20 juin, journée nationale de lutte contre les hépatites virales

Publié par jfl-seronet le 20.06.2017
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Ce 20 juin est marqué par la Journée nationale de lutte contre les hépatites. L’occasion de revenir plus particulièrement sur le lancement de la campagne "Savoir C guérir" par SOS Hépatites et de revenir sur quelques chiffres clefs publiés dans un numéro spécial du "Bulletin épidémiologique hebdomadaire" centré sur les populations les plus exposées.

Savoir C Guérir : des chansons et un site de campagne

A l’occasion de la Journée nationale de lutte contre les hépatites, le 20 juin, l’accélérateur culturel Culture Angels et l’association SOS hépatites lancent une vaste campagne nationale d’incitation au dépistage, "Savoir C guérir", qui "utilise la musique pour faire entendre une maladie silencieuse souvent méconnue". La chanteuse Jewly a composé spécialement deux titres inédits dédiés à la campagne et véritables hymnes du projet : Savoir c’est guérir (en français) et John Doe (en anglais).

L’hépatite C concerne encore 230 000 personnes en France, rappelle SOS Hépatites. Les traitements actuels permettent de guérir plus de 95 % des personnes atteintes. A condition bien sûr de savoir si l’on est porteur de la maladie, car elle est le plus souvent sans symptômes. L'hépatite C se transmet par voie sanguine. Les causes de contaminations, ignorées du grand public, sont nombreuses.

Les bonnes raisons de se faire dépister

Dans son communiqué du 20 juin, SOS Hépatites liste les raisons suivantes :

● j'ai eu une opération chirurgicale ou de la chirurgie dentaire ;
● j'ai été hospitalisé hors de France ;
● j'ai subi une coloscopie, une endoscopie, une fibroscopie, j'ai été opéré d'une phlébite ;
● j'ai eu recours à l’acupuncture, la podologie, la mésothérapie ;
● je me suis fait faire un tatouage ou un piercing (même à l'oreille) lors d'un voyage à l'étranger ou hors boutiques réglementées.
● ces modes de contaminations potentiels sont souvent ignorés du grand public par rapport aux transfusions de sang et de dérivés sanguins, aux usages de drogues mêmes anciens (sniff ou injections).

L'hépatite C est la première maladie chronique qui se guérit, nous pouvons désormais mettre fin à  l'épidémie, indique l’association.

Un dépistage de l'hépatite C chez tous les adultes au moins une fois dans leur vie est fortement recommandé. Chaque médecin traitant doit aujourd'hui proposer un dépistage à chacun-e d'entre nous, conclut l’association qui recommande aux personnes de se faire dépister (1).

Un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH)

"Ces populations sont marquées par une ou plusieurs caractéristiques de fragilité, du fait de leur santé, leur statut économique et social, leur mode de vie, leur éducation, qui les rendent difficilement accessibles, les tiennent éloignées des systèmes de prévention et de soins et, en outre, les exposent à un risque élevé d’infection virale", explique le professeur Daniel Dhumeaux, coordonnateur des rapports de recommandations hépatites B et C (2014 et 2016) et président du comité de suivi des recommandations. Dans l’éditorial de ce numéro exceptionnel du BEH (2), Daniel Dhumeaux rappelle que près de 50 000 personnes usagères de drogues vivent avec le VHC en France métropolitaine. "L’accès au traitement par les très efficaces antiviraux d’action directe (AAD), désormais universel, va permettre à la fois de protéger la santé de ces patients et de contrôler l’endémie, pourvu que des mesures renforcées de réduction des risques soient associées. Il faut faire vite. Les UD sont très diversifiés et toutes les études qui permettent de mieux les caractériser sont bienvenues.

Les résultats de différentes études publiées dans le BEH

Marie Jauffret-Roustide et ses collègues (3) ont analysé à Paris les profils, les pratiques et l’accès aux soins de personnes usagères de drogues russophones, venant de pays de l’ex-bloc soviétique, par comparaison aux personnes usagères de drogues francophones. Les auteurs mettent en évidence dans cette population : une séroprévalence de l’hépatite C de près de 90 % (deux fois plus élevée que chez les francophones), un meilleur niveau d’études, mais des conditions de vie plus précaires que chez les francophones, traduisant un déclassement social, en lien avec la migration. De telles études sont précieuses, permettant d’adapter la prise en charge sanitaire et sociale des patients à leur profil.

Chez les personnes détenues, la prévalence de l’infection chronique par le VHC est estimée en France à 2,5 %, soit environ 1 500 détenus. Cette prévalence, cinq fois supérieure à celle de la population générale, s’explique principalement par l’usage de drogues par voie veineuse. Des données sur les pratiques de dépistage et de prise en charge de l’hépatite C en milieu pénitentiaire sont apportées par le travail d’André Jean Rémy et d’autres chercheurs (4), qui repose sur une enquête réalisée en 2015 auprès des 168 unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) et qui montre que :

● le dépistage de l’infection virale C est effectif pour 70 % des personnes détenues ;
● l’évaluation non invasive de la fibrose hépatique est réalisable dans la plupart des USMP et plus de la moitié d’entre elles bénéficient d’une consultation spécialisée sur site ;
● les deux-tiers des USMP ont initié au moins un traitement par AAD en 2015, mais un programme d’éducation thérapeutique n’existe que dans une USMP sur six.

Au regard des contraintes pénitentiaires et sanitaires, ces résultats sont encourageants, avec cependant d’importantes disparités entre les USMP, qu’il faudra corriger, avance Daniel Dhumeaux. Dans le rapport de recommandations 2016 sur la prise en charge des personnes infectées par le VHC, les mesures nécessaires pour un dépistage, un accès au traitement et un suivi optimal des personnes détenues et celles indispensables de réduction des risques ont été identifiées. Elles ont vocation à s’appliquer a toutes les USMP, incluant une formation adaptée des équipes et un lien identifié avec un médecin spécialiste de l’hépatite C.

Les personnes migrantes

Estimée à près de 50 000 personnes infectées en 2011, la population des migrants est l’une des plus touchées par l’hépatite C. Elle figure parmi les populations pour lesquelles les objectifs de dépistage et d’accès au traitement seront les plus difficiles à atteindre, tant les facteurs de vulnérabilité sont ici multiples, en particulier la précarité sociale et administrative et les discriminations, indique Daniel Dhumeaux. Dans ce numéro du BEH, deux expériences illustrent ces difficultés. Le travail de Pascal Revault (Comede) et de ses collègues (5) provient du centre de sante du Comède, qui reçoit en consultation à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre un public de migrants récemment arrivés en France, originaires de pays divers et particulièrement vulnérables. Le bilan de santé systématiquement proposé comporte le dépistage des infections par le VHB et le VHC, avec les constats suivants :

● la prévalence des infections chroniques par le VHB et le VHC était particulièrement élevée, respectivement 6,8 % et 1,8 %, très peu de personnes infectées connaissant déjà leur statut ;
● près de la moitié des personnes n’étaient pas immunisées et devaient bénéficier d’un rattrapage vaccinal contre le VHB ;
● les personnes infectées par le VHC cumulaient davantage de facteurs de vulnérabilité que celles infectées par le VHB.

La seconde expérience, rapportée par Françoise Roudot-Thoraval et ses collègues (6), concerne aussi le dépistage systématique des infections à VHB et à VHC, ici réalisé dans deux permanences d’accès aux soins de sante (Pass) à Créteil. Les migrants y étaient majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne et, pour la plupart, demandeurs d’asile ou en séjour irrégulier. Dans cette étude : 
● les prévalences de l’antigène HBs et des anticorps anti-VHC étaient respectivement de 7,4 % et de 3,1 % et, là aussi, très peu de personnes connaissaient leur infection ;
● l’accès a une consultation spécialisée et a un bilan virologique a été possible dans 90 % des cas et un traitement a été institué chez la plupart des personnes atteintes d’hépatite
B et la moitie de celles atteintes d’hépatite C ;
● à deux ans, les deux-tiers des personnes étaient toujours suivies.

Ces deux expériences confirment, s’il en était besoin, la forte prévalence des infections virales B et C dans la population des personnes migrantes. Elles montrent la faisabilité d’une proposition systématique de dépistage de ces infections et la nécessité, chez ces personnes vulnérables, d’un renforcement de la prévention et, particulièrement, de la vaccination contre l’hépatite B, pointe Daniel Dhumeaux. Elles soulignent les difficultés que ces personnes rencontrent dans leur accès aux soins, leur prise en charge thérapeutique et, au-delà, leur suivi, malgré les offres et structures existantes.

Conclusion… provisoire

Pour maîtriser l’endémie d’hépatite C, il reste un long chemin, constate Daniel Dhumeaux. "Mais rien n’aurait été possible sans la décision historique (et courageuse) de Marisol Touraine, de l’accès universel aux nouveaux traitements de l’hépatite C. Alors qu’elle vient de quitter ses fonctions, tous ceux qui l’ont accompagnée dans ce choix peuvent l’assurer de leur reconnaissance. Nul doute qu’Agnès Buzyn, notre nouvelle ministre, elle aussi avec le soutien des professionnels de santé et des associations de patients, partagera la vision collective d’une nécessaire lutte renforcée contre les hépatites virales et, s’agissant des personnes vulnérables infectées par ces virus, saura aller vers elles", conclut-il.

(1) : l’association a publié en mars dernier ses recommandations pour contrôler l’épidémie : "Accès pour tous aux traitements contre l’hépatite C en France La fin d’un rationnement insupportable Le début d’une stratégie cohérente de santé publique". Le document est consultable en ligne.
(2) : Dhumeaux D. Editorial. "Aller vers"… Bull Epidemiol Hebd.2017 ; (14-15) : 252-3.
(3) : Jauffret-Roustide M, Serebroskhaya D, Chollet A, Barin F, Pillonel J, Sommen C, et al. Comparaison des profils, pratiques et situation vis-à-vis de l’hépatite C des usagers de drogues russophones et francophones a Paris. Enquête ANRS-Coquelicot, 2011-2013. Bull Epidémiol Hebd. 2017 ; (14-15) : 285-90.
(4) : Remy AJ, Canva V, Chaffraix F, Hadey C, Harcouet L, Terrail N, et al. L’hepatite C en milieu carcéral en France : enquête nationale de pratiques 2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(14-15) : 277-84.
(5) : Revault P, Giacopelli M, Lefebvre O, Veisse A, Vescovacci K. Infections par le VHB et le VHC chez les personnes migrantes, en situation de vulnérabilité, reçues au Comède entre 2007 et 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(14-15):271-6.
(6) : Roudot-Thoraval F, Rosa-Hezode I, Delacroix-Szmania I, Costes L, Hagege H, Elghozi B, et al. Prise en charge des populations précaires fréquentant les permanences d’accès aux soins de sante, atteintes d’hépatites et ayant bénéficie d’une proposition systématique de dépistage : étude Précavir 2007-2015. Bull Epidémiol Hebd. 2017 ; (14-15) : 263-70.