Baromètre santé du Ciss : des ombres au tableau des droits des malades

Publié par jfl-seronet le 16.03.2016
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Droit et socialdroit des maladesbaromètre santé 2015

Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) a publié, le 4 mars dernier, les résultats de son nouveau Baromètre des droits des malades. Cette enquête barométrique qui aborde les questions d’informations en matière de santé est réalisée depuis plusieurs années. Cela permet de suivre les évolutions et d’interroger sur de nouvelles problématiques. Cette année, l’enquête s’est intéressée aux prix très élevés de l’innovation thérapeutique. Voici les points clefs du Baromètre 2016.

Le baromètre 2016 du Ciss sur les droits des malades (1) montre une certaine stabilité sur le sentiment des Français d’être plutôt bien informés lors de leur recours au système de santé. Ils sont ainsi plus de neuf sur dix à déclarer être bien informés concernant les bons gestes à adopter pour être en bonne santé (91 %) et concernant leur état de santé et les soins et traitements qui y sont liés. Ils sont également plus de huit sur dix à considérer être bien informés du coût des soins et médicaments et leur prise en charge (8 %). Les résultats indiquent aussi que les malades considèrent leurs droits en tant que malades majoritairement bien appliqués, notamment celui de l’accès aux soins par 81 % de nos concitoyens. Bon, tout n’est pas idéal non plus. Il y a deux bémols sérieux, pointent les auteurs de l’étude. D’une part des craintes sont exprimées par près de 40 % des Français quant à la pérennité de cet accès de tous aux soins concernant les médicaments innovants et coûteux. D’autre part, la persistance d’une méconnaissance de certains droits en lien avec l’accompagnement et l’autonomie des personnes dans leurs choix thérapeutiques au cours de leur prise en charge, en cas de problème lié aux soins et au moment de la fin de vie.

Médicaments innovants et coûteux

C’est une question d’actualité qui agite le monde de la santé depuis plusieurs mois, en particulier du côté associatif. Cela concerne l’accès de tous aux médicaments innovants… notamment lorsque de nouvelles molécules sont proposées à des prix particulièrement élevés amenant les pouvoirs publics à faire le choix de "rationner" leur diffusion auprès des malades qui en ont besoin, rappellent les auteurs de l’étude. C’est notamment le cas actuellement avec les nouveaux traitements contre l’hépatite C (les antiviraux à action directe), qui permettent pourtant de guérir cette maladie transmissible chez un très grand nombre de personnes et donc de sauver des malades et même d’envisager très sérieusement de mettre fin à une épidémie qui concerne plus de 300 000 personnes en France. Ce nouvel enjeu de l’accès aux traitements est un sujet qui préoccupe les Français. Ils sont plus de la moitié (55 %) à avoir entendu parler des prix très élevés de certains traitements innovants qui rendent impossible leur disponibilité pour tous ceux qui en ont besoin. Ils sont près de quatre sur dix à craindre que la Sécurité sociale ne prenne pas en charge un traitement innovant coûteux s’ils en avaient un jour un besoin vital. Par ailleurs, si les Français se déclarent disposés à se donner collectivement les moyens pour payer le prix permettant aux laboratoires pharmaceutiques de financer leur part de la recherche thérapeutique, ils sont surtout une très forte majorité de 85 % à estimer que les pouvoirs publics doivent imposer aux laboratoires des prix soutenables par la Sécurité sociale permettant l’accès de tous aux traitements innovants. Leur demande va dans le sens d’un "impératif de prix soutenables pour les systèmes de santé".

De nombreux droits encore méconnus

Parmi les principaux droits reconnus aux malades dans le but d’améliorer leur prise en charge par les professionnels et le système de santé, le Baromètre 2016 note une proportion importante de personnes déclarant ne pas connaître l’existence de certains droits essentiels. Les résultats indiquent que sont concernés :
- le droit de rédiger des "directives anticipées" pour sa fin de vie dans le cas où on ne serait plus en mesure de les exprimer : 27 % des Français disent ne pas connaître ce droit ;
- le droit de désigner une personne de confiance pour être accompagné tout au long d’une prise en charge, que 18 % des Français disent ne pas connaître ;
- le droit de refuser ou interrompre un traitement, que 22 % des Français disent ne pas connaître ;
- le droit d’engager un recours pour une indemnisation en cas de problème grave lié aux soins, que 30 % des Français disent ne pas connaître.

Pour le Ciss et BVA, ces résultats montrent l’importance, pour l’ensemble des acteurs du système de santé, de développer l’information du public en matière de droits des malades, notamment pour répondre dans le plus grand respect de chacun, usagers comme professionnels de santé, à des questions souvent sensibles.

Notoriété encore faible pour les instances de démocratie en santé

Parmi les instances de la démocratie en santé qui peuvent être les plus concrètement et directement utiles aux usagers du système de santé, figurent les Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) des accidents médicaux dont la notoriété progresse : près de quatre Français sur dix disent en connaître l’existence et le principe (38 %).
Les commissions des usagers (CDU) au sein des établissements de santé bénéficient d’une notoriété de 25 % auprès du grand public, soit une augmentation de treize points par rapport à celle mesurée en 2015. La mise en place des nouvelles CDU pourra être une bonne occasion pour les établissements de santé de rendre plus visible l’intérêt du recours à ce dispositif pour les personnes hospitalisées souhaitant faire part d’une réclamation, indiquent les auteurs.

Accès au crédit et à l’assurance emprunteur, toujours des soucis

La proportion de Français, déclarant avoir été confrontés à une difficulté d’accès à l’assurance dans le cadre d’une démarche d’emprunt, est stable mais reste élevée à 25 %. Autrement dit, un Français sur quatre a déjà été confronté personnellement ou via un proche à des difficultés d’accès au crédit.

Parmi ces personnes, déclarant avoir été confrontées elles-mêmes ou via leur proche à ce type de difficultés, elles sont plus nombreuses à connaître la convention Aeras (64 %, + cinq points par rapport à 2015) et à considérer qu’elle a pu permettre l’accès à l’emprunt (23 %, + six points par rapport à 2015). Cette proportion est de 18 % pour les personnes atteintes d’une ALD. Des résultats qui témoignent certainement de la forte visibilité apportée à cette question de l’accès à l’assurance emprunteur dans le cadre de l’adoption des dispositions sur le "droit à l’oubli", notent les auteurs. "Une démarche encore en cours qu’il est donc crucial que les pouvoirs publics, comme l’ensemble des acteurs impliqués dans la convention, se donnent les moyens de faire avancer au plus vite".

Conclusion provisoire

"En 2016, une ombre inquiétante au tableau des droits des malades se cristallise autour des craintes sur la pérennité de l’accès aux traitements innovants et coûteux", notent les auteurs. "Cette question du coût de l’innovation et du financement de son accès par la solidarité nationale doit être une préoccupation prioritaire des pouvoirs publics dans les mois et les années à venir. Elle le sera en tout cas pour le Ciss… et nous l’espérons pour le monde associatif dans son ensemble, ce qui participerait indéniablement à permettre aux associations de reprendre la première place parmi les organisations considérées comme les plus légitimes pour représenter et défendre les intérêts des malades, perdue cette année au profit des complémentaires santé", concluent les auteurs.

(1) : Sondage BVA pour le Ciss, réalisé du 25 au 27 février 2016 par téléphone auprès d’un échantillon de 1004 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.