 65 ans). Il est la première cause de mortalité par cancer chez les personnes vivant avec le VIH, soit 9% des décès (Morlat 2013). Cela résulte des chances de survie très mauvaises en fonction des stades d’avancée du cancer et du niveau de CD4 : 43 mois pour les premiers stades, I et II, très localisés, 3 mois pour les stades localement avancés voire métastatiques, amélioration notée au-dessus de 200 CD4/mm3 [2].

De plus, l’interaction entre les traitements anticancéreux et les antirétroviraux de la classe des INNTI et des IP peuvent engendrer une réduction de l’efficacité du traitement anticancéreux ou provoquer une augmentation de sa toxicité et des effets secondaires.

Tabac et infection à HPV : le duo gagnant du cancer du col de l’utérus

Nous avons déjà rappelé les risques pour les personnes séropositives de fréquence des cancers liés aux HPV (col de l’utérus, anal, du pénis, oro-pharingés) [3].

Le tabac se révèle être un facteur favorisant l’évolution des lésions des tissus atteints par le HPV et notamment la souche HPV16, vers un cancer. Dans le cas du cancer du col de l’utérus, une étude suédoise [4] a mis en évidence la conjonction du tabac et du HPV16 dans le risque de cancer : x 14 chez les femmes fumeuses contre x 6 chez les non fumeuses. La charge virage entre également en compte, avec un risque x 27 chez les fumeuses ayant une charge virale élevée. De plus, l’ancienneté du tabagisme et le nombre de cigarettes fumées par jour augmente la sévérité des lésions cancéreuses [5].

La corrélation tabac et cancer se fait également dans le cadre du tabagisme passif. Une étude a montré que le pourcentage de femmes dépistées avec une lésion de haut grade augmentait de 4,6% si le conjoint était fumeur [6].

Pourquoi ce sur-risque ?

Il semblerait que le tabac prolonge la persistance du HPV dans les tissus du col utérin et freine la disparition spontanée du virus (clearence), par l’action d’un des composants de la cigarette, le benzo(a)pyrène, qui stimule la réplication de virions du HPV. Cette persistance serait aidée par l’action négative du tabac sur l’immunité des cellules du col de l’utérus, par la baisse des cellules de Langerhans qui jouent un rôle essentiel dans l’immunité de cette zone.

Enfin, lors de relations sexuelles, le liquide séminal d’unE partenairE fumeurSE présenterait des éléments carcinogènes qui entrant en contact direct avec les parois du col de l’utérus jouerait un rôle dans la dégradation vers un cancer des tissus du col [7].

Tout chemin vers l’arrêt du tabac est fortement recommandé par les instances sanitaires. Cela peut passer par les différents instruments à disposition à l’heure actuelle, réduction du nombre de cigarettes, gommes, patchs nicotiniques, vapotage ou arrêt total.

Pour une réussite de ce parcours de sevrage, il faut s’attacher à identifier les causes comportementales et sociales de la pratique du tabagisme, avec un regard spécifique sur les séropositifVEs, dont les vies entachées de discriminations, de difficultés socio-économiques et du vécu personnel de la maladie (enquête Vespa 2) influent sur ce taux élevé de tabagisme chez euxELLES.