Consommateurs de produits : une loi canadienne sous le feu des critiques

Publié par jfl-seronet le 23.06.2013
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Produitssalle d'injection superviséedrogues

Le gouvernement canadien s’est engagé au niveau fédéral sur une projet de loi, baptisé C-65, qui fait l’objet de vives critiques. C’est notamment le cas de la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, la Cocq-Sida qui considère que ce projet "porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes utilisatrices de drogues". Explications.

"Le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi visant à encadrer l'émission, par le ministre de la Santé du Canada, d'exemption à la loi règlementant certaines drogues et autres substances ; exemption nécessaire à la mise en place de services d'injection supervisée", explique le site d’informations de la Cocq-Sida. "Ce projet de loi énumère de multiples critères auxquels devront répondre toutes demandes d'implantation de service d'injection supervisée", des critères jugés dissuasifs. Et pour faire bonne mesure comme le note la Cocq-Sida, en même temps que le dépôt de ce projet, le Parti conservateur du Canada (au pouvoir) lançait le site web "Garder l'héroïne loin de chez nous" invitant la population à s'opposer à l'ouverture de service d'injection supervisée. Complexité administrative et pression populaire : le meilleur cocktail pour que rien ne bouge.

"Ces deux actions ne visent qu'à multiplier les obstacles aux organismes qui fournissent ou qui veulent fournir des services de supervision de consommation de drogues, tel Insite à Vancouver, aux personnes utilisatrices de drogues", explique la Cocq-Sida dans un communiqué.

"En septembre 2011, la Cour suprême du Canada a jugé que le service d'injection supervisée Insite permettait de sauver des vies et d'améliorer la santé des personnes bénéficiant de ses services, obligeant ainsi le ministre fédéral de la Santé à accorder une exemption à Insite, rappelle l’association. "Se fondant sur l'article 7 de la Charte Canadienne des droits et libertés, la Cour a affirmé que les personnes utilisatrices de drogues ont le droit à la vie, à la santé et à la sécurité" et qu'un "service d'injection supervisée peut leur être proposé". La Cour a fondé son jugement après avoir pris connaissance des dispositions qui règlementent ce type de site et après s'être assurée que ce service n'avait pas engendré d'augmentation de l'utilisation de drogues ni l'augmentation du nombre de crimes dans son voisinage. Elle a aussi "énuméré certains facteurs à considérer lors de l'implantation de ce type de service, dont celui d'assurer l'implication des communautés concernées". La cour considérait dans sa décision que le ministre de la Santé du Canada a un pouvoir discrétionnaire dans le fait d'accorder une exemption aux sites, en précisant que ce pouvoir devait "néanmoins s'exercer dans le respect des dispositions de la Charte canadienne". Elle enjoignait donc le ministre à "trouver un équilibre entre le droit à la santé et la sécurité publique dans ses futures prises de décision".

Pour la Cocq-Sida, le "projet de loi ne tient pas compte de l'arrêt de la Cour Suprême et donc des droits fondamentaux que cette dernière a souhaité protéger. En effet, il introduit une panoplie de conditions nécessaires à l'obtention d'une exemption. Parmi ces conditions, certaines donnent libre champ à tout opposant au projet d'avoir une forme de "droit de veto" à la mise en place d’un quelconque projet.

"Nous ne voulons pas d'une décision contraire aux droits fondamentaux. N'en déplaise au parti conservateur, les personnes utilisatrices de drogues sont aussi des citoyens et des citoyennes qui ont des droits qui doivent être protégés. Nous souhaitons que ces droits soient respectés. Nous voulons, une réécriture complète du projet de loi C-65 afin que les décisions du ministre d'accorder une exemption soient prises dans le respect des droits les plus élémentaires de tous les citoyens touchés de près ou de loin par ce type de service", explique la Cocq-Sida.