CROI 2012 : zoom sur les pays du Sud

Publié par Rédacteur-seronet le 09.03.2012
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Croi 2012
Contraception hormonale et VIH, impact des traitements sur le paludisme, influence de l'aide financière américaine (PEPFAR), focus sur les perdu-e-s de vue, recommandations de prise en charge et nouvelle découverte sur le VIH-2 : revue des résultats dans les pays du Sud dont on a parlé à la CROI.
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Cette année plus que d’autres, les présentations concernant les résultats des recherches menées dans les pays du Sud sont mieux intégrées aux sessions thématiques classiques. Ce n’était cependant pas le cas de la session consacrée, mardi, à la prise en charge des femmes et enfants séropositifs qui a vu se succéder neuf équipes principalement américaines, qui ont présenté des résultats d’études menées au Sud.


Contraception hormonale et VIH : la fin de la polémique ?
La contraception hormonale injectable augmente-t-elle le risque d’infection par le VIH ? Certaines études, notamment celle récente et très médiatisée publiée par Renee Heffron dans la prestigieuse revue médicale Lancet en octobre dernier, laissent penser que c’est peut-être le cas, sans que l’on puisse en expliquer la raison. Est-ce l’effet biologique des contraceptifs ? Ou bien est-ce parce que les femmes qui utilisent des contraceptifs injectables sont plus exposées aux risques d’infection par le VIH ? Fallait-il revoir les recommandations mondiales en matière de contraception ?


Pour le savoir, une autre équipe, celle de Sandra McCoy (Université de Berkeley en Californie) a examiné de manière rétrospective les données de sa propre étude, titrée MIRA et menée en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Cette étude comparait, il y a plusieurs années, l’utilisation de gel à base d’eau et le diaphragme pour prévenir l’infection par le VIH. Plusieurs analyses statistiques sophistiquées ont été réalisées. Il en ressort que l’utilisation des contraceptifs oraux (comprimés) ne modifie certainement pas le risque d’infection par le VIH. Pour ce qui est de la forme injectable, par piqûre, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire si les analyses prennent en compte les risques d’exposition (préservatifs utilisés ou pas, nombre de partenaires sexuels), alors le risque d’infection ne semble pas augmenter.


Une autre équipe de l’Université de Washington à Seattle a aussi mené une analyse rétrospective d’une étude menée dans sept pays africains et a montré que l’utilisation de contraceptifs hormonaux n’avait pas d’incidence sur l’évolution de l’infection à VIH. Fin de la polémique ?


Le ritonavir booste les anti-paludéens
Bonne nouvelle : la baisse de 59% du nombre de crises de paludisme, maladie très répandue provoquée par un parasite, chez les enfants séropositifs prenant Kaletra (lopinavir/ritonavir). Selon la chercheuse Jane Achan qui a mené cet essai randomisé, cela serait notamment du à l’augmentation des concentrations plasmatiques des traitements antipaludéens (effet "booster" du ritonavir), et peut-être également par une légère action directe du ritonavir sur le parasite.


PEPFAR utile au-delà du VIH
Une étude a démontré l’impact positif des subventions américaines PEPFAR sur la mortalité générale (quelques soient les causes de mortalité) des pays bénéficiant de PEPFAR, en comparant plusieurs pays africains selon qu’ils soient bénéficiaires ou non des financements PEPFAR. Cet impact semble supérieur à celui observé sur la seule mortalité lié au VIH. Cela suggère que l’aide spécifique pour le VIH est bénéfique pour l’ensemble des systèmes de santé.


Femmes enceintes perdues de vue : le défi de la PTME
Une équipe de l’Université de Cape Town en Afrique du sud a repris les données d’une des cohortes de femmes séropositives et a montré qu’une proportion plus importante de femmes séropositives était perdue de vue au moment de la grossesse. Cela appelle les centres de prises en charge à mettre en place des actions spécifiques d’accompagnement et de suivi à l’égard des femmes séropositives au moment de la grossesse. De même, une équipe zambienne a évalué les premiers programmes de prise en charge des femmes séropositives enceintes dans quelques petits villages de ce pays. Le taux de perdues de vue était important, au démarrage de ces programmes.


Les perdus de vue dans 9 pays Africains

Le taux de perdus de vue au cours de la 1ère année suivant la mise sous traitement augmente-t-il en raison de l’augmentation du nombre de personnes traitées ? La réponse est non. Sur l’ensemble des pays, le taux de perdus de vue est stable entre 2005 et 2010 avec 21% de perdus de vue à 6 mois et 29% à 12 mois. Il existe cependant de grandes disparités en fonction des pays, la Côte d’Ivoire connaît par exemple le plus haut taux de perdus de vue. Parmi les facteurs qui expliquent le taux important de perdus de vue, on trouve le fait d’être en zone urbaine et dans les centres qui ont une file active très importante.


Mettre à disposition la charge virale en Afrique peut-il sauver des vies ?
Mike Saag (Université d’Alabama à Birmingham) a étudié l’impact de la mise à disposition systématique de l’examen de la charge virale en Afrique sur la mortalité. Et ce en comparant des centres de soins tirés au sort pour bénéficier ou non de cette intervention. Pas de différences sur le taux de mortalité ni sur le taux de succès virologique à un an. En revanche les patients étaient mis plus souvent et plus rapidement sur une 2e ligne dans les centres qui bénéficiaient de l’examen de la charge virale. Des résultats à interpréter avec prudence en raison d’un nombre de centres trop faible pour réellement observer une différence et d’une période d’observation trop courte pour voir un réel effet sur la mortalité.


RDC : lopinavir/r (Kaletra) ou névirapine en 1ère ligne ?
Les recommandations de prise en charge au Sud sont de commencer avec un non-nucléoside (Viramune ou Sustiva) plutôt qu’une anti-protéase pourtant moins à risque de générer des résistances, d’où un essai proposé pour comparer deux 1ères lignes (premier traitement anti VIH pris par une personne). Les patients ont été tirés au sort et ont commencé le traitement à base de Kaletra ou de Viramune. Le taux de succès était très élevé dans les deux groupes, avec cependant plus d’arrêts du protocole parmi les personnes ayant eu du Kaletra, notamment à cause de troubles gastro-intestinaux. Il y a eu moins d’échecs et moins de résistances parmi celles traitées par Kaletra que par Viramune, l’observance était similaire dans les 2 groupes. L’efficacité en intention de traiter était comparable pour les deux lignes de traitement.


Une nouvelle lignée de VIH-2
Une nouvelle lignée de VIH-2 a été découverte en Côte d’Ivoire par des chercheurs ivoiriens et français (Sabrina Locatelli, Eric Delaporte et Martine Peeters, Institut de recherche sur le développement à Montpellier). Le VIH-2 est originellement issu d’une transmission à l’homme du virus simien de l’immunodéficience du mangabey fumé (SIVsm). On sait que la barrière d’espèce a été franchie au moins à 8 reprises (car il y a 8 lignées de VIH-2). Les chercheurs pensent en avoir idéntifié une 9e, à partir d’un nouvel individu de l’espèce mangabey fumé. Depuis des années, l’équipe surveille la survenue de telles transmissions animal-homme, et dit qu’il serait possible de voir apparaitre un hypothétique VIH-3.