La faim des haricots

Publié par olivier-seronet le 21.12.2009
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Les légumes secs sont cultivés dans le monde entier et sont consommés depuis la préhistoire. Ils ont été, associés aux céréales, la base de l'alimentation de l'humanité. Les légumes secs sont très riches en protéines végétales, en fibres, en minéraux et en vitamines et ne coûtent pas cher. Bien préparés, et mangés en quantité modérée, les légumes secs sont délicieux et leur digestion ne pose pas de problème.
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Mon plus vieux souvenir de légumes secs remonte à la cantine de l’école primaire où une grosse femme rougeaude circulait entre les tables en portant un grand plat tenu par un harnais et braillant “qui qu’en veut des péteux ?”, en nous balançant, sans ménagement, de grosses louches de fayots dans l’assiette... Refroidie, je n’osais plus trop en manger par peur de péter... Puis je suis devenue un temps végétarienne et là, j’ai appris à connaître l’intérêt des légumineuses et les astuces permettant de les digérer plus facilement.

La viande des pauvres
Les légumes secs sont des graines de légumineuses récoltées à maturité et séchées naturellement. Ils sont répartis en grandes familles : les haricots (“les fayots” rouges, noirs, cocos blancs ou roses, mungo (soja), cornilles (ou niébés ou doliques), lingots, flageolets, azukis, Soissons...), les lentilles (blondes, vertes, roses, corail), les pois (pois cassés secs jaunes ou verts, pois chiches), les fèves et les lupins.
La consommation de légumes secs en Occident était dix fois plus importante il y a un siècle. Les familles pauvres mangeaient très peu de viande et beaucoup de légumes secs, surnommés “la viande des pauvres”. Les légumes secs ont marqué les guerres mondiales et sont associés à la pauvreté, à la restriction et au triage fastidieux des lentilles et des haricots secs. Aujourd’hui, les légumes secs sont encore un élément essentiel de l’alimentation car les 4/5e de la planète y puisent leurs protéines (Amérique du sud, Asie, Afrique, etc.). Accusés à tort de faire grossir et de “ballonner”, ils peinent à revenir à la mode en Occident, mais une augmentation des ventes de lentilles est notée, lentilles qu’il n’est plus nécessaire, de nos jours, de trier pour en retirer les cailloux...

Association de bienfaiteurs
Dans le monde végétal, les légumineuses sont les reines des protéines (20 à 35 %).
Elles en apportent au moins autant que la viande. Mais elles manquent de certains acides aminés, ce qui est compensé si on associe légumes secs et céréales (blé, riz, orge, quinoa..) (Voir Remaides N°72). Car les acides aminés essentiels manquant dans l'un sont présents dans l'autre. L'ensemble donne des protéines “complètes”, d'aussi bonne qualité que les protéines d'origine animale, très bien assimilées, d’où l’intérêt pour les végétariens. Exemple : 1,5 tasse de haricots secs + 4 tasses de riz complet = 500 g de steak. L’homme a toujours associé ces deux aliments dans son assiette, comme en témoignent les plats traditionnels du monde entier : le couscous (blé dur et pois chiches), la paëlla (riz et petits pois), le dalh (lentilles et nan, un pain plat) le chili (haricots rouges et maïs), le tamiah égyptien (galettes de fèves et pain), le foul libanais (salade de fèves et boulgour), le minestrone italien (haricots et pâtes), etc. La bonne proportion est de deux tiers de céréales pour un tiers de légumineuses.


Bons pour la santé
Les légumes secs contiennent peu de graisses (1 à 2 % de “bons” lipides). Leurs fibres solubles diminuent le cholestérol sanguin de 10 % en moyenne chez les personnes ayant trop de cholestérol (hypercholestérolémie), ainsi que le taux de triglycérides (graisses dans le sang), en modifiant la quantité de lipides absorbés, leur assimilation, et en ralentissant leur passage dans le sang, ce qui diminue le risque de pathologies cardio-vasculaires.
Ils sont riches en vitamines du groupe B (B1, B2, B6 et PP), en minéraux (calcium, phosphore, potassium, magnésium et fer) et en oligo-éléments (cuivre, manganèse, zinc). Les fèves et les pois chiches contiennent autant de calcium que les produits laitiers. Les lentilles ont sept fois plus de fer que les épinards. Les glucides des légumes secs sont absorbés lentement par l’organisme qui les brûle au fur et à mesure grâce à une libération très lente du glucose dans le sang. On parle d’un très bon index glycémique bas. Contrairement aux idées reçues, les légumes secs ne font pas grossir (mais les saucisses mises avec, oui) et l’Institut français de la Nutrition recommande qu’au moins deux repas hebdomadaires comportent des légumes secs pour une alimentation équilibrée (l’association céréales/légumineuses remplaçant la viande). Leur consommation régulière aide à prévenir les maladies comme le diabète, le cholestérol, les maladies cardio-vasculaires et le cancer du côlon. Grâce à leurs qualités nutritives, ils sont un des piliers de la fameuse diète méditerranéenne (ou régime crétois).

Bons pour le porte-monnaie
La viande représente à peu près 50 % du budget alimentaire des Français. Les légumes secs permettent de se nourrir plus sainement et bien moins cher. Les protéines des légumes secs coûtent cinq à six fois moins que celles du camembert et près de dix fois moins que celles du steak. Manger moins de viande en la remplaçant par des légumineuses destinées justement à l’alimentation du bétail est bon pour le porte-monnaie et la planète ! Les légumes secs se conservent longtemps en sommeillant dans nos placards.

Bons pour l’environnement
Parmi les plantes cultivées, seules les légumineuses sont capables de fixer l’azote de l’air. Elles nécessitent donc peu d’engrais azotés, elles enrichissent le sol et limitent la pollution par les nitrates, même en agriculture conventionnelle non biologique. Les légumineuses sont sans doute les plantes qui reçoivent le moins de traitements chimiques, y compris en culture intensive, donc, à prendre au supermarché sans remords...

Astuces de cuisson
Certains légumes secs crus contiennent des substances rendant leur digestion difficile (saponines, glucosides, acide phytique contenus dans l’enveloppe), mais ces substances sont éliminées par le trio : rinçage, trempage et cuisson longue. Il suffit de les rincer, de les faire tremper pendant 10 à 12 h, puis de les rincer encore avant de les cuire et d’écumer la mousse qui se forme en début de cuisson. Le rinçage et l’écumage éliminent les saponines et le trempage neutralise en grande partie l’acide phytique. Il est possible également de cuire les légumes secs après les avoir faits germer (deux jours), ce qui détruit l’acide phytique.
Pour des légumes secs plus tendres, démarrer la cuisson à l’eau froide (l’eau bouillante durcit les peaux) et mettre une pincée de bicarbonate de soude dans l’eau de cuisson. Écumer (ou ôter) la mousse qui se forme dans les premières minutes d’ébullition. Puis cuire à feu doux, à petits bouillons et ne pas saler avant la fin de la cuisson (sinon les graines risquent de rester dures). Une cuillerée d’huile mise à mi-cuisson leur donnera plus de moelleux.

Des herbes et des plantes aromatiques, peuvent être ajoutées dès que l’eau est écumée (ail, badiane, curcuma, gingembre, paprika, cumin, estragon, sauge, sarriette, cerfeuil, fenouil, cardamome, basilic, coriandre, marjolaine, noix de muscade, thym, etc.), elles aident à bien digérer en réduisant la production de gaz intestinaux. Le temps de cuisson des légumineuses varie de 20 à 60 minutes, à petits bouillons et à couvert. Un autocuiseur à pression, permet de diviser par deux à trois ce temps, mais la pression détruit les vitamines. Prévoir 50 g de légumes secs par personne, ils feront 150 g de légumes cuits.

 

Spécial intestins fragiles
Certains légumes secs, comme les lentilles, sont faciles à digérer, sans trempage (ou court, de 2 h) et après une cuisson assez brève (20 mn). Les lentilles corail, qui sont décortiquées (sans peau) ou les pois cassés sont encore plus faciles à digérer. Une fois cuits, les pois chiches et les fèves se déshabillent très facilement, ce qui les rend beaucoup plus digestes. Il est possible également de mixer les haricots, les fèves ou les pois chiches cuits, ce qui pulvérise les peaux coriaces à digérer et donne de très bonnes purées ou soupes. Les purées se consomment froides (le houmous est une purée de pois chiches et de sésame) ou chaudes. Et bien sur, il est plus facile de digérer une quantité modérée plutôt qu’une grosse plâtrée...
Les légumes secs se prêtent à une multitude de recettes, en plats, en pâte à tartiner sur les toasts, en pâtés, en purées, en soupes, en salades, en galettes, en beignets, et même en desserts (dans la cuisine indienne ou japonaise) et si le trempage n’a pas été anticipé, il existe des légumes secs déjà cuits (pois chiches, haricots, flageolets, etc.) en boite ou en bocaux et des fèves surgelées déjà décortiquées.

Photos (recettes) : Marianne L'Hénaff
Photos et illustrations : Stéphane Blot et Vincent Cammas