Avis du CNS : trois associations réagissent

Publié par jfl-seronet le 05.05.2009
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prévention par le traitementréduction des risques sexuelsprévention
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'avis du Conseil national du sida en prolongement du débat ouvert par les recommandations suisses était attendu avec impatience. L'avis, rendu public, le 30 avril dernier, sur "l'intérêt du traitement comme outil novateur" de la lutte contre le VIH/sida n'a pas déçu. Il ouvre des perspectives nouvelles qu'ont largement commentées Act Up-Paris, AIDES et Warning. Passage en revue des analyses et des arguments.
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Si les associations montrent des inflexions voire des divergences dans leurs commentaires sur l'avis du Conseil national du sida (Voir notre dossier). Toutes avalisent la "reconnaissance du rôle des traitements dans la prévention". Pour AIDES, cet avis est "une excellente nouvelle".
"C'est inédit en France, un document institutionnel pose enfin le rôle des traitements anti-VIH dans la prévention de la transmission sexuelle du VIH et reconnaît que "la mise sous traitement des personnes infectées réduit fortement le risque que ces personnes transmettent le virus par voie sexuelle", note l'association, qui fait remarquer que "la référence à de nombreux articles scientifiques dans cet avis du CNS permet d’avoir un cadre objectif et de dépasser ainsi les débats d’ordre idéologique."

Pour Act Up : " L’avis du CNS met l’accent sur l’intégration du traitement antirétroviral dans les politiques publiques de prévention. Le bénéfice qui en est attendu est essentiellement populationnel et suppose une incitation et un recours accrus au dépistage." Le recours accru au dépistage, c'est une évidence pour AIDES aussi. D'autant qu'on sait que "les personnes qui ignorent leur séropositivité jouent un rôle clé dans le développement de l’épidémie." "Plus les personnes séropositives sont dépistées tôt, plus elles sont mises sous traitement tôt, mieux c’est pour l’ensemble de la population", avance l'association, qui considère que c'est de "la responsabilité des pouvoirs publics de permettre et encourager un accès précoce et universel au dépistage et aux traitements, enjeu essentiel pour enrayer la dynamique de l’épidémie en France et dans le monde." Du côté de Warning, on note que cet avis "ne peut qu'encourager la diffusion du dépistage, les gens n'ayant plus peur des conséquences d'un tel acte."
En fait, le débat, pour les associations qui ont rapidement réagi à la suite de la publication de l'avis du CNS, porte sur la place qu'ont respectivement le préservatif et les traitements en matière de prévention.  Dans son communiqué, Act Up-Paris considère que l'avis du CNS "réaffirme clairement que le seul traitement ne saurait remplacer le préservatif au niveau individuel." "A ce propos, [l'avis] rappelle que la prise d’un traitement antirétroviral et une charge virale indétectable dans le sang ne permettent pas d’écarter le risque de transmission du virus du sida. Le traitement est dès lors considéré comme un moyen complémentaire au préservatif dans les politiques de prévention", précise l'association, qui enfonce le clou : "Cet avis ne saurait donc en aucun cas être compris comme le signal d’un abandon possible du préservatif." En fait, l'association craint qu'il y ait un "risque collectif" à "confondre traitement et prévention". Elle estime même qu'il ne faut pas minimiser "le risque de voir les pouvoirs publics et les acteurs associatifs délaisser, dans un pari hâtif, la dimension comportementale de la prévention au profit d’une stricte approche de santé publique, qui subordonnerait le risque individuel au risque collectif."



L'approche de Warning est radicalement différente. "En reconnaissant qu'en matière de prévention le risque zéro n'existe pas et que le traitement pris chaque jour par une personne séropositive est un outil de prévention à prendre en compte au même titre que le préservatif, le CNS s'est rapproché des réalités du vécu des personnes. Le CNS siffle donc la fin du tout préservatif", affirme l'association. Pour Warning : "Ce changement de paradigme dans l'approche de prévention devrait permettre de renouer le dialogue entre les médecins et leurs patients, entre le discours public de prévention et les populations touchées. De moins en moins de personnes écoutaient les conseils de prévention centrés exclusivement sur le préservatif et qui ne tenaient pas compte de leur vie sexuelle. En mettant en avant l’intérêt des traitements, les médecins pourront aider leurs patients à s'engager dans une démarche globale de soin." "La prévention du VIH doit dorénavant mettre l’accent sur l’intérêt des traitements en complément des préservatifs, y compris en direction du grand public.  Ce "changement de paradigme" est une avancée majeure : les personnes concernées sont les plus à même de décider pour elles-mêmes des meilleures façons de se protéger et de préserver leur santé. L’accès à l’information est donc essentiel", explique, de son côté, AIDES. En fait, le traitement doit désormais avoir une place dans la prévention individuelle. Et ça, c'est nouveau. Pour le CNS, il ne s'agit d'ailleurs pas d'opposer le traitement à l'usage du préservatif, mais de les penser comme complémentaires. L'usage de l'un n'exclue pas l'autre et la combinaison des deux est la garantie de la sécurité maximale. Pour autant, dans l'objectif d'éviter toute transmission, l'usage d'un seul de ces deux moyens reste préférable à une absence totale de protection. Le traitement peut constituer un outil utile et précieux pour éviter des contaminations chez des personnes qui, pour de multiples motifs, n'utilisent pas, pas toujours ou mal le préservatif.


L'autre grand sujet de débat est de savoir si l'avis du CNS prend ou non position pour ou contre les recommandations suisses. AIDES estime que : "La commission fédérale suisse pour les problèmes liés au sida a affirmé publiquement il y a déjà plus d’un an que, dans certaines conditions, "les personnes séropositives ne souffrant d’aucune autre maladie sexuellement transmissible et suivant un traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle". Cette reconnaissance est vécue par de nombreuses personnes vivant avec le VIH comme une excellente nouvelle car elle réduit la peur et la stigmatisation à leur encontre, et contribue à améliorer leur qualité de vie, y compris du point de vue sexuel." Bref, c'est rien moins qu'une "nouvelle représentation de la séropositivité" qui en découle. Une analyse que fait aussi Warning. L'association considère que le "changement de cap" que constitue cet avis peut induire de façon efficace pour l'ensemble de la population une dédiabolisation des personnes séropositives qui ne seront plus perçues comme de graves dangers potentiels puisque séropositif ne rimera plus avec contaminateur potentiel. On peut attendre aussi une évolution de la situation vis-à-vis de la pénalisation de la transmission du VIH, comme c'est déjà le cas en Suisse." Du côté d'Act Up, on considère que "cet avis ne porte pas sur l’évaluation de l’efficacité du traitement en matière de réduction de la transmission individuelle du VIH/sida. Il n’est donc pas possible de prétendre qu’il confirme l’avis publié par les Suisses l’année dernière. On peut donc regretter le manque de cadrage de cet avis en ce qui concerne le bénéfice-risque du traitement en matière de transmission sexuelle."


Comme on le voit si le débat reste entier concernant les recommandations suisses. Les prolongements de cette annonce, dont l'avis du CNS est l'épisode le plus récent, sont immenses. Les perspectives ouvertes sont, d'un certain point de vue, révolutionnaires. Elles constituent un vrai tournant. Un vrai tournant qui doit, bien entendu, être accompagné par l'ensemble des acteurs de la lutte contre le sida. "En partant de la base de travail proposée par le CNS, il est maintenant nécessaire de définir plus précisément les modalités pratiques permettant aux personnes séropositives et leurs partenaires de choisir en toute liberté les stratégies les plus adaptées à leurs besoins", avance Warning. D'autant plus que certains acteurs, comme la Deutsche Aids Hilfe, la plus importante association allemande de lutte contre le sida, ont déjà pris position en ce sens.

La suite de notre dossier : 


Conseil national du sida : un avis qui change la vie !

La "dignité" à la hausse !
Nouvelle donne : le CNS recommande
Autres réactions associatives


Sources :

Avis du Conseil national du sida
Avis de la Commission fédérale suisse des problèmes liés au sida
Avis de la Deutsche AIDS-Hilfe (en français)
Communiqué de presse d'Act Up-Paris
Communiqué de presse de AIDES
Communiqué de presse de Warning

Crédits photos et illustration :

1 : FaceMePLS

2 :  Joe Shlabotnik