Le combat d'une femme considérée comme une étrangère

Publié par Adda le 20.07.2015
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Je suis arrivée en France, à Rennes en 2011...

Le jour même une amie m’accompagne à Aides, où je rencontre Fabienne, une militante. Je suis avec mes enfants sans nulle part où aller. Le 115 nous propose un hébergement à 45 km de Rennes pour 9 jours. Puis nous sommes logé sur Rennes quelques jours, à nouveau sur Vitré, sur Rennes… jusqu’à ce que je fasse un malaise d’épuisement. Hospitalisée, je suis prise ne charge par un assistant social qui prendra contact avec Aides pour me trouver un logement stable. Mon état de santé ne me permettant pas d’être ainsi trimballée d’un logement à un autre, d’une ville à une autre. J’ai occupé cet appartement jusqu’en Septembre 2013, délogée par un incendie. Aides est ma deuxième famille, grâce à Fabienne j’ai retrouvé l’espoir de vivre.

Au niveau des papiers, c’est beaucoup plus compliqué…

En 2012, je vais à la préfecture avec mon passeport, mon acte de naissance et ceux des enfants pour faire une demande séjour pour soin. Une fois tous les papiers rassemblés entre le Cameroun et la France, j’obtiens une autorisation temporaire de séjour (APS) de 6 mois. Je dois me présenter à nouveau à la préfecture en avril 2013 pour obtenir mon titre de séjour avec 340 euros pour la régularisation des visas et les frais de timbre. Je suis sans ressources, je n’ai pas de droits ouverts à la CAF parce que mes enfants ne sont pas français. Alors après 6 mois, je bénéficie d’une nouvelle APS de 3 mois et encore une autre de 3 mois.

Sans argent, je vais aux Restos du cœur, au Secours populaire et je suis hébergée dans un appartement géré par Aides. En octobre 2013, la préfecture me donne un titre de séjour valable jusqu’en avril 2014. En mars, je me rends à la préfecture et je suis arrêtée par la police aux frontières (PAF) sous prétexte que mon passeport est faux. Ils exigent que je leur remette mon titre de séjour qui m’a couté une fortune (presque 700 euros !). Je suis alors enceinte de 8 mois et j’ai besoin de mon titre de séjour pour l’obtention de mon traitement et la prise en charge de ma grossesse. Je suis convoquée le lendemain pour une prise d’empreinte et un interrogatoire sur mon parcours migratoire. Ils me précisent que je peux être expulsée. J’appelle Aides et leur avocat qui me conseille de demander l’aide juridictionnelle afin de faire un recours administratif au tribunal.

Après mon accouchement, je commence les démarches, accompagnée par le MRAP (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples). J’obtiens un rendez-vous à la préfecture en juillet 2013 pour m’entendre dire, que je suis sans titre de séjour et que la seule chance de ne pas avoir été expulsée, tient dans la naissance de mon dernier enfant en France. Je dois refaire mon passeport pour pouvoir obtenir un nouveau titre de séjour. Trois mois plus tard, j’obtiens un passeport auprès du consulat camerounais. Le recours administratif a lieu en octobre 2014 et j’obtiens enfin l’autorisation d’avoir un titre de séjour. L’avocat transmet la décision à la préfecture. Quand je me rends au rendez-vous, ils bloquent mon passeport et mon acte de naissance pour une expertise. Nouvelle APS de 3 mois et un dossier médical à remplir. Mon médecin se veut rassurant mais quand je dépose mon dossier, on me fournit une nouvelle APS d’un mois.

En parallèle la CAF ne veut pas me renouveler mes droits parce qu’il faut un récépissé et non une APS. Retour à la préfecture sans convocation mais ça va être la fin de ma dernière APS et je suis inquiète. J’y retourne plusieurs jours de suite sans succès. Mon APS a expirée, je suis sans passeport et je n’ai toujours pas reçu de convocation. Je finis par me rendre une ultime fois à la préfecture, sans convocation, le jour où ils remettent les titres de séjour. Je prends un numéro et me présente dans un box avec les 190 euros de timbres. Je présente mon APS, mon ancien titre et j’obtiens enfin mon titre de séjour. Je refuse de partir tant qu’ils ne m’ont pas rendu mon passeport et mon acte de naissance. Devant mon insistance, j’obtiens gain de cause.

Je retourne à la CAF avec mon titre de séjour mais mon dossier, débuté depuis plus d’un an, a été supprimé, je dois tout recommencer ! Je n’ai pas le droit aux APL(aide personnalisée au logement) car le logement où je suis n’est pas conventionné ; j’ai fait une demande d’HLM depuis plus de 3 ans. J’ai plus de 1 700euros de dettes pour mon logement et 1 300euros pour la cantine des enfants. Ils m’ont aussi coupé la PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant) et l’AAH (allocation adulte handicapé) à cause de mes APS successives. Grace à mon titre de séjour, ils me donnent, en avril, ce à quoi j’ai le droit.

On a déjà un fardeau à porter avec notre maladie et les gens nous voient seulement comme des étrangers malades. Cela s’ajoute à notre fardeau et nous le rappeler sans cesse s’ajoute à notre peine. Si ce regard pouvait changer, qu’on nous considère enfin comme des êtres humains à part entière !