La PrEP pour nous

Publié par Caroline Andoum et Albertine Pabingui le 20.07.2016
2 249 lectures
Notez l'article : 
0
 

Le Raac-sida était très présent à Bruxelles en avril dernier pour la conférence internationale francophone Afravih 2016. Faisant le lien entre la lutte contre le sida au Nord et au Sud, s’appuyant sur les travaux des chercheurs et acteurs communautaires africains, européens ou québécois, les présentations au programme donnaient un bon aperçu de nos préoccupations.

De nombreuses présentations revenaient sur les résultats de l’étude ANRS- Parcours, dans laquelle le Raac-sida s’est largement impliqué ces dernières années, à travers son comité scientifique. Cette étude apporte de nombreuses données indispensables pour comprendre les dynamiques et enjeux de l’épidémie de VIH dans les populations migrantes originaires d’Afrique subsaharienne en Ile-de-France. L’étude souligne l’impact de la précarité administrative (droit au séjour) et socio-économique (logement, emploi), qui dure souvent plusieurs années, sur la vulnérabilité des personnes au VIH et au VHB. L’étude documente surtout la part importante (estimée à 37 %) d’infections au VIH survenues en France, après la migration. Ces résultats confirment l’importance de poursuivre et développer l’action de nos associations dans le soutien et l’accompagnement vers le soin des personnes vivant avec le VIH, mais aussi dans la prévention et le plaidoyer pour faire reculer la précarité des migrant-e-s en France, en particulier dans les premières années suivant leur arrivée !

Au centre des enjeux de la conférence, l’objectif ambitieux de la stratégie 90-90-90 promue par l’Onusida pour mettre fin à l’épidémie du sida. Il s’agit de faire en sorte qu’à l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral, et que 90 % des personnes recevant un traitement antirétroviral aient une charge virale indétectable.

Concernant la situation en France, le plan "Paris sans sida" a, de nouveau, été présenté. Pour atteindre l’objectif 90-90-90, la ville de Paris déploie un plan de lutte contre le VIH/sida s’appuyant sur tous les outils de prévention disponibles. Ce plan est décliné de manière adaptée aux différentes populations les plus exposées et vulnérables au VIH, notamment les personnes migrantes, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les travailleuses et travailleurs du sexe, les personnes trans. Bien sûr, il faudra surveiller de près la mise en œuvre de ce plan, veiller à la place qu’il réservera aux acteurs communautaires de la lutte contre le sida, mais il constitue certainement un modèle à adapter dans d’autres grandes agglomérations françaises !

La PrEP a été au cœur des échanges à la conférence Afravih. L’accès à ce nouvel outil de prévention et son appropriation par les personnes et communautés concernées apparaissent comme un des éléments essentiels pour faire reculer l’épidémie ces prochaines années. Autorisée depuis le début de l’année 2016 en France dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), la prescription de Truvada pour prévenir le risque de contamination au VIH a pour l’instant surtout bénéficié aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Pourtant, la recommandation d’utilisation dépasse ce seul groupe. Elle s’étend, au cas par cas, à toutes les personnes les plus exposées au risque d’infection au VIH, ce inclut d'autres publics en France, notamment les personnes migrantes originaires de pays à forte endémie. A ce propos, l’enquête "Flash ! PrEP in Europe", doit justement permettre de préciser et approfondir les résultats d’une première enquête Flash PrEP, réalisée par AIDES en France en 2014, qui avait montré l'intérêt suscité par la PrEP chez les femmes et/ou les personnes migrantes les plus exposées au risque de contamination par le VIH. Cette nouvelle enquête sera l'occasion de vérifier la désirabilité et le degré de connaissance de la PrEP dans les communautés africaines et caribéennes en France. Ce sera une belle occasion pour nos communautés de se familiariser avec les questions relatives à cette nouvelle stratégie de prévention qui vient compléter le large panel d’outils disponibles qui comprend le dépistage, le conseil, le soutien, l’accès aux préservatifs et à un matériel d’injection sûr, la réduction des risques, etc.

La PrEP a fait partie des sujets abordés lors d’un passionnant échange à Bruxelles, pendant l’Afravih, entre plusieurs représentantes du Raac-sida et des acteurs de la lutte contre le sida dans divers pays d’Afrique subsaharienne (Cameroun, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, RDC). La discussion portait plus largement sur le lien entre la lutte contre le sida, ici en en France, dans les communautés de la diaspora africaine et, là-bas, sur le continent africain, sur les enjeux et défis actuels autour de la prévention diversifiée et sur le rôle des acteurs communautaires dans la lutte. L’accès immédiat aux traitements pour toutes les personnes qui découvrent leur séropositivité reste une priorité évidente, en particulier au Sud, comme le combat pour une meilleure connaissance par les populations concernées des effets bénéfiques des traitements comme prévention (Tasp) pour éliminer le risque de contamination lorsque la charge virale devient indétectable. Pour autant, l’intérêt pour le nouvel outil de prévention que constitue la PrEP commence à grandir en Afrique comme dans les communautés africaines en France. Il apparait de plus en plus évident que l’accès à la PrEP ne devrait pas se limiter aux seuls hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et doit constituer un outil complémentaire indispensable quand on sait les difficultés avec l’usage systématique du préservatif pour certaines personnes pourtant exposées à un haut risque d’infection. Ce nouvel outil ne constitue-t-il pas une nouvelle opportunité pour les femmes de s’emparer de leur propre prévention ? On constate dans les associations, en Afrique comme en France, que la demande grandit ! C’est à nous, avec nos associations, de nous approprier la PrEP et de prendre en main la communication pour l’adapter aux enjeux et besoins spécifiques des communautés africaines, là-bas comme ici ! Bien évidemment, il s’agira aussi de réfléchir à la place de l’accompagnement communautaire de cette stratégie de prévention, complémentaire de l’accompagnement strictement médical.

Ce rôle central de l’accompagnement communautaire était d’ailleurs un autre des fils rouges de cette conférence, nous rappelant que la lutte contre le sida ne se fera pas sans nous, sans nos associations, sans la mobilisation de nos communautés !