Autotests VIH : un bilan à deux ans

Publié par jfl-seronet le 09.09.2018
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Thérapeutiqueautotest VIH

Le 6 juillet dernier, à Paris, une conférence de presse était consacrée aux autotests de dépistage du VIH, lancés, il y a maintenant deux ans. L’occasion de lancer un bilan de l’impact de ce nouvel outil qui élargit l’offre en matière de dépistage et qui reste, une solution parmi d’autres.

"Autotest VIH : enfin l’espoir d’enrayer l’épidémie !" Le slogan du dossier de cette conférence de presse ne fait pas dans la nuance. Pourtant, comme le rappelle le professeur Gilles Pialoux (chef de service Maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Tenon, AP-HP, Paris), c’est un outil parmi d’autres dans l’offre de dépistage diversifiée qui existe en France : Trod (1) dans et hors les murs, tests en laboratoires de ville, dans des centres spécialisés dans le VIH, dans les Cegidd (2). Une offre conséquente et pourtant le bilan du dépistage à la française à ses limites. En 2016, on a réalisé en France, 5,4 millions de tests de dépistage, rappelle Gilles Pialoux. Les Trod représentent environ 5 % des tests réalisés et les Cegidd ne réalisent que moins de 15 % des tests de dépistage du VIH en France… ce qui est peu. Mais rappelle Gilles Pialoux, le nombre d’autotests utilisés en 2016 a dépassé le nombre de Trod. Les expert-e-s se demandent d’ailleurs s’il y a un effet de vase communicant : des personnes qui effectuaient des Trod qui utiliseraient désormais des autotests. Il n’y a pas moyen de savoir si c’est le cas. La grande majorité des programmes de Trod concernent le dépistage associatif chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Enfin, il y a l’achat d’autotests par les pouvoirs publics (notamment dans le programme Vers Paris sans sida) et mise à disposition via les associations, les Cegidd… mais quelle est l’efficience sur le terrain, s’interroge Gilles Pialoux. Dans sa présentation, il se demandait d’ailleurs, avec ironie et regard critique, si la France n’était pas la championne d’Europe du dépistage des séronégatifs. Le nombre de dépistages est conséquent, mais ne permet pas de trouver les milliers de personnes qui ignorent encore leur séropositivité.

On sait que le dépistage est un enjeu dans les populations clefs (3) et que, par exemple, la prévalence du VIH est élevée chez les gays, bien au-delà du Marais comme l’ont montré les résultats de l’enquête Prévagay 2015. Les personnes migrantes sont une population mal dépistée. En  2016, Médecins du Monde a réalisé des sérologies sur 1 375 personnes : la prévalence du VIH (4)  était de 2,9 %, celle du VHB de 10 %, celle du VHC de 3,2 % et celle de la syphilis de 2,5 %.

Cela fait désormais deux ans que le premier autotest de dépistage du VIH (laboratoire AAZ) est disponible en France. Lors de la conférence de presse de juillet, la docteur Marie-Josée Augé-Caumon, pharmacien, conseillère Uspo (5) et président d’un Caarud (6) a dressé le bilan côté pharmacies de ville. Les autotests sont disponibles dans plus d’une pharmacie sur deux et le prix est plutôt en baisse (quoi qu’encore très élevé) et il est généralement inférieur à 20 euros sur les sites Internet des pharmacies. En 2017, plus de 90 000 unités ont été vendues par les pharmacies de ville, soit une hausse de 7 % par rapport à 2006. La tendance pour 2018 serait de plus de 100 000 unités — en avril 2018, la hausse des ventes par rapport à avril 2017 était déjà de plus de 17 %. Un des facteurs explicatifs de cette augmentation tiendrait le fait que des complémentaires Santé en prennent en charge une partie. C’est le cas pour cinq d’entre elles : Smeno, CNM, MGEL, LMDE, Smerep.

Le 6 juillet, Stéphane Simonpietri, directeur Animation réseau à AIDES, a fait le bilan de la distribution des autotests assurée par l’association. En 2017, 1 199 autotests ont été distribués, dont 274 dans les locaux de AIDES, 890 lors d’actions en extérieurs et 35 ont été adressés aux personnes demandeuses par la poste. Ce sont 744 entretiens qi ont été réalisés pour accompagner les personnes à l’utiliser et à le manipuler. Il y a au 84 retours d’utilisatrices et utilisateurs d’autotests dont trois ayant découvert leur séropositivité. Quels ont été les groupes et publics bénéficiaires ? Ce sont pour 34 % des personnes migrantes, 24 % des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, 2 %, des personnes travailleuses du sexe, 1 % des personnes consommatrices de drogues par injection et 1 % des personnes en situation de précarité… 38 % concernaient d’autres publics. AIDES a cherché à savoir quelles étaient les principales raisons à vouloir utiliser un autotest. Près de 316 personnes ont déclaré être exposées au VIH avec des prises de risques à répétition ; 212 indiquent des raisons d’éloignement géographique… d’un autre moyen de dépistage (labos de ville Cegidd...) ; 186 se sont dit réticentes à effectuer un dépistage par sérologie classique ou par TROD ; 86 ont dit être en situation de précarité avec un accès difficile aux soins. Pour AIDES, l’autotest est un "outil de prévention complémentaire à l’offre de dépistage existante. Par exemple, le choix est laissé aux personnes entre un TROD et un autotest. Le Trod ne fait ainsi, lors des actions, pas l’objet d’une proposition préalable à celle d’un autotest. Il est possible de délivrer un ou plusieurs autotests à une même personne en fonction de ses pratiques de dépistage et de l’informer que son utilisation est personnelle. Il est également proposé systématiquement aux personnes dépistées avec un Trod la remise d’un ou plusieurs autotests dans le cadre d’une incitation au dépistage régulier plus une information/orientation vers une consultation  de Prep (7). Par ailleurs, l’association a opté pour une ouverture de la dispensation des autotests par l’ensemble des volontaires et salarié-e-s et on plus exclusivement par les militant-e-s habilités au dépistage. Ce qui favorise une montée en puissance de la dispensation. Sur 2018, déjà 1 841 autotest ont été remis et 48 adressés par courrier.

En Île-de-France, Vers Paris sans sida joue un rôle déterminant dans la distribution des autotests de dépistage du VIH. "Notre rôle est d'améliorer l'accessibilité de toutes les solutions de dépistage. Depuis 2016, nous avons centralisé, coordonné et contribué à accélérer la distribution gratuite des autotests par les structures habilitées à Paris et en Ile-de-France. En un an, près de 15 000 autotests VIH ont été mis en circulation en vue d'une distribution gratuite sur le territoire régional, 40 % ont été distribués à ce jour. Si l'autotest VIH a une fonction de rattrapage pour les personnes hors du système de santé qui n'ont pas recours au dépistage, il s'adresse aussi aux personnes qui se testent déjà, leur offrant ainsi la possibilité d'augmenter la fréquence de leur dépistage", rappelait d’ailleurs Eve Plenel, directrice générale de "Vers Paris sans sida", le 6 juillet.

Lors de cette conférence de presse, une application smartphone autotest a été présentée. Elle vise à informer et orienter avant, pendant et après la réalisation d’un autotest. L’application Autotest est téléchargeable gratuitement sur l’Apple store et Google Play. Elle permet aux personnes qui la téléchargent d’accéder à toute l’information dont elles ont besoin pour : mettre en place une stratégie de prévention face au VIH et autres IST ; réagir adéquatement en cas d’exposition récente à un risque (moins de 48 heures) ; d’identifier une pharmacie de proximité ou une pharmacie en ligne commercialisant l’autotest VIH ; être orienté-e vers des associations de proximité. L’application Autotest permet aussi à son utilisateur ou utilisatrice d’accéder à une vidéo explicative détaillant la bonne manière d’utiliser l’autotest VIH. Il ou elle est invité-e à personnaliser son expérience utilisateur en scannant le QR Code présent sur la boîte autotest VIH en sa possession. Cette manipulation, qui active un mode strictement privé, lui permet de réaliser son test pas à pas avec des indications en temps réel. Au terme des 15 minutes d’attente nécessaire à la communication des résultats, l’utilisateur ou utilisatrice est invité-e à cliquer sur l’icône qui lui correspond : autotest positif, autotest négatif ou aucun de deux résultats précédents, soit un autotest indéterminé. Si le résultat du test est positif, l’application invite à consulter un médecin et à lui présenter l’autotest réalisé, à faire confirmer le résultat de l’autotest en laboratoire, et à prendre toutes les dispositions nécessaires pour se protéger et protéger les autres.

Enfin, le numéro de Sida Info Service est rappelé et du soutien est proposé avec une possible orientation vers des associations ou centres de dépistage de proximité.

(1) : Tests rapides d’orientation diagnostique.
(2) : Centre gratuit d'information, de  dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles.
(3) : Hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, personnes migrantes, personnes trans, travailleurs et travailleuse du sexe, personnes consommatrices de drogues, personnes en détention, etc.
(4) : Nombre de cas d'une maladie dans une population à un moment donné, englobant aussi bien les cas nouveaux que les cas anciens.
(5) : Union des syndicats de pharmaciens d'officine.
(6) : Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues.
(7) : Prophylaxie pré-exposition.