Age et LGBT : vieillir et accueillir sans discrimination

Publié par Théau Brigand le 31.05.2013
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A l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’autonomie était à l’initiative d’une table ronde "Age et LGBT : vieillir et accueillir sans discrimination". Théau Brigand y était pour Seronet.

Cette table ronde, "Age et LGBT : vieillir et accueillir sans discrimination", c’est la conjugaison de deux combats de la ministre, son travail sur l’âge qu’elle assume à plein temps depuis qu’elle est ministre, mais aussi une forme de continuation de son investissement sur les questions des droits des LGBT. Parlementaire, Michèle Delaunay avait été à l’initiative d’une proposition de loi sur le changement d’état civil pour les personnes trans.

Quelques semaines après la conférence de consensus sur le vieillissement des personnes séropositives organisée par AIDES, cette table ronde, c’était aussi l’un des premiers grands rendez-vous pour avancer concrètement et partager publiquement la parole, les idées, les revendications des personnes avec lesquelles nous avions travaillé. Etaient aussi présent Louis-Georges Tin du comité IDAHO, Guy Sebbah, pour le groupe SOS, Michael Bouvard de SOS Homophobie, Grégory Bec des Petits Bonheurs, Sophie Aujean pour l’ILGA (International Gay and Lesbian Association) et Robert Kleinfeld pour l’association des Gays retraités ; ils ont ensuite été rejoints par Najat Vallaud-Belkacem.

Un regard sur l’histoire

C’est Sébastien Lifshtiz, réalisateur du film "Les invisibles", qui ouvre le jeu. "Les invisibles", sorti fin 2012, c’est ce film portrait de personnes gays et lesbiennes âgées, sur leur vie, leur histoire, leur(s) amour(s), hier et aujourd’hui. Loin de tout misérabilisme, le film casse l’idée d’une vie de souffrance et de discriminations, montre les combats, la joie et l’épanouissement qui a aussi été, qui est encore aujourd’hui. Le film garde une mémoire, une trace de ces vies, des témoignages qui dépassent des représentations si sombres.

Ce devoir de mémoire, cette transmission, elle sera présente dans la plupart des interventions de la table ronde. C’est celle des lesbiennes prises entre féminisme et revendications LGBT ; c’est celle des générations perdues, des morts du sida, c’est la mémoire des années 60, quand l’homosexualité était considérée comme un "fléau social"… C’est ce que rappellent Robert Kleinfeld, président de l’association des Gays Retraités, et Alain Bonnineau, vice-président de AIDES.

"Pour comprendre le vieillissement des personnes LGBT aujourd’hui, il faut voir l’histoire, les discriminations ! Et pour comprendre le vieillissement des personnes LGBT vivant avec le VIH, il faut voir la double peine, la conjugaison de l’homophobie, de la transphobie et de la sérophobie !", a expliqué Alain Bonnineau Et c’est justement parce que les personnes ont eu, comme le dit  Michèle Delaunay, "leurs combats en plus" pour pouvoir exister, vivre et aimer qu’elles souhaitent enfin pouvoir être paisibles dans l’âge. La ministre a d’ailleurs cité Pierre-Henri Simon, intellectuel, historien de la littérature, dont une formule illustre cet esprit : "Il y a une dignité à vieillir comme on a vécu".

Vieillir en paix, sereinement, dignement, ce n’est hélas pas si simple. Isolement et solitude, précarité, discriminations, encore et toujours, mal être… ces différents aspects, ces peurs ont été au cœur des interventions et réflexions.

C’est Grégory Bec des Petits Bonheurs qui illustre en premier cette situation se fondant sur le témoignage d’une personne accompagnée par son association, d’une personne séropositive, ayant été toujours confrontée à l’homophobie, à la sérophobie, d’une personne fatiguée et seule, ayant cessé de se battre, attendant la fin… Mais ce qu’a connu cette personne, grâce aux Petits Bonheurs, c’est plus qu’un second souffle, c’est une envie de vivre encore, c’est un nouvel âge, une nouvelle envie d’être et d’exister.

C’est là, le basculement au cœur des problématiques soulevées lors de cette table ronde, c’est comment inventer un mieux vieillir, un bien vieillir pour la communauté LGBT. Comment faire en sorte de briser les solitudes, les discriminations, faire en sorte que dans l’âge, ils puissent se sentir bien et s’épanouir. Et pour inventer ce mieux vieillir, les idées fusent : c’est lutter contre le suicide, travailler sur la santé mentale, c’est réfléchir à des lieux d’accueils communautaires, des maisons de vies, mais aussi une charte sur la tolérance et l’ouverture à la différence… Il y a aussi des besoins de formations pour ne pas discriminer, pour sensibiliser à l’homophobie, à la transphobie et à la sérophobie, pour s’adapter aux spécificités du VIH, en termes de soins mais aussi de rapport à l’autre…  Et c’est justement parce que les associations et le gouvernement  ont commencé des travaux riches, mais indépendants sur ce sujet émergent du vieillir LGBT, notamment dans le cadre de la préparation de la prochaine loi sur l’âge et la dépendance, qu’il faut aller plus loin, se coordonner et travailler à des propositions ouvertes, inclusives et consensuelles pour inventer ce vieillir mieux ; aussi bien en France qu’au niveau européen.

Et, alors que Najat Vallaud-Belkacem proposait, la veille, une rencontre pour faire le point sur le plan de lutte contre l’homophobie et la transphobie, la ministre annonçait ce jour une nouvelle mesure prise conjointement avec Michèle Delaunay dans le cadre de ce plan : une mission pour poser "la réalité et les problématiques du vieillissement des LGBT et de l’impact du sida sur une communauté vieillissante" confiée à trois associations : SOS Homophobie, le Groupe SOS et AIDES.

Article 23 de la Charte sociale européenne – Droit des personnes âgées à une protection sociale
En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des personnes âgées à une protection sociale, les parties s'engagent à prendre ou à promouvoir, soit directement soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, des mesures appropriées tendant notamment :
- à permettre aux personnes âgées de demeurer le plus longtemps possible des membres à part entière de la société, moyennant :
a : des ressources suffisantes pour leur permettre de mener une existence décente et de participer activement à la vie publique, sociale et culturelle ;
b : la diffusion des informations concernant les services et les facilités existant en faveur des personnes âgées et les possibilités pour celles-ci d'y recourir ;
- à permettre aux personnes âgées de choisir librement leur mode de vie et de mener une existence indépendante dans leur environnement habituel aussi longtemps qu'elles le souhaitent et que cela est possible, moyennant :
a : la mise à disposition de logements appropriés à leurs besoins et à leur état de santé ou d'aides adéquates en vue de l'aménagement du logement ;
b : les soins de santé et les services que nécessiterait leur état ;
- à garantir aux personnes âgées vivant en institution l'assistance appropriée dans le respect de la vie privée, et la participation à la détermination des conditions de vie dans l'institution.