Hommes et femmes, situations et parcours différents

Publié par olivier-seronet le 14.04.2010
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Casa 2010
Quand on devient sero+, on affronte une nouvelle vie et de nouvelles difficultés qui s'ajoutent parfois à celles déjà existantes. Parfois la discrimination sociale s'exerce là où l'on ne l'attend pas. Qu'il s'agisse des femmes ou des hommes, la société impose souvent des obligations en contradiction avec nos propres besoins de santé. Plusieurs sessions sur le genre et la séropositivité ont eu lieu lors de la 5e conférence francophone VIH/sida de Casablanca. Seronet vous en dit plus.
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En parler ou pas ?
"Quelles stratégies pour accompagner les femmes dans le partage de la sérologie avec le conjoint ?" Tel était le sujet évoqué par Mariam Sanou Konaté de la Maison des associations de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), une réflexion autour de l'intérêt pour les femmes à évoquer ou pas leur statut sérologie avec leur conjoint, des avantages mais aussi des risques qu'il y a à le faire. L'annonce de la sérologie reste la plupart du temps une difficulté majeure, d'où la nécessité d'accompagner ces femmes dans la démarche. Le Burkina Faso est le deuxième pays le plus touché par l'infection à VIH en Afrique de l'Ouest. 71 % des personnes prises en charge sont des femmes. En couple, les blocages empêchant l'évocation du statut sérologique avec son partenaire sont multiples. Les raisons sont diverses et sont liées à la honte relative à la maladie, la peur des conséquences de cet "aveu". Ces situations, de nombreux séropositifs y sont confrontés dans le monde entier. Le fait d'être une femme ajoute une dimension supplémentaire du fait de la dépendance au mari, qu'elle soit économique ou financière. Elle complique très sérieusement l'annonce de la séropositivité. Le fait de ne pas en parler ou du moins de ne pas être en situation de pouvoir le faire librement génère alors stress, gène et solitude, mais aussi une moindre fréquentation d'un centre de prise en charge, une mauvaise observance, des grossesses non désirées qui ne sont alors pas forcément suivies médicalement ... et plus largement une dégradation de la qualité de vie.  Plusieurs stratégies sont possibles pour contrer cette situation : la mise en place d'équipes de conseillers et de suivi, la création de groupes de parole, le partage des stratégies avec les femmes ayant déjà annoncé leur statut au conjoint. L'association Espoir pour demain, créée en 2003, travaille sur ce sujet et vise à aider les femmes à "faire la balance" entre les risques sociaux et familiaux de l'annonce et le risque pour ces femmes ainsi que celui lié à la transmission du VIH à l'enfant ; un enfant qu'il faut souvent avoir pour respecter l'injonction sociale à être mère… donc femme accomplie. La plupart des femmes préfèrent alors un soutien de l'association pour l'annoncer au mari et à la famille. Le dire au mari, c'est essayer ensuite d'amener celui-ci à se faire dépister. Bien sûr, les difficultés ne s'aplanissent pas à chaque fois. Il existe un risque réel de rejet et de stigmatisation.

Autre pays, autre problématique. Au Maroc, une étude réalisée auprès de 133 femmes séropositives a permis d'observer la double discrimination à l'œuvre dans les centres de prise en charge et les familles (le fait d'être séropositif et femme). Le contexte marocain entraîne une inégalité forte entre hommes et femmes, avec une absence de pouvoir pour celles-ci à tous les niveaux et cela dans un contexte socioculturel défavorable. Il y a actuellement 25 000 séropositifs au Maroc. La transmission est hétérosexuelle à 87 % et 75 % des femmes sont infectées par leur mari. Les stratégies de type ABC (abstinence, fidélité et préservatif) parfois promus sont inefficaces. Les femmes n'ont pas le pouvoir pour imposer le préservatif, obliger leur partenaire à la fidélité ou s'abstenir dans une société où elles sont soumises à un devoir social de procréation. Imposer le préservatif à leur mari, c'est aussi craindre d'être soupçonnée de ne pas être clean, explique Abdessamad Benalla de l'Association marocaine de lutte contre le sida (ALCS).  L'étude menée par Abdessamad Benalla montre aussi que les femmes sont deux fois plus discriminées dans le milieu des soins, ce qui a un impact sur l'accès au traitement ou le refus de traitement. Par ailleurs, plus de femmes que d'hommes sont dépistées à leur insu ou obligées de faire le test. Leur séropositivité est aussi souvent divulguée sans leur accord. La discrimination envers les femmes séropositives est forte, ce qui a un impact direct sur leur capacité de prévention. La situation des femmes séropositives n'est guère enviable. L'une d'entre-elle explique : "Ma famille m'a expulsée. Je loue une chambre actuellement. Je n'ai pas de quoi payer le loyer". Au travail, le fait de devenir séropositive diminue leur capacité à conserver un emploi (35 % des femmes ont un emploi avant de connaître leur statut sérologique et seulement 25 % pour celles séropositives). S'il y a un réel recul des discriminations au fil des années, il reste encore beaucoup de travail à faire selon l'ALCS. Ainsi les discriminations sont encore fréquentes dans les services de gynécologie, chez le dentiste, en ophtalmologie. Elles sont, en revanche, rares dans les services spécialisés de prise en charge du VIH.

Mais où sont les hommes ?
Retour au Burkina. Chercheuse au Centre National de Recherche Scientifique et Technique, Blandine Bila s'est intéressée aux hommes et leurs réticences à fréquenter les lieux de prise en charge des personnes infectées par le VIH. On dit souvent que les femmes sont en Afrique les principales victimes de l'épidémie, car elles sont plus vulnérables socialement et physiologiquement. C'est vrai. Mais la discrimination fondée sur le genre a aussi d'autres impacts, et étonnement sur les hommes. Nombres de programmes ont été mis en place pour prendre en compte la dimension de genre de l'épidémie. L'un des paradoxes qui a alors été observé est le fait qu'on remarque finalement une certaine invisibilité des hommes dans les associations de lutte contre le sida et les programmes de prise en charge (PEC). Blandine Bila a menée une série d'entretiens au Burkina Faso entre 2003 et 2009 auprès de 53 séropositifs afin de comprendre les raisons de cette "invisibilité" dans les  programmes de prise en charge. La prévalence du VIH dans la population est d'environ 1,4 %, prévalence identique entre hommes et femmes. L'accès aux antirétroviraux existe depuis plusieurs années. Il est complètement gratuit depuis janvier 2010. Les centres de prises en charge sont ouverts à tous et quand on observe qui les fréquente, on remarque que lorsque trois à cinq femmes y viennent, il n'y a que deux hommes qui font de même. En étudiant la répartition hommes/femmes chez les séropositifs sous traitement, il y a trois à six femmes pour deux hommes seulement. Pourquoi ces différences ?


Blandine Bila apporte plusieurs explications. Tout d'abord, les femmes se cacheraient moins du fait de leur responsabilité en tant que mère ou future mère. Des entretiens avec les hommes émergent aussi d'autres éléments. Les hommes sont plus réticents à fréquenter les centres de prises en charge du fait des contraintes d'accès qu'ils négocient moins bien. Ainsi pour accéder au traitement, il faut couramment venir à  quatre heures du matin et faire la queue plusieurs heures jusqu'à pouvoir rencontrer le docteur. Les femmes sont plus habituées à ces obligations, ce qui les rend plus aptes à les supporter. De leur côté, les hommes ont plus généralement une faible accoutumance aux lieux divers de prise en charge que ce soit pour le VIH ou d'autres offres de soins. Outre le fait d'attendre, ils n'ont pas l'habitude de suivre les directives médicales alors que pour les femmes, la survie d'un enfant, peut, par exemple, justifier de se plier pleinement aux contraintes. Et puis, "c'est une maladie de femme, transmise par les femmes", disent certains hommes interviewés. Le sida est perçu comme une maladie d'infortune, d'épuisement financier. Les structures de prises sont considérées comme des lieux de regroupement de personnes affaiblies, de charité et les valeurs masculines sont à l'opposé de l'image du malade, de la personne "affaiblie". Elles sont opposées à la posture de demande, au fait d'accepter une quelconque aide. Un homme ne peut pas marchander sa dignité, il doit pouvoir éviter le VIH. "Mieux vaut la mort que la honte". Les hommes sont plus sensibles au regard social, à la honte dans une société où traditionnellement les lieux sociaux respectent une séparation entre les hommes et les femmes.  L'ensemble de ces éléments, l'opposition entre valeurs masculines et les représentations sociales du VIH expliquent alors la faible représentation des hommes dans les services de prise en charge. L'organisation égalitaire des centres n'est pas alors adaptée et il y a nécessité selon Blandine Bila de revoir leur organisation en prenant en compte les spécificités masculines.


Merci à Sandra Giraudeau de AIDES pour la rédaction de cet article
Photo : c.hug

Commentaires

Portrait de maya

jmdemande si je vais pas arrêter de lire ce qui se passe dans le monde ça me colle des déprimes pas possibles de voir la lenteur des choses...le non changement , l'archaïsme ... jverrais jamais un semblant de justice alors parfois jm demande à quoi bon militer , gueuler, marcher, s'énerver,perdre des heures , des jours avoir tout ça en soi au bout de 25 piges et qu' on en soit la...:-( jretourne me coucher, sous la couette, plus voir ce monde de m.. à demain. (en général je rebondis sur ma colère de voir skisspass mais ya bien un moment ou je l'aurai épuisé cette colère (elle est balèze pourtant) et il me restera que mes larmes pour pleurer sur notre monde...