L'indifférence gay

Publié par Rimbaud le 16.10.2017
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         Vendredi soir, soirée lyonnaise entre pédés.

-          Au fait, vous êtes allés le voir le film 120 battements par minute ?

J’avais lu quelques jours plus tôt le témoignage de Didier Lestrade qui déplorait que les gays ne se rendent pas dans les salles. Un film fait par des gays, sur les gays, pour les gays ne fait pas se déplacer les gays.

-          Non, non… C’est quoi ? C’est ce truc sur le SIDA ? Ah non, moi ça me déprime ce genre de sujet !

-          Et vous deux ?

-          Non… Je me suis dit que je le verrai sur TF1.

-          Et toi ?

-          Moi je voulais, mais la carte ciné n’est pas à mon nom et il voulait pas aller le voir.

-          Et alors tu peux pas te payer une place ?

-          Tu sais combien ça coûte chez nous le ciné ?

Je réprime une violente colère que je sens monter en moi. Je les regarde. Je comprends. Je comprends que la majorité des homos, dont je suis, s’est construite en dehors de Paris, en dehors du Marais, en dehors des boîtes, en dehors des bars gay, en dehors des associations, en dehors des cercles, en dehors de toute communauté. Moi qui n’ai participé qu’une seule fois à la worldpride par hasard, en angleterre, par pure coïncidence, moi qui ne me suis jamais senti représenté dans les médias, moi qui n’ai jamais reçu aucune aide d’aucune sorte, moi qui, comme eux, ai construit ma vie de gay en totale indépendance, dans les couloirs sinueux des réseaux virtuels, je les comprends. Ils ont passé leur vie à se protéger de tout ce qui pouvait ressembler à un groupe, à un enfermement et ils sont parvenus à construire leur vie en autarcie. Tout ceci ne les concerne donc pas.

Vraiment ? Tout ceci ne les concerne pas ? Aussitôt, je déplore leur manque de connaissances, leur confort petit bourgeois, héritiers qu’ils sont de ceux qui ont élevé la voix pour, dans leur intérêt, leur permettre de ne plus être considérés comme des criminels, de ne plus vivre en étant fichés, de ne plus avoir à raser les murs, à se dissimuler. Ils avancent sans éprouver aucune reconnaissance, ils ne se sentent redevables de personne s’étant forgé en dehors de la communauté illusoire qui n’est au fond qu’un vaste merdier. Avec le recul, au lieu de tenter de leur expliquer que le propre du cinéma, c’est de provoquer des émotions, j’aurais dû leur dire : « moi je suis séropo et c’est important pour moi que vous alliez voir ce film ». Ça aurait été plus direct, plus courageux, plus efficace, plus honnête.

Commentaires

Portrait de fighter48

Mon fils y est allé avec son groupe de copain dont au moins un gay et j'ai un ancien employé qui y est allé à la meme seance de mon fils avec des amis( je sais pas s 'il est gay) , ils ont trouvé le film poignant , j'irais le voir en tant que gay et seropo .... et avec mon chéri seroneg ça me comble de joie, j'attend ce moment avec impatience.

Portrait de Rimbaud

J'y suis moi aussi allé avec mon chéri qui est séroneg, sous le choc tous les deux.

Portrait de dijaf

j’y suis allé seul en étouffant des sanglots...

Portrait de Rimbaud

ça m'a donné envie de lire la bio d'act up du coup, ça donne une idée moins cinématographique de la réalité, j'avais besoin d'avoir une vision critique de cette période (je parle de ma vision, pas celle de l'auteur), tout ceci est passionnant et ça n'enlève rien au film ;)

Portrait de fighter48

impossible pour moi d etre aller le voir sceance qui ne correspondaient pas et trop loin de chez nous . on attendra le dvd !!!