Atripla se lance…

Publié par olivier-seronet le 29.05.2009
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ThérapeutiqueAtripla

C'est au Press club à Paris qu'a été lancé, le 15 mai dernier, Atripla, le nouveau médicament anti-VIH coréalisé par les laboratoires BMS et Gilead. Un médicament en une prise par jour qui ouvrirait "l'ère de la simplicité dans le traitement du VIH". Seronet y était.

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C'est toujours étrange l'atmosphère des déjeuners de presse… surtout lorsqu'il est question de sujets graves comme le traitement du VIH. Il y a toujours un malaise à voir les corbeilles de viennoiseries, les confitures sélect (Lenôtre), les nappes blanches comme pour les fêtes, les fleurs, les carafes de jus de fruits (frais), la classe d'un hôtel de luxe qui s'étale tandis que défilent sur un écran géant les graphiques qui présentent les taux de mortalité chez les malades du sida ou le drame des échecs thérapeutiques. Cela n'affecte pas l'appétit de tout le monde… C'est sans doute une question d'habitude.

D'importants laboratoires pharmaceutiques, Bristol-Myers Squibb et Gilead, ont choisi le cadre un peu m'as-tu vu du salon Doré du Press club à Paris (dorures au plafond, parquet grinçant et bibelots rares) pour le lancement d'Atripla, leur nouveau médicament contre le VIH. Un lancement qui a été plusieurs fois annoncé et reporté. Atripla est une nouvelle combinaison en un seul comprimé de trois molécules (emtricitabine, ténofovir et efavirenz). Il est surtout le premier médicament anti-VIH fait en collaboration entre des firmes pharmaceutiques traditionnellement concurrentes. "Une première en 26 ans", claironne le dossier de presse. Ce nouveau traitement est désormais disponible en ville et à l'hôpital au terme de longues tractations sur son remboursement et sa prise en charge par la sécurité sociale. Les laboratoires disent avoir travailler de nombreux mois sur sa mise au point et ont donc voulu marquer le coup pour son "arrivée sur le marché français".

Un lancement officiel pour la France qui a été soigné et placé sous les auspices d'éminents spécialistes du VIH. En effet, pour cet "événement", on a demandé au patron de l'Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS), Jean-François Delfraissy, de retracer l'histoire de la prise en charge du VIH depuis ses débuts. Un moyen de rappeler les enjeux de la prise en charge en 2009, mais aussi d'installer dans les esprits qu'Atripla, la trithérapie en une pilule, serait le summum de la prise en charge de qualité. Ce n'est pas ce que dit Jean-François Delfraissy dont l'intervention n'est pas bâtie pour vanter la nouveauté, mais pour rappeler que si la simplification peut être une atout, plus importante encore est l'amélioration de la qualité de vie des personnes et l'absence d'effets indésirables. Après la caution scientifique, c'est au tour des patrons français des labos de faire leur présentation. Une présentation "manageuriale" qui en a l'efficacité, mais aussi les tics. Ici, le lancement d'un nouveau médicament, c'est du "challenging" et pas un "pari". Ici, on parle de "slides" et pas de diapos (ça fait sans doute trop MJC !) Bon, c'est un style en soi, efficient et désincarné, techno froid, destiné à nous raconter la belle histoire d'Atripla, la prouesse technologique et l'apogée de la collaboration pharmaceutique.

Dans des cérémonies de ce type-là, il faut toujours un VRP. Cette fois, c'est le professeur Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint Antoine à Paris, qui s'y colle. D'entrée, il indique que "l'enjeu de ce comprimé unique est absolument majeur". Ce démarrage (il parle comme le dossier de presse) peut surprendre… et même gêner. Puis, peu à peu, le propos sonne moins marketing. L'éminent spécialiste du VIH qu'il est aborde l'observance, les effets indésirables, l'inconfort qu'il peut y avoir à se traiter et qui "n'est pas acceptable sur le long terme". Les graphiques s'enchaînent, les résultats d'études aussi. On parle profil de tolérance et effets indésirables. Car Atripla aussi en provoque comme l'explique, sans éluder, Pierre-Marie Girard. Les effets indésirables les plus couramment observés sont des sensations de vertige (surtout le matin) mais passagères, des troubles du sommeil qui "peuvent se traduire par des rêves anormaux qui peuvent être agréables ou à l'inverse de cauchemars répétitifs qui peuvent entraîner à la longue des troubles anxieux voie des troubles dépressifs" (dixit le dossier de presse), des manifestations sur la peau (du type rashs) et des manifestations sur le rein, etc. Ces effets sont connus puisqu'ils concernent des médicaments (ici associés) déjà très largement prescrits. Pas de nouveautés donc dans ce domaine.

Mais alors à quoi sert Atripla ? C'est le patron de Gilead qui l'explique : "En France entre 50 et 60 000 patients sont éligibles à ce traitement". Aux Etats-Unis, ce médicament peut être prescrit comme première trithérapie chez les personnes recevant un traitement pour la première fois. 150 000 personnes sont, là-bas, sous Atripla. En France, ce médicament ne sera pas prescrit en première intention. Il explique aussi que ce qui fait la différence entre Atripla et le reste du monde, c'est l'unique prise quotidienne. D'ailleurs l'argument est dans le dossier de presse : "Le comprimé unique favorise l'observance". Pierre-Marie Girard explique d'ailleurs que "l'inobservance est la principale source de l'échec des traitements antirétroviraux et ses déterminants multiples." Il écrit même dans le dossier de presse qu'il a été "démontré dans une méta-analyse récente [une démarche statistique combinant les résultats d'une série d'études sur un problème donné] que le comprimé unique est un facteur qui favorise la prise correcte du traitement".

Ceci viendrait donc contredire ce qu’indiquait en janvier dernier la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé qui concluait, lors de la demande d’inscription de l’Atripla, que « l’amélioration attendue sur l’observance n’est pas étayée par des données probantes ».  La salle pose des questions. Scientifiques et patrons y répondent. Quelqu'un demande s'il est prévu une formulation enfants. Un des patrons de labo répond que non, que c'est une "question de priorité". Puis, conscient du froid qu'il vient de jeter avec sa sortie très "world company", il cède la parole à un médecin responsable des recherches. Lui parle de l'impossibilité à mesurer des posologies pédiatriques pour les traitements associés dans Atripla. Ce "non" est donc plus scientifique qu'économique. Ah au fait, Atripla sera vendu au même prix que les deux médicaments qu'il associe, soit 834,30 euros par mois, puis 783,25 en 2010. La conférence de presse prend fin. Le parquet grince. Le salon est toujours aussi doré. Les attachées de presse sont souriantes. Atripla est lancé en France… et il reste des croissants sur les nappes blanches.

Illustration : publicité pour Atripla aux Etats-Unis

Commentaires

Portrait de Zagadoum

Sans blague... Le Trizivir était déjà une combi de trois médocs. Ce qui compte dans une ligne de traitement ce n'est pas seulement la galénique , les modalités de prises horaires mais aussi ce qu'il ya dedans. Atripla= FTC +Ténéfovir +Sustiva. Concernant les deux premiers médocs : Truvada c'est quoi? Concernant le dernier : Le Sustiva : Molécule éfficace , mais peu suportable le plus souvent. Si il s'agit pour BMS de booster la vente de son analogue Nucléosidique via l'argument de l'adhérence je pense que au long cours c'est raté. Tout dépendra de qui supportera le Sustiva ou pas. Il auraient mieux fait de mettre du reyataz :)
Portrait de zyltoid

J'ai pris le combo Truvada + Sustiva pendant 7 mois... il y a 3 jours, j'ai chancé pour l'Atripla, in fait rien n'a chancé, sauf que j'avale seulement un comprimé le soir. Je sais que c'est aussi une stratégie de marketing, mais pour l'adhérence un comprimé est quelque chose de très bien; je trouve ça très important. Je n'ai aucun problème avec le Sustiva, mais je sais qu'il y a des gens que ne le supporte pas. Je ne pense pas que ça servira comme booster pour monter la vente (par l'adhérence), car l'Atripla est encore la deuxième option (en France) après le combo Truvada + Sustiva.